
30 Mai Terres de l’Ebre, l’huître du delta, claque fort !
Les huîtres du Delta de l’Ebre se distinguent par leur excellence gustative, alliant saveur iodée, texture ferme et arôme marin. Cultivées dans des baies riches en phytoplancton, elles bénéficient d’un écosystème unique, entre Méditerranée et fleuve Ebre. Contrairement aux méthodes françaises souvent industrialisées, leur élevage repose sur un savoir-faire artisanal transmis de génération en génération. Les huîtres catalanes ont aussi leur identité propre !
Salut les humains ! Je suis une huître. Oui, une huître. Pas un caillou gluant, pas un mollusque ronchon. Une huître de compétition. Une huître du Delta de l’Ebre. De celles qui font pleurer de joie un chef étoilé catalan. Rien que ça. Je vis au sud de la Catalogne, là où le fleuve Ebre fait un câlin à la mer. Un spa naturel, entre soleil, plancton bio, et vues imprenables sur des flamants roses en goguette. Mon adresse exacte ? Tu me trouveras dans la Baie du Fangar ou dans la Baie des Alfacs, une large baie semi-fermée par la Punta de la Banya, une petite péninsule reliée au delta par l’isthme de la Barra del Trabucador. Pas mal comme appart’, hein ? Airbnb 5 étoiles, version crustacé. Mais attention : je ne suis pas née dans une barquette en plastique. Non, moi, j’ai été élevée à la main, choyée, retournée, brossée par les ostréiculteurs catalans, de véritables artistes du coquillage.
Une sacrée perle de personnalité iodée !
Des gars en bottes qui parlent à la mer comme à une vieille copine et qui me soulèvent comme si j’étais la Sagrada Família en miniature. Je pense à la famille Cabrera, de l’Ampolla. Le père, Josep, a transmis ce savoir-faire rare à son fils, Xavier, qui lui-même est en train de de transmettre l’art ostréicole à son propre fils Xavi. Un fiston un peu rétif au costume trois pièces et aux ordinateurs, il faut l’avouer. Il faut aussi reconnaître que rares sont ceux qui acceptent de braver la mer, hiver comme été, pour travailler sur des parcs à huîtres exposés aux quatre vents. Les Cabrera savent exactement quand me laisser respirer, quand me faire plonger et quand me sortir de l’eau pour aller faire la star sur un plateau de fruits de mer. Je vous jure, je reçois plus de soins que certaines influenceuses ! Pourquoi nous, les huîtres du Delta de l’Ebre, sommes les Rosalía du coquillage ? Et pourquoi ton palais va nous faire une standing ovation ? Oublie les huîtres de l’Atlantique qui t’arrachent une larme d’iode dès la première bouchée. On t’autorise presque à zapper les huîtres de Leucate (qu’on aime quand même beaucoup…). Nous, les filles du delta, on a une chance énorme. Contrairement aux huîtres de l’Atlantique, très iodées et parfois puissantes en goût, on bénéficie d’une salinité modérée. Et ça s’explique : c’est la rencontre entre l’eau douce du fleuve Ebre et l’eau salée de la Méditerranée qui nous offre cette saveur plus délicate, plus accessible. Comparées aux huîtres de Normandie ou de Bretagne, qui présentent une forte note minérale et métallique, on est plus douces, avec une touche moins marquée de fer ou de zinc. Juste quand tu pensais avoir tout goûté, bam : une petite note sucrée en fin de bouche, comme si je t’envoyais un clin d’œil. Beurrée, douce, presque sensuelle. C’est l’effet Delta. À ce stade, même ta grand-mère qui déteste les fruits de mer risque d’en redemander. Dodues, oui, mais pas du genre molles. Ni trop croquantes, ni trop gluantes : on fond en bouche comme un secret bien gardé. Tout ça grâce aux eaux riches en phytoplancton. Ne te gêne pas, tu peux nous habiller léger. Avec un petit Cava ou un Xarel·lo. Une larme de citron ou un soupçon de vinaigre à l’échalote si tu veux la jouer classique. Les Catalans disent que je suis « una joia del mar », un joyau de la mer. Et je les crois. Comment ne pas croire des mains qui sentent le sel, la vie, et le travail honnête ?
