VOTRE MAGAZINE N° 132 EST EN KIOSQUE
VOTRE MAGAZINE N° 132 EST EN KIOSQUE

Terrassa, l’audacieuse !

01 Mai Terrassa, l’audacieuse !

La voisine de Barcelona est en train d’exploser au grand jour ! Quatrième plus grande ville de Catalogne, Terrassa joue la carte du tourisme industriel « moderniste » pour attirer les visiteurs. Et ça marche ! Tellement bien que toute l’économie en profite… A découvrir de toute urgence.

Terrassa. Une ville-verbe conjuguée au passé simple. Comme un certain Sant Jordi, Saint-patron de la Catalogne, terrassa le dragon pour en faire l’une des plus grandes légendes du pays. Déclinée au présent, la ville de Terrassa rêverait également de triompher sur sa voisine Barcelona. Distantes de 28 km à peine, les deux villes ne jouent pourtant pas dans la même cour. Quand la capitale affiche 1,7 million d’habitants, Terrassa n’en compte que 250 000 dans toute son aire d’influence. Alors Terrassa, co-capitale du Vallès Occidental avec Sabadell, se bat pour sortir de l’ombre de Barcelona et mettre en avant ses trésors patrimoniaux cachés, dont certains n’ont rien à envier à Barcelona. « Barcelona nous handicape, elle nous étouffe, nous éclipse… Mais, nous, Terrassencs, sommes obstinés ! » avoue une employée de l’office de tourisme de Terrassa.

Terassa154,48 sur 5: la note qui frôle l’excellence !

Une obstination viscérale et une persévérance qui, touristiquement, ont fini par payer ! Sur toute l’année 2013, Terrassa vient de décrocher un 4,48 sur 5. Une excellente note qu’ont attribuée les touristes en visite à Terrassa, dans le cadre d’une enquête réalisée par l’agence Eddetur. Avec ce 4,48, Terrassa dépasse même la moyenne des autres régions de la province de Barcelona et consolide par là sa position de véritable destination touristique. Dans le détail des critères de cette note, Terrassa se distingue essentiellement par son hospitalité, son offre culturelle et de loisirs, ainsi que par la qualité de son hébergement. Autant dire que ce palmarès dévoilé début février 2014 a donné un sacré moral aux troupes ! On y observe également une croissance de 27% des Français et des Allemands, quand bien même la majorité des touristes viennent de Catalogne. En moyenne, le touriste dépense à Terrassa 51,31 euros par jour. Un panier relativement garni qui démontre lui aussi à quel point la satisfaction du visiteur est importante. La promotion de la ville à l’extérieur a porté ses fruits. A noter que 20% des touristes avouent avoir trouvé à Terrassa beaucoup plus de choses qu’ils n’auraient pensé. Terrassa, au-delà des attentes ! En clair, une surprise. A tel point que la totalité des visiteurs repartent en promettant de recommander la ville à leurs amis ou d’y revenir eux-mêmes. Indice de fidélisation au top !

Terassa16Des touristes fidèles à 100%

Mais quelle est donc la recette magique de Terrassa ? A quoi doit-on cet extraordinaire rebond touristique ? C’est comme si cette cité au riche passé industriel avait subitement réactivé toutes les machines… Il y a justement un peu de ça dans l’envolée touristique de Terrassa. Une véritable revanche à prendre. Il faut en effet savoir qu’à la moitié du XIXe siècle, Terrassa était à l’avant-garde de la Catalogne et de toute l’Espagne ! Elle faisait en effet office de figure de proue dans la révolution industrielle. Une ville qui brillait à travers ses usines textiles et son industrie de la laine. Grâce à ce moteur économique, Terrassa a connu une croissance spectaculaire. Son paysage s’est alors littéralement transformé. Partout des usines, des cheminées, des magasins, des logements pour les ouvriers et les fabricants. Berceau idéal d’une véritable bourgeoisie industrielle. Des familles qui ont ardemment encouragé et défendu l’art et les mouvements culturels, tels que le Modernisme et le Noucentisme. Par chance, c’est un enfant de Terrassa qui allait à cette époque jouer les Gaudí : Lluis Muncunill. Génial architecte à qui l’on doit la plupart des bâtiments modernistes de la ville. Age d’or, ville bénie. Il fait bon vivre sous le soleil de Terrassa. Dans les années 70, patatras ! La crise économique entraîne dans son sillage de nombreuses entreprises phares de Terrassa. Les bâtiments les plus emblématiques sont abandonnés, désertés ou parfois transformés en salles d’exposition sans âme ou huis clos muséaux sans grâce. Age de glace. Terrassa se replie sur elle-même. Lésée, frustrée, elle cherche sa porte de sortie, de survie. Il faudra attendre les années 90 pour sentir un nouveau souffle.

