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Rencontre avec David Verdaguer

01 Mar Rencontre avec David Verdaguer

Branché, nocturne, baroque, le Born est le quartier qui monte. Une foule d’artistes et de créateurs y a élu domicile. L’acteur David Verdaguer nous entraîne à la découverte de ses coups de cœur et nous donne à voir autrement le plus vieux quartier de Barcelone.
David Verdaguer est l’un des acteurs les plus en vue de Barcelone. Beau gosse, un peu déjanté, il a l’ironie pince-sans-rire d’un Antoine de Caunes ou d’un Woody Allen. Sous son apparente désinvolture se cache un comédien exigeant, amoureux des textes et toujours en quête de limites. Nous l’avons rencontré dans un café, bien sûr.

verdaguer2Cap Catalogne : Bonjour David. Tu es l’un des acteurs les plus en vue de Barcelone et tu as choisi de vivre ici, dans le Born. Raconte-nous un peu ton parcours.

Je suis né à Malgrat de Mar. Au début, comme beaucoup de mes confrères, je faisais le clown au collège, juste pour rire, j’étais intenable ! Mais, comme mon grand-père avait fait du théâtre en amateur, je me suis pris au jeu et j’ai très vite su que c’était ce que je voulais faire : jouer. A 17 ans, je suis parti vers la capitale. Avec quelques amis, j’ai fait un pari un peu fou, j’ai créé ma propre compagnie, « Elnacionalnoensvol » (le national ne veut pas de nous)… C’était sans doute prémonitoire ! Rires…

Cap Catalogne : En catalan donc. Et ça a marché ?

Ça a marché très fort dans toutes les villes moyennes de Catalogne, on a tourné partout. C’était une époque extraordinaire, on osait tout. C’est comme ça que j’ai fait mes classes. En jouant devant des publics complètement différents et dans des conditions artisanales. Et puis, tu sais ce que c’est… La vie, les chemins… On est tous restés bons amis mais on avait notre propre pierre à apporter à l’édifice, alors nos routes se sont séparées peu à peu. J’avais envie de textes, d’expériences nouvelles, je voulais tenter ma chance. Mais dans ce métier tout se gagne. Alors je suis devenu un acharné des castings et à force, ça a fini par payer.

Cap Catalogne : Tu n’as pas hésité à faire de la télévision…

Ça, c’est un faux débat ! L’essentiel c’est d’abord de jouer, de se faire connaître et surtout de se tester. J’ai eu la chance de jouer sur les plus grandes scènes de Catalogne et d’avoir en face des monstres sacrés comme Joan Pere ou Lloll Bertran. Mais la télévision m’a apporté autre chose : la notoriété et une certaine sécurité financière. Même si ça n’a pas été facile à gérer.

verdaguer3Cap Catalogne : Tu parles de ton personnage de « noi al bigoti » (type à la moustache ?)

Oui. « Alguna Pregunta més » (pas d’autre question) c’est une institution comme en France le Petit Journal de Canal Plus. Alors évidemment, il y a des rôles qui vous collent à la peau et avec lesquels le public vous confond. J’ai apprécié l’expérience mais je n’avais pas envie d’être enfermé dans un personnage, même sympathique. J’ai eu la chance d’enchaîner à la suite des séries comme « Plats bruts », « la Sagrada familia », « el vent de la ciutat », et de pouvoir tourner aussi, en castillan cette fois, et pour le cinéma « cuatro estaciones » qui a eu le prix Gaudí en 2011. Et puis, j’ai continué à faire du théâtre…

Cap Catalogne : Oui, la fameuse expérience de Litus…

Je suis très heureux d’avoir fait ça. C’était un texte magnifique, j’ai pu montrer autre chose de moi que mon humour décalé un peu anglo-saxon, avec une pièce autour du vide que laisse la mort. Ça a été un énorme succès. Monter du théâtre contemporain, c’est quand même notre fonction première, c’est ce qui porte la culture de la Catalogne.

Cap Catalogne : David Verdaguer c’est un acteur catalan à facettes multiples ?