Les Cabrera parlent de moi avec fierté, avec ferveur, comme on parle d’un vin rare, d’un amour d’enfance. Ils bossent dur, tu sais… Mais surtout ils me connaissent par cœur. Tout commence quand je suis toute petite, à peine visible à l’œil nu. On m’appelle alors un « naissain ». Les Cabrera me choisissent soigneusement parmi des milliers d’autres, puis me préparent pour ce qui deviendra ma maison pendant de longs mois : une corde. Mais pas n’importe quelle corde ! Solide, rugueuse, elle est spécialement conçue pour que mes sœurs et moi puissions y être fixées grâce à un mélange de ciment. Oui, du ciment ! Une petite noisette placée avec précision sur ma coquille me permet de rester collée à la corde, à la bonne distance de mes voisines. Dix centimètres très exactement. C’est une méthode traditionnelle, transmise de génération en génération. Et je dois avouer que je suis plutôt fière du résultat. Une fois le ciment bien sec, on me suspend dans l’eau, accrochée à une plateforme flottante qu’on appelle ici une « batea », mot qui sonne presque comme une danse tropicale ! Et là, je commence ma longue croissance, bercée par les courants doux et nourrissants du delta. Pendant des mois, je filtre l’eau, j’absorbe des microalgues, du plancton, tout ce qu’il me faut pour devenir forte, charnue, et développer une belle coquille. Régulièrement, les Cabrera viennent s’occuper de moi. Ils nettoient la corde, enlèvent les algues et les squatteurs qui essaient de s’incruster à mes côtés. Et pour tenir les mouettes à distance, ils ont même recruté… des chats ! Pas pour les caresser, non, mais pour faire fuir les piailleurs à plumes qui viennent nous embêter. Ils prennent soin de moi avec attention et veillent à ce que je ne manque de rien.
Solide comme le ciment, douce comme le courant…
Au bout de 12 à 24 mois, selon mon rythme de croissance, j’atteins la taille idéale. C’est à ce moment-là qu’ils me récoltent. Un dernier bain, un bon nettoyage, et me voilà prête à rencontrer les palais curieux qui veulent goûter à la saveur unique du delta. Alors, je me dis que cette vie suspendue entre ciel et mer, cette longue attente dans le silence des eaux catalanes… ça valait le coup. On peut le dire : je suis le fruit d’un travail patient, d’une tradition artisanale et d’un environnement exceptionnel. Je suis l’huître du Delta de l’Ebre et je suis fière de mes origines. Les Cabrera aussi sont fiers de moi. À tel point qu’ils ont installé un mirador dans la baie pour que tous les curieux puissent m’approcher au plus près. Imaginez une terrasse flottante, où le ciel embrasse l’eau, avec une vue imprenable sur la baie. Au menu des activités ? Elles sont aussi savoureuses qu’une huître fraîchement ouverte. À commencer par la croisière gourmande : vous embarquerez pour une balade en bateau depuis le port de L’Ampolla, naviguerez jusqu’aux parcs à huîtres… Et me dégusterez in situ. Vous pourrez également opter pour l’expérience coucher de soleil. À l’heure dorée, vous découvrirez la faune et la flore du delta, visiterez une galerie dédiée à l’aquaculture, et terminerez par une dégustation d’huîtres, le tout arrosé de cava. Un film, projeté à fleur d’eau, vous permettra de vous immerger dans les secrets du processus de culture. Les Cabrera vous feront même un aveu… Ils vous expliqueront que 50 % de la production d’huîtres du delta sont exportées en France ! Un simple changement d’étiquette et hop, elles reviennent dans le delta présentées comme huîtres françaises…
Les huîtres catalanes du delta
Il n’empêche que malgré ce paradoxe absolu, malgré le réchauffement climatique et la chronique annoncée d’un delta voué à disparaitre, chaque année depuis 33 ans, la ville de l’Ampolla célèbre sa « Diada de l’Ostra ». Oui, on se bat pour nous. Chaque année, ce sont 2 500 kilos d’huîtres qui sont engloutis par une foule toujours plus nombreuse. Avant de vous quitter et de replonger dans les eaux de mes baies d’amour, j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer. à la faveur d’une récente dégustation à l’aveugle organisée par la Fondation Alícia à la demande du Département de l’Action Climatique, de l’Alimentation et de l’Agenda Rural, il a été conclu que « les huîtres du Delta de l’Ebre surpassent leurs concurrentes françaises en apparence, arôme, saveur et texture ». à cette dégustation ont participé 18 experts, dont des cuisiniers de la fondation, des diététiciens, des chimistes, ainsi que des chefs de renom comme ceux de l’Ò de Sant Fruitós de Bages (étoilé Michelin) ou du restaurant Ca l’Amador. L’objectif était clair : comprendre pourquoi l’huître française est mieux accueillie sur le marché catalan, où elle se vend davantage et à des prix plus élevés que l’huître cultivée dans les baies du delta. La question était donc posée : les Français vendent-ils plus d’huîtres parce qu’elles sont meilleures… Ou parce qu’ils savent mieux les vendre ? La réponse est sans appel : la seconde. N’oubliez jamais : je suis un mélange parfait entre la caresse d’une vague et un clin d’œil salé de Poséidon. Iodée, charnue, avec un petit twist méditerranéen qui vous fera toujours et encore lever les yeux au ciel !
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