Ville la plus olympique du monde !

En 1992, Terrassa profite des Jeux Olympiques de Barcelona pour accueillir sur son stade, rénové à l’occasion, les compétitions de hockey sur gazon. Une discipline sportive dans laquelle Terrassa est d’ailleurs pionnière en Catalogne. A ce titre, le grand nombre de joueurs de hockey de Terrassa qui ont participé aux différentes éditions des Jeux Olympiques a fait que la ville est aujourd’hui considérée comme la « ville la plus olympique du monde » ! Entre 1928 et 2004, la ville peut en effet s’enorgueillir de 124 sportifs qui ont participé aux J.O., et la plupart d’entre eux ont été joueurs de hockey. De ces J.O. de 1992, reste un stade qui a littéralement boosté le quartier ouvrier dans lequel il se situe. Un stade enrichi d’un complexe sportif haut de gamme, de différents terrains, d’une piscine et d’autres salles de sport qui dynamisent clairement la ville. Point de rencontre privilégié des Terrassencs, cet espace sportif offre un visage de cité énergique.

Un restaurant étoilé au Michelin

Et ce n’est peut-être pas un hasard si le restaurant « El Capritx », situé à deux pas du stade, connaît un tel succès. Il faut dire que cette table-là a la particularité d’être la première et l’unique adresse terrassencque à avoir décroché une étoile au Michelin. C’était en 2010 et c’est le chef du cru, Artur Martinez, qui a défrayé la chronique gastronomique avec cette superbe étoile ! Depuis, l’établissement qui ne peut accueillir qu’une vingtaine de personnes ne désemplit pas. Cuisine élégante à base de produits du terroir et bio. « El Capritx », ancienne « fonda » ouverte par les grands-parents en 1952, est désormais devenu un « spot » incontournable des grandes tables catalanes.

Terrain de jeu de « Xavi » !

Etoiles sportives ou gastronomiques, c’est comme si Terrassa était enfin récompensée de tant d’années de désamour… Manquait une « star » internationale pour l’image de la ville : Xavier Hernandez alias « Xavi » l’a fait ! Le célèbre milieu de terrain du Barça, considéré comme l’un des plus grands joueurs de l’histoire du foot espagnol est natif de Terrassa ! C’est ici qu’il a tapé pour la première fois dans le ballon, avant de rejoindre la Masia à l’âge de 11 ans. Et c’est toujours à Terrassa qu’il a décidé de s’installer dans un superbe loft en plein centre-ville. Ses parents, eux, résident dans la commune voisine de Matadepera, où le footballeur se rend régulièrement.

