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Santa Maria d’Urgell, ensemble cathédral

03 Oct Santa Maria d’Urgell, ensemble cathédral

Au centre du village, là où le temps semble suspendu entre les murs chargés d’histoire, s’élève la cathédrale Santa Maria de la Seu d’Urgell. Elle domine un dédale de ruelles étroites, bordées d’échoppes blotties sous d’antiques arcades, où les pas résonnent sur les pavés irréguliers d’une calade de pierres grises. Dans cette atmosphère empreinte de silence et de mystère, l’édifice surgit tel un gardien séculaire, majestueux et serein, témoignant de la ferveur d’une époque et de la beauté d’un art.

Cette cathédrale typée, unique, s’inscrit dans un ensemble de bâtiments comprenant la basilique, bien sûr, mais aussi le cloître, la maison du décanat, la chapelle de la Pietat et l’église Saint-Michel. Une véritable petite cité dans la ville, qui accueille, outre le culte et les visites patrimoniales, un très beau musée diocésain, considéré comme l’un des plus intéressants de Catalogne. La cathédrale de la Seu d’Urgell est la seule cathédrale romane du pays. Bien qu’elle ait été remaniée à quatre reprises au fil des siècles, elle a retrouvé son authenticité grâce à une restauration remarquable, menée par le grand architecte Josep Puig i Cadafalch, avec l’aide de son confrère Pasqual Sanz Barrera, dans les années 1950. Le résultat est tout simplement admirable, restituant l’atmosphère d’origine avec son allure fortifiée et ses éléments lombards. Le plan de la cathédrale est basilical, structuré autour de trois nefs séparées par deux rangées de grands piliers soutenant les voûtes en plein cintre, plus hautes dans la partie centrale. Le transept est surmonté d’une coupole, tandis que le chevet présente cinq belles absides desservies par un large et élégant déambulatoire. Le lieu, empreint de sérénité, invite naturellement au recueillement. Ne manquez pas d’aller saluer la petite Vierge romane polychrome, simplement surnommée la « Mare de Déu d’Andorra ». La Principauté, rappelons-le, est toute proche. Cinq portes desservent l’ensemble, dont deux sont situées sur la façade principale. Le portail est orné d’une frise représentant des monstres typiques du bestiaire roman ainsi que des lions, auprès desquels des personnages semblent accroupis. Trois grandes baies asymétriques le surmontent.

Un cloître de silence et d’harmonie

La façade, sobre mais élégante, se distingue par son pignon, sa tourelle carrée à deux niveaux et deux étranges tours inachevées, qui ne s’élèvent guère plus haut que le transept. Une porte, surmontée de tores ouvragés et ornée de boules de pierre, s’ouvre au sud sur le cloître, vaguement trapézoïdal, dont les quatre galeries sont couvertes d’une charpente. Trois d’entre elles, datant du XIIe siècle, présentent de beaux chapiteaux sculptés de tout le bestiaire roman, réel ou mythique. Ils soutiennent de belles voûtes en plein cintre reposant sur un élégant soubassement de marbre blanc. La quatrième galerie, plus récente, résulte d’un remaniement réalisé au XVIIe siècle. Quelques buis symétriques, soigneusement taillés, une pelouse nette et une vasque de pierre faisant office de fontaine, posée sur un lit de graviers, occupent l’espace central. Ici, la rumeur du monde ne pénètre pas. Dans la vaste cour pavée, deux grands cyprès parallèles, impeccablement taillés, semblent soutenir de toute leur hauteur l’élan vaillant du clocher de l’église Saint-Michel-et-Saint-Pierre, toute de briques parée, désormais placée sous la seule invocation de l’archange. Elle semble, elle, prêter main-forte à la stature de la cathédrale pour mieux proclamer au monde l’importance de ce haut lieu de spiritualité. L’Alt Urgell, l’un des berceaux incontestés de cet Art Roman pyrénéen, splendide et épuré, possède d’innombrables chapelles, sanctuaires et églises, qui, presque tous, conservent un mobilier impressionnant, souvent d’un grand intérêt artistique par leur facture, leur beauté plastique, leur état de conservation ou leur rareté. Dès 1957, germe l’idée de créer un musée diocésain, capable à la fois de devenir un lieu de conservation et de valorisation pour ce qu’il faut bien appeler des chefs-d’œuvre, et d’offrir aux visiteurs un récit rendant leur histoire et leur signification intelligibles au plus grand nombre. La Maison du Décanat, puis la chapelle de la Pietat, ont ainsi été choisies pour abriter cette nouvelle structure, complément indissociable de la cathédrale. Dans sa première version, une cinquantaine d’objets étaient proposés au public, dont le magnifique retable de la chapelle de la Pietat, dû au sculpteur Jeroni Xanxo, bientôt rejoint notamment par la bulle papale de Sylvestre II. Les paroisses y ont déposé leurs trésors, qu’il s’agisse de peintures, de sculptures, d’orfèvrerie, de reliquaires et de reliques, de textiles ou de codex. En volume, on est loin de la munificence du Musée National (MNAC) ou du musée diocésain de Vic. Pourtant, en termes de rareté et de qualité des œuvres, la comparaison se soutient aisément : ce petit musée a tout d’un grand ! Au rayon des curiosités, la lipsanothèque possède une impressionnante collection de reliques et de reliquaires des XIIe et XIIIe siècles. Impossible de ne pas citer les magnifiques peintures murales de Baltarga, réalisées par un atelier du XIIe siècle, le Christ d’Olp – une majestat insolite au beau visage grave, privée de ses bras, aux côtes particulièrement dessinées-, le retable d’Abella de la Conca peint sur bois au XIVe siècle par Pere Serra, sous la forme d’un triptyque composé de six panneaux historiés, ou encore le retable de Sant Bartomeu de Cubells, qui voit quatre panneaux encadrer la figure du saint, posée sur un piédestal représentant notamment les douze apôtres, identifiables par leurs attributs.

Plus qu’un musée

Deux merveilles dues à l’école de Lleida, un très grand atelier du XIVe siècle. Une mention spéciale revient à l’urne en argent et cuivre doré de Sant Ermengol, un sépulcre-reliquaire composé d’un coffret octogonal, portant le saint représenté en gisant. Cette pièce d’orfèvrerie, incroyablement ouvragée et étonnamment moderne dans son alliance chromatique d’or et d’argent, vous séduira. Douze épisodes de la vie du saint ornent les côtés. Une inscription en précise la date et l’auteur : « Petrus Lleopart, fasiebat, Barcelona. Lo any 1755 ». Quelques beaux chapiteaux sculptés s’ajoutent à l’ensemble, qui vient d’accueillir récemment le calice et la patène (petit plat qui accompagne le calice) du sanctuaire de Núria, ainsi que le retable de Saint Vincent Martyr de Sendes. Parcourir ce musée, c’est comprendre l’artisanat, la foi populaire, la ferveur des bâtisseurs… Tout en faisant simplement le plein de beauté et de sens.

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