VOTRE MAGAZINE N° 135 EST EN KIOSQUE
VOTRE MAGAZINE N° 135 EST EN KIOSQUE

Tarraco, Parva Roma

30 Mai Tarraco, Parva Roma

Oui, Tarraco est une petite Rome, aussi équipée, aussi prestigieuse, presque aussi puissante que son aînée. Ses vestiges sont si beaux, si uniques, que l’Unesco les a inscrits au patrimoine de l’Humanité. Vous allez traverser les siècles, ouvrez grand vos yeux !

C’est en 218 avant Jésus Christ que les soldats romains, après avoir débarqué en masse à la hauteur de la baie de Roses, posent armes et bagages, caligae aux pieds, tout près d’une forteresse ibère située sur un oppidum. Cette première petite garnison, apparemment banale sur fond de guerres puniques, va devenir une véritable base d’envol, d’abord militaire, puis de peuplement culturel. Elle s’appelle Tarraco. C’est à partir d’ici que commence et s’étend le lent processus de romanisation de l’Hispania Citerior auquel la Catalogne doit sa langue, son système juridique et aussi ses talents d’architecture et d’agriculture.  Pour abriter les légions romaines, on construit d’énormes remparts, encore en partie intacts, pour se défendre à la fois contre les Carthaginois et les tribus ibères. Tarraco est donc née sous la forme d’une place-forte, mais son emplacement n’a pas été choisi au hasard par les Scipion : il s’agit d’abord et avant tout d’un port, donc d’une ouverture sur le monde et surtout sur la capitale de l’Empire, Rome. Très vite, la ville prospère, si bien que 150 ans plus tard, en 45 avant J.C., le grand Jules César en fait une colonie romaine de droit romain : une consécration suivie du titre de capitale de la province Tarraconense. Entretemps, la Via Augusta a été construite, doublant les voies maritimes par un axe routier pavé, moderne et rapide. Au Ier siècle, les Romains décident d’édifier deux aqueducs pour amener l’eau du Francoli (15 km de long) et celle du Gaià (50 km). Le premier aqueduc est encore en grande partie conservé sous la forme d’un pont à arcades qui rappelle celui du Gard, connu sous le nom de Pont du Diable. Dès lors, les citoyens de Tarraco bénéficient des mêmes équipements urbains, ornementaux et administratifs que ceux de Rome, et aussi d’un niveau de vie particulièrement élevé comme en attestent les collections conservées au Musée Archéologique de Tarragona, notamment la somptuosité des mosaïques. Jusqu’aux grandes invasions, au milieu du troisième siècle de notre ère, Tarraco sera une petite Rome : huit siècles d’une folle odyssée qui nous a laissé un héritage unique abritant le deuxième plus important ensemble de vestiges romains après Rome. Les Romains s’approvisionnaient en matériaux nécessaires à leur grande politique urbanistique dans différentes carrières situées aux alentours de Tarragone, qui leur offraient plusieurs types de roches blondes, propices à refléter le soleil et dociles sous les ciseaux des sculpteurs et des marbriers. La plus spectaculaire de ces carrières est celle du Mèdol toute proche. Il est possible d’y observer différents murs de taille, des blocs à moitié extraits, et particulièrement l’Aiguille du Mèdol, un impressionnant monolithe de 20 m de hauteur laissé pour témoigner de la dimension des extractions, vraiment impressionnante sans l’aide de tout procédé mécanique.

