02 Juin Rencontre avec Joaquim Arnó i Porras
Rencontre avec Joaquim Arnó i Porras, Président du Consortium de Promotion Touristique de la Côte de Barcelone et du Maresme, un homme élégant et pressé, amoureux de son territoire auquel il apporte toute son expérience d’élu.
Cap Catalogne : Bonjour, le nom de votre structure allie étroitement Barcelone au Maresme. Parlez-moi de ce lien…
JAP : Le Maresme c’est un peu les plages de Barcelone, mais c’est beaucoup plus aussi. C’est son verger et son potager, son lieu de villégiature le plus proche, ses paysages de montagne. Nous sommes à la fois très près, reliés par le rail et la route comme toute zone périurbaine, et loin déjà, très loin des agitations de la ville. Et nous proposons tout : des paysages de mer et de montagne, des destinations familiales, du patrimoine, de la culture, de la gastronomie, des lieux de tournage, des lieux d’entraînement pour tous les sportifs… Le Maresme c’est d’abord ça, une destination vraiment plurielle parce qu’il n’y a pas un mais des dizaines de Maresme !
CC : Ce qui est étonnant c’est cette offre agricole et artisanale, souvent considérée l’apanage du monde rural…
JAP : Nous avons un climat idéal, très ensoleillé mais tempéré par les rosées côtières et les brises venues du large : nous excellons dans les cultures du potager autour de nos deux produits emblématiques, la fraise du Maresme, connue dans tout le pays pour sa saveur intense, et le haricot del ganxet, un nom dû à sa forme recourbée (ganxet signifie crochet en catalan), une pure merveille gustative. Je pourrais aussi vous parler du petit pois, un des plus doux du monde. Mais bien sûr, nous produisons de tout, nous sommes le jardin de Barcelone et même celui de la Catalogne. Nous organisons toute l’année des campagnes gastronomiques pour mettre en valeur ces produits. Ils sont le reflet de l’activité de nos pêcheurs paysans au fil des siècles mais aussi et surtout de la démarche qualitative de nos paysans. Nous en sommes très fiers.
CC : D’autant que vous avez aussi une excellente appellation viticole, la D.O Alella…
JAP : Nous avons une expression pour la définir, nous parlons du « souffle de la mer ». Ces vins sont produits par sept caves particulières et la proximité de la mer leur donne un caractère particulier. Les blancs sont principalement élaborés à base de pansa blanca et de grenache blanc. Les rouges font la part belle au grenache noir. Même mélangés à d’autres cépages moins autochtones ils donnent naissance à des vins charpentés et élégants. Peu de gens le savent mais la D.O Allela a été la toute première dénomination de l’état espagnol, noblesse oblige. Comme vous le voyez, nous avons des arguments gastronomiques de choc ! Vous pourrez juger par vous-même tous les dimanches de l’été à Alella et à Premià de Dalt autour de dégustations.
CC : Vous faites aussi une large place à la culture au sens très large. Je me suis laissé dire que vous veniez de créer trois routes consacrées à la guerre d’Espagne dans le Maresme, un tourisme à la fois mémoriel et patrimonial qui plait beaucoup et opère notamment pendant les intersaisons…
JAP : Nous avons même édité un petit livre car notre proximité avec la capitale comtale a lourdement pesé sur le territoire pendant la Guerre civile, c’est vrai. D’abord, nous étions très proches du front et nous avons vécu le destin d’une arrière-garde, avec tout ce que l’on peut imaginer dans un tel contexte : la création d’hôpitaux de campagne, la construction de refuges anti-aériens, l’hébergement d’unités en retraite, un quotidien particulièrement difficile, l’exil graduel des populations du sud au nord. Nous abordons la première route baptisée « Arrière-garde et front » comme un itinéraire balisé qui fera toucher du doigt les réalités de la guerre, et notamment, puisque tout en découle, jettera une lumière crue sur les bombardements terribles qui ont frappé Barcelone. Ensuite, la deuxième route « la défense de la Côte » parcourt les fortifications côtières qu’il s’agisse de bunkers ou casemates destinées à accueillir des mitraillettes. Il faut bien comprendre que le grand fantasme, c’était le débarquement. Ça a toujours été le cas ici du temps des razzias barbaresques et cela s’est renforcé pendant la guerre civile. Les chemins de ronde et les tours génoises ont été réutilisés pour lutter contre un éventuel danger venu de la mer. évidemment, le paradoxe, c’est que 100 % des lieux propices à tirer sur l’ennemi sont aussi, en temps de paix, de fabuleux miradors. Cette deuxième route est donc ludique, agréable, et passionnante pour les photographes. Ces deux itinéraires sont très particuliers mais ils s’inscrivent dans une histoire plus vaste : on en retrouve des éléments tout au long de la côte et dans tous le pays. Ce n’est pas le cas de la troisième route…
CC : Vous m’intriguez. Elle est pourtant liée à la guerre d’Epagne ?
JAP : Oui, mais elle n’existe que dans le Maresme. C’est la « Route des Ambassades ». Songez qu’après les massacres causés par les bombardements de l’aviation italienne sur Barcelone les 16, 17 et 18 mars 1938, beaucoup de pays étrangers ont décidé de déplacer leurs consulats et leurs ambassades pour les mettre en sécurité. Relié par le rail, proche de la mer, le Maresme s’est imposé à beaucoup. Vous connaissez le slogan « libre et tropical », et bien j’ai envie de vous parler d’un Maresme « libre et international » ! à Caldes d’Estrac, où nous réalisons cet entretien, de grandes maisons de maître, tantôt noucentistes, tantôt modernistes, ont accueilli les diplomates en transit et c’est aussi le cas à Sant Vicenç de Montalt ou à Arenys de mar. Les pavillons français, britannique, américain, costaricain, bulgare, hollandais, suisse, chilien, argentin, mexicain, suédois, belge et je dois sûrement en oublier battaient alors sur la façade des consulats et des ambassades. On imagine la noria de voitures avec chauffeur, les innombrables espions, tout un monde secret. Beaucoup de choses se sont décidées dans le Maresme qui est devenu, le temps d’un été et d’un automne terribles, ceux de 1938, une sorte de principauté représentant le monde libre, inexorablement menacée par l’avancée des troupes franquistes. Historiquement, cette route est fabuleuse par tout ce qu’elle suggère, mais ceux qui aiment l’architecture y trouveront aussi plus que leur compte. C’est dans le Maresme et nulle part ailleurs, et jusqu’à présent c’était une mémoire quasiment méconnue.
CC : Nous sommes à Caldes d’Estrac, au cœur d’une station thermale, encore une corde à l’arc du Maresme !
JAP : C’est vrai. Ici nous avons tous les tourismes parce qu’il y a toujours une très bonne raison de venir dans le Maresme et sans doute plus de raisons encore d’y revenir. Les eaux thermales sont une valeur ajoutée indéniable au bien-être, elles participent à cette douceur de vivre qui caractérise notre comarca et qui donne envie de se poser. Je vous l’ai dit, nous sommes tout près de la ville et pourtant très loin.
CC : Je crois que la clientèle française répond présent…
JAP : Oui, nous avons beaucoup de Français. Ce qui me réjouit le plus c’est que souvent, les gens reviennent. Cela veut dire que nous ne les décevons pas. Mais cela signifie aussi qu’il faut maintenir la barre très haut.
CC : Résumons-nous, une destination plurielle, gourmande, historique, libre, chaleureuse…
JAP : Rajoutez accueillante. S’il n’y avait qu’un adjectif, ce serait celui-là.
Pas de commentaire