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Roses, Fleur des ports

31 Jan Roses, Fleur des ports

Elle fait partie du club très privé des « plus belles baies du monde ». Privilégiée, la Baie de Roses est non seulement bénie par la Méditerranée mais peut s’appuyer sur ses deux ports, figures de proue de la Costa Brava. Grâce à son port de pêche centenaire et à sa très active confrérie de pêcheurs, Roses navigue vers un tourisme patrimonial et gastronomique haut de gamme. Le dynamique port de plaisance accélère de son côté la manœuvre pour faire de Roses un « spot » tendance et soucieux de son environnement. à bâbord comme à tribord, Roses vaut bien plus qu’une immersion. 

Faire escale à Roses ! à l’oreille déjà, la promesse joue la carte d’un amarrage bonheur. S’imaginer face à la Baie de Roses, c’est encore mieux : c’est la garantie d’une parenthèse dorée. Car le saviez-vous ? Cette baie-là fait partie du club très privé des « plus belles Baies du Monde », aux côtés des baies d’Halong, de San Francisco ou encore celle du Mont Saint-Michel ! Roses aurait donc rempli tous les critères : la baie est protégée, elle dispose d’une faune et d’une flore intéressante, d’espaces naturels remarquables et attractifs, d’un potentiel économique et d’un sentiment de fierté de la part de la population locale. Non contente de cocher toutes ces cases, la Baie de Roses correspondrait même au fameux Nombre d’Or établi par le mathématicien grec Euclide ! Cette proportion divine, qui selon l’auteur existe dans la nature elle-même, a servi de modèle aux Grecs pour leurs constructions architectoniques. En 1967, un éminent ingénieur a découvert à l’occasion d’une recherche, que ce nombre parfait s’adaptait au profil de la Baie de Roses ! En cœur de baie, la cité de Roses peut donc tranquillement briller. Si le tourisme de masse lui donne parfois le tournis, Roses connaît parfaitement les fondamentaux de sa rose des vents. Elle a décidé de naviguer à contre-courant en s’appuyant sur son plus ancré et son plus profond des patrimoines : la mer. Certes, Roses peut s’enorgueillir de ses kilomètres de pages de sable fin et de son chapelet magiques de calanques et de criques atypiques. Mais si Roses résiste, si Roses conserve son âme et son identité, c’est grâce à ses deux ports. Son port de pêche avant tout. C’est dans ce carrousel de départ vers l’horizon que la magie opère. Ici, des langues interminables de filets de couleurs prêts a être ravaudés. Là, des mouettes en joyeux ballet dans le sillage des chalutiers de retour au quai. Le port de Roses a été construit sur le site du port naturel qui offrait autrefois un abri aux marins. Les installations portuaires ont ensuite joué un rôle militaire de défense dans les conflits qui ont opposé le pays à la France voisine. à l’aube du XIXe siècle, la caractère militaire disparait au profit du commerce de cabotage. 

Un dynamique port de pêche centenaire

En 1902 commencent les travaux de construction du quai commercial et de la digue de protection. Roses est indéniablement un village de pêcheurs. à la fin du XIXe siècle, 30 % de la population active vit de la pêche. Après la Guerre Civile, l’économie se tourne vers le secteur primaire et la pêche s’ impose comme activité économique refuge. Dans les années quarante, 70 % des personnes en activité ont un métier en lien avec la pêche. Ravaudeurs de filets, laceurs, calfats ou encore employés des chantiers navals et des ateliers de salaison. 