Des bâtisses à l’âme vivante

Aussi symboliques soient-ils, tous ces signaux positifs ont redonné confiance à Terrassa. Consciente d’avoir longtemps été à l’avant-garde de l’architecture industrielle moderniste, fière de toutes ces bâtisses plus précieuses les unes que les autres, à défaut de vapeur, la ville a mis les gaz ! Ce patrimoine-là doit revivre. Non seulement, il faut pouvoir accéder et visiter toutes ces anciennes usines textiles, ces maisons bourgeoises et autres « vapors » (usines à vapeur) mais la stratégie si particulière de Terrassa a consisté à ne pas les « muséifier ». Pas question d’en faire des lieux de mémoire, figés. Ainsi, le superbe Gran Casino de 1920 signé Muncunill, après une période de décadence dans les années 80, abrite actuellement la librairie coopérative Abacus. Plaisir de bouquiner dans un cadre juste somptueux qu’il s’agisse du mobilier, des lumières ou encore des peintures de Joaquim Vancells ou des frères Viver. Le bâtiment comprend un sous-sol, un rez-de-chaussée, deux étages et un jardin à l’arrière, avec une piste de danse en plein air. A l’intérieur, on se délectera du vestibule soutenu par des colonnes et éclairé par une lanterne monumentale.

Terassa14Les 28 joyaux « modernistes » de la ville

Même cadre incroyable pour la chaîne de restauration rapide « Viena », abritée dans les anciens locaux de la Société Générale d’Electricité, couverts d’une voûte de briques plates et de parements de briques apparentes. Luminaires d’origine aux motifs végétaux, fers forgés, céramique décorative. Le lieu vaut plus que le détour, il mérite la pause. Lieux hérités certes, mais lieux vivants avant tout. Comme dans l’ancienne confiserie Vidua Carné qui fait office de pharmacie. Sur la façade stuquée de blanc ressortent les incrustations de mosaïques et graffites, le soubassement en céramique vitrifiée, une corniche éclairée d’un cadran solaire, ainsi que des guirlandes florales. L’intérieur de l’officine est orné de peintures de Vancells. Restaurés dans les règles de l’art, ouverts au public, on ne compte pas moins de 28 bijoux de ce genre, disséminés à travers la ville de Terrassa. Sans compter les 25 cheminées de brique rouge érigées comme autant de vigies, vestiges d’une époque où Terrassa tournait à plein régime.

L’incontournable Masia Freixa

Si l’on devait retenir seulement deux bâtiments, il est évident que notre choix se porterait sur la Masia Freixa. C’est le bijou moderniste de la ville, l’emblème suprême. Une maison de famille construite par Muncunill sur la base d’une ancienne construction industrielle. Façon Gaudí, l’immaculée Masia Freixa offre une splendide galerie à arcades, ainsi qu’un minaret-champignon surplombant une mer de voûtes, incrustées de bris de verre. Effet magique entre le blanc et le gris-brillant de la toiture aux fantastiques ondulations. Autre immanquable, le Vapor Aymerich Amat i Jover. Une usine textile à vapeur que l’on doit toujours et encore à Muncunill. On y fabriquait des tissus en laine après filage, tissage, teinture et finitions. L’usine ferma ses portes en 1976 et ne fut rachetée qu’en 1983 par le Gouvernement catalan pour y créer le siège de mNATEC, le musée de la science et de la technique de Catalogne.

Chaudières, charbonnières, cheminées, machines à vapeur… Tout y est conservé, exposé et expliqué mais c’est surtout l’architecture remarquable de la toiture qui fait de cette construction l’un des meilleurs exemples du modernisme industriel catalan. On parle d’une mer de briques pour désigner les 11 000 mètres carrés de toit en dent de scie.

Effet graphique garanti pour les amateurs de photos !

Terrassa, racée et audacieuse récolte aujourd’hui les fruits de ce pari du tourisme industriel. Car c’est dans la plupart des cas, sur le champ, que la magie « moderniste » opère. Le visiteur est ravi de pouvoir déambuler dans une ville commercialement ultra-dynamique. Qui plus est, lorsqu’il a le plaisir et la chance d’accéder à certains services dans un cadre architectural à nul autre pareil. Quand l’héritage industriel se pare de touches féeriques, quand le tourisme trouve son inspiration dans le patrimoine, quand viennent en plus se greffer un formidable festival de Jazz et un extraordinaire « salon moderniste », alors Terrassa peut avancer la tête haute. Et adresser un fier clin d’œil à sa voisine barcelonaise !

Pas de commentaire

Poster un commentaire