Arbres et plantes ont envahi le lieu, qui est devenu une destination de promenade très appréciée. à l’origine, la ville possédait deux forums, l’un réservé aux consuls provinciaux, l’autre à la gestion des affaires locales, situé plus près du théâtre et du port, deux espaces réputés pour leur caractère éminemment populaire. Le forum provincial, l’un des plus grands de son époque avec ses 7 hectares et demi, regroupe nombre de bâtiments encore intacts. Il est ourlé sur trois côtés d’un système d’arcades. L’intérieur était initialement orné de jardins et de statues dont de nombreux piédestaux subsistent avec leurs inscriptions. Des restes du forum sont encore visibles sur la place du Pallol, la place Santiago Rusiñol et bien sûr au niveau du cirque. Le théâtre de Tarraco est le seul théâtre romain conservé de toute la Catalogne. Construit sur d’anciens entrepôts portuaires, il se composait de gradins en arc de cercle divisés en trois travées. Le tout fermé, derrière la scène, par un mur agrémenté de grandes statues actuellement conservées au Musée Archéologique. Le fait que le théâtre soit en quelque sorte doublé par le cirque atteste de l’importance acquise par l’antique Tarraco, car cet équipement à la fois sportif et culturel, destiné aux grandes réunions de masse et fédérateur de toutes les classes sociales, est venu enrichir une offre déjà nourrie, un privilège strictement réservé aux grandes villes de l’Empire. On organisait dans ce cirque des courses de chevaux et de quadriges. De forme allongée, il mesurait 330 m de long et 115 m de large et pouvait contenir 30 000 spectateurs, autant que nos stades modernes et dans des conditions de confort au fond assez semblables. On le distingue actuellement, glissé en plan incliné sous la ville moderne dont les bâtiments superposés l’occultent en partie. Le prétoire adjacent est en réalité une énorme cage d’escalier. Ces derniers menaient du forum provincial à la ville basse en passant par le cirque. Ce bâtiment a par la suite servi de Palais Royal à la Couronne d’Aragon, puis de prison.

Vestiges et révérences de l’Antiquité

Pour compléter ces temples des plaisirs théâtraux et sportifs, Tarraco possédait aussi un amphithéâtre, aujourd’hui partiellement en ruines, situé tout proche de la mer, qui accueille encore des spectacles de toutes sortes et en particulier les soirées de Tarraco Viva. à l’époque, les spectateurs en délire y applaudissaient des combats de fauves, des gladiateurs et des exécutions publiques. Une partie des gradins, creusés dans la roche et fortement érodés, subsiste, ainsi qu’une autre partie des gradins, soutenus cette fois par du béton. En l’an 259 de notre ère, Saint Fructueux et ses diacres subirent ici leur martyre. Pour commémorer cet événement, une basilique wisigothique fut érigée. Celle -ci fut démolie et laissa place à une église romane, Santa Maria del Miracle, un monument en forme de croix latine qui nous est partiellement parvenu. Juste à côté, des villas situées hors des remparts commencèrent à voir le jour, suivies d’un cimetière, les fouilles ayant permis de mettre à jour un ensemble de deux mille tombes de tous styles. Ce passé paléochrétien, concrétisé par sa grande nécropole, est un des pans les plus intéressants de l’histoire de la transition entre Tarraco et la grande floraison, le Moyen-Âge venu, de la Tarragone archiépiscopale. à cet égard, n’oubliez pas de visiter le complexe de Centcelles. Son mausolée est le monument paléochrétien le plus important de toute la péninsule ibérique. Lors de ses fouilles ont été mis au jour des vestiges de murs et de chapelle ainsi qu’un grand bâtiment rectangulaire d’environ 15 mètres de long divisé en deux salles aux formes complexes. La première présente un plan quadrilobé, l’autre, circulaire, est surmontée d’une coupole. On y trouve des traces de mosaïque représentant des scènes de chasse issues de l’Ancien Testament ainsi que des allégories des saisons. En effet, dans sa grande sagesse, l’Unesco a considéré Tarraco comme le centre d’un système plus vaste, qui inclut les environs, telle la Villa dels Munts, à Alfafulla, construite à flanc de colline, juste au-dessus de la mer, probablement la résidence d’un haut fonctionnaire romain. On y discerne encore des décorations élaborées, deux piscines et des citernes. À Roda de Berà, en plein milieu de la route qui s’écarte pour l’enlacer, s’élève l’arc de Berà, qui indique la sortie du territoire de Tarraco, comme le feront plus tard les croix et les calvaires, à l’époque médiévale. Il vous reste à admirer le monument sépulcral appelé « Tour des Scipion » une sorte de stèle à trois niveaux, sculptée de bas-reliefs, située sur l’ancienne Via Augusta et vous aurez fait le tour enchanté de Tarraco, la petite Rome !

Pas de commentaire

Poster un commentaire