Assister à la criée deux fois par jour

Durant les années soixante, au moment du boom touristique touristique, la pêche ne représente plus que 36 % des emplois. Un chiffre qui dans les années soixante-dix s’effondre à 18 %. En 1973, on construit un système de protection de quai pour l’amarrage des bateaux. Le fameux Moll de la Ribera voit le jour en 1981. De toutes ces nuances de bleu et de sel, l’histoire retiendra la naissance du « Pòsit de Pescadors de Roses » en 1921, le port de pêche officiel est organisé. Un port plus que centenaire ! Avec, parmi ses figures de proue, un certain Antoni Falcó. à 66 ans, bon pied, bon œil, le bonhomme éclabousse littéralement le chaland de toutes ses anecdotes. La mer à cœur et à corps. « La mer fait partie de notre identité. Elle est si puissante qu’elle influence notre manière d’être. J’ai commencé par dessiner des fanals puis j’ai collectionné des photos de barques de pêche. Impossible de tourner le dos à la mer. Je suis devenu pêcheur à l’âge de 18 ans par tradition et par vocation. » Aujourd’hui, Antoni est passé à la transmission de ce patrimoine impropre à la captivité. Pour lui, la mer, c’est l’école de la rigueur et de la liberté. Son confrère Antoni Abad, président de la Confrérie des Pêcheurs de Roses, navigue dans le même sillage : « Roses sans pêcheur ne serait pas Roses. La pêche, c’est l’histoire de toutes les familles. Il n’existe pas un habitant de Roses qui n’ait un père, un grand-père, un arrière grand-père ou un oncle qui n’ait pas été pêcheur. Il y a une puissance dans la pêche que le touriste oublie trop souvent. La pêche est un moteur économique, elle donne du travail à tout un village. Elle est patrimoine culturel, touristique et gastronomique. » Aujourd’hui, la confrérie de Roses est l’une des plus importantes et des plus actives de la Costa Brava et du littoral catalan . Elle compte une flotte d’une trentaine de bateaux de pêche particulièrement soucieux de leur environnement. Le merlu, la gamba et la langoustine en sont les produits stars. Les pêcheurs ont d’ailleurs pris l’initiative de stopper la pêche au merlu durant plusieurs années pour protéger la ressource. Protéger, respecter et transmettre. C’est dans cette idée qu’un ancien chalutier, le Gloriamar Dos fait depuis 10 ans office de musée flottant. Toujours dans cette idée de préservation du patrimoine, une halle gastronomique avec ateliers de cuisine de la mer, s’est installée au port. Et c’est encore dans cet état d’esprit que la fameuse Llotja, la criée aux poissons inaugurée en 1974 a ouvert ses portes au public pour des visites immersives uniques. Une occasion d’assister au face à face entre l’offre des pêcheurs et la demande des mareyeurs dans ce lieu si singulier et authentique. Autrefois, les enchères étaient données à la voix d’où le terme « criée ». Aujourd’hui, tout se fait de manière électronique. Et Antoni Abad de rappeler : « Roses a été pionnière en Méditerranée. Il n’y avait que les Français qui faisaient ça de manière électronique du côté de l’Atlantique. » Dans l’odeur iodée des produits frais de la mer et le va et vient des caisses chargées de glace, à la criée du matin on vend le poisson gras pêché par encerclement. En fin de journée, c’est au tour du poisson blanc de la pêche dite aux petits métiers et au chalut. Dans les restaurants, on se délecte des produits frais à déguster face au « port esportiu », le port de plaisance inauguré en 2004 est en capacité d’accueillir pas moins de 485 embarcations dont des bateaux pouvant aller jusqu’à 45 mètres de long et six mètres de tirant d’eau, du voilier au catamaran en passant par les yachts de luxe. Il n’est pas rare d’apercevoir dans sa rade l’énorme silhouette d’un paquebot de croisière, tel que « La Belle des Océans » venu faire escale. La star Leo Messi y avait ses attaches lors de ses années au Barça. Comme Kimi Räikkönen, le pilote automobile finlandais, champion du monde de Formule 1, dont la présence est attestée par de nombreux habitants de Roses, pas peu fiers d’aimanter les étoiles du sport mondial.  Naufragés volontaires, les amoureux des ports calmes et authentiques ne jurent bien souvent que par Roses. Fleur d’écume face à l’irréductible immensité d’une houle bleue qui s’incline en silence. 

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