C’est ça le métier. La télévision ne m’a pas empêché de jouer salle Versus, au Lliure ou au théâtre Condal, je suis curieux de tout et j’espère simplement avoir des occasions. Le métier d’acteur ce n’est au fond que ça, être au bon endroit au bon moment. Pour ma part je ne me ferme à rien, je ne m’interdis rien. Ce sont les rencontres qui décident de tout et même, qui décident pour nous.

verdaguer4Cap Catalogne : C’est pour ça que tu habites le Born ?

Oui, le Born, c’est un quartier idéal pour les rencontres improbables. C’est un quartier qui me ressemble, parce que c’est vraiment un quartier bohème. Un quartier fait pour les gens comme moi. D’un jour à l’autre rien n’est pareil et du jour à la nuit, tout change. Dans la journée c’est un quartier agréable, animé, et même besogneux avec encore ses petits métiers et ses boutiques. Un quartier culturel au sens institutionnel du terme, avec ses musées et ses galeries. Un quartier de la mode et du design qui aligne toutes les enseignes internationales. Un quartier à touristes, de plus en plus. N’empêche, on peut traverser et visiter le Born sans rien comprendre, juste comme une vitrine, parce que le Born protège ses mystères…

Cap Catalogne : Et la nuit ?

La nuit, ça devient autre chose. Un lieu où la transgression a sa place. Un lieu où tout est permis. On peut taper le carton dans un café qui n’a pas changé depuis trente ans ou fréquenter des boîtes ultra-branchées. On peut s’installer pour écrire dans un café comme Sartre et Beauvoir. C’est ici que se passent tous les afters des théâtres et des salles de concert. C’est ici que se retrouvent les comédiens, les musiciens, les danseurs et les écrivains. Les branchés de Barcelone le savent, le Born est devenu leur Eldorado.

Cap Catalogne : Et tout ça t’inspire ?

Quand on est acteur, on est une véritable éponge. On n’invente jamais rien, on redonne ce qu’on a reçu sous une forme ou une autre. Le Born est un fantastique terrain d’expériences et d’observations, mais aussi un lieu incroyable où tout existe. Tu peux manger mexicain, japonais, sud-américain. Tu peux danser sur de l’électro ou du flamenco. Tu peux être seul ou accompagné d’une foule de groupies. Au petit matin, les noctambules épuisés et éméchés croisent le petit peuple des marchés. On se parle dans toutes les langues du monde. Les travestis qui rentrent dormir croisent les ménagères matinales avec leur cabas et leurs poireaux qui dépassent. Parfois, quand je regagne mon appartement au petit matin, j’entends les boutiques qui lèvent leurs stores et je me ravise. Un café bien chaud à l’aube avec les travailleurs du matin, c’est un concentré d’humanité. Le Born, c’est un endroit où on peut refaire le monde parce que le monde qui y habite est multiple. Je me sens à la fois dans un village et noyé dans une grande ville. Et puis je suis de Malgrat et la mer est à deux pas. Même si je ne la vois pas tous les jours je sais qu’elle est là…

Cap Catalogne : C’est un quartier d’artistes ?

Oui, c’est un quartier qui bouge, alors il attire les gens qui ont besoin de mouvement. Mais il n’a rien d’un ghetto d’intellos, au contraire ! Et c’est ça qui me plaît. On passe du café du commerce à des discussions philosophiques, de la bringue échevelée à la concentration sur un texte… je pense que ce quartier marquera l’histoire des arts et des idées parce qu’il correspond à une période, à une époque.

Cap Catalogne : Tu es donc heureux de te trouver ici et maintenant ?

Oui, je pense que pour moi, c’est « the right place, the right moment ».

Cap Catalogne : Qu’as-tu envie de dire à nos lecteurs ?

« Regardez-moi ! »… Non, je rigole. J’ai envie de leur dire de venir dans le Born, de se laisser porter, d’attendre la nuit et de la vivre. Ici, la nuit des rois, c’est tous les soirs !

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