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Tossa : La perle absolue

01 Août Tossa : La perle absolue

Tossa2Une colline crénelée de tours et de remparts, de vieilles rues pentues aux galets ouvragés et surtout, le miracle de plages douces cerclées de rochers et de pins. Tossa égrène ses sortilèges et attire dans ses filets sirènes et artistes.
Tossa de Mar est un miracle : c’est le seul village de la Costa Brava dont les remparts et tours de garde n’ont pas été démantelés. Une sorte de musée à ciel ouvert de ce que devait être autrefois la physionomie de nos côtes prises dans un rapport contradictoire avec la mer, nourricière certes, mais source de danger. Chaque pierre porte témoignage de cette lutte séculaire contre les razzias barbaresques, de cette observation constante des flots du haut des tours crénelées et de la communication immédiate des tours entre elles. Un îlot médiéval aux rues étroites et pittoresques qui n’a rien à envier à Cadaqués ou à Collioure, mais qui s’inscrit indéniablement dans le tiercé gagnant !

En cinémascope

Vous vous souvenez de cette première scène de Pandora, quand deux pêcheurs remontent – en catalan s’il vous plaît – un mystérieux filet dans lequel gît la belle sirène ? C’est ici que s’est joué le drame entre Ava Gardner et James Mason, Tossa étant pour l’occasion rebaptisée Esperanza ! Avant la guerre d’Espagne, Tossa était devenu un paradis pour les créateurs, on y croisait André Masson et son épouse, Marc Chagall, Georges Kars, tous séduits par le caractère bien trempé de cette modeste ville de pêcheurs, la beauté de son cadre et sa rugueuse authenticité.

Un cadre sublime

Tossa3Il faut dire que le cadre naturel de Tossa, est en soi un privilège. Dans le massif des Cadiretes, la résille argentée des torrents et des ruisseaux donne naissance à une végétation unique, qui mélange, sous l’effet des vents du large, espèces atlantiques et méditerranéennes. En se couchant dans la mer, cette « montagne », qui culmine à 541 m, dessine des criques, des plages, des fjords et des caps frangés de pins et de rochers ocre. Ici, plus qu’ailleurs, la Costa Brava sauvage et farouche, volontiers inaccessible, mérite son joli nom d’insoumise.

Tous les plaisirs

Inutile de vanter les plaisirs de la baignade : sable, galets, rochers, vous n’aurez que le choix pour lézarder : et toujours des eaux claires aux reflets turquoise dignes des plus belles plages exotiques. Suréquipée, Tossa vous offre toutes les joies des sports nautiques. Et le supplément inappréciable de ses sentiers balisés qui vous permettent de vivre la nature au plus près en vélo ou à pied. Vacances actives en perspective. Quoique pour le repos, Tossa a ce qu’il vous faut : le parc de Sa Riera, avec ses cinq hectares de chênes verts, de pins et de chênes lièges, ses espaces pique-nique et son plan d’eau. De quoi échapper aux rayons ardents le temps d’une sieste… Une vraie partie de campagne à deux pas des flots.

Cap sur l’éternité

Et la culture n’est pas en reste. Tossa s’est construite autour de ses criques et plages, c’est le relief qui a dicté l’ascension des maisons le long des buttes et l’érection des tours en bordure de crête. Sur le piton d’abord pour la ville médiévale, puis directement sur la mer pour le village de pêcheurs. Et cela ne date pas d’hier… Dans la montagne, une série de pierres levées indique la présence de peuples préhistoriques, comme quasiment partout sur la côte catalane. Giboyeuse, protectrice, la forêt avait tout pour séduire ces premiers hommes.

Un destin tracé

Mais c’est l’époque romaine qui a laissé ici les plus belles traces. A l’époque, Tossa s’appelait Turissa. La villa des Amandiers (villa dels Ametllers) permet de retrouver la vie d’une grande propriété d’autrefois avec son étage patricien orné de stucs, de mosaïques, d’une piscine et d’une fontaine, et son rez-de-chaussée industriel dévolu à la production et l’imexportation de vin et d’huile. Comme si, dès l’antiquité, les noces du vin et de la mer signaient le destin de ce petit bout de côte.

Ville close

L’ensemble médiéval, classé monument national en 1931, s’organise autour de ses tours..  Trois sont cylindriques et couronnées de mâchicoulis : la tour d’en Joanàs, sur la plage, la tour des Heures, devant la cour d’armes (ainsi nommée parce qu’elle portait une horloge publique), et la tour d’es Codolar ou de l’Hommage.  Avec les quatre donjons restants elles veillent sur les quelques 80 maisons de l’enceinte reliées par des venelles revêtues d’une calade graphique de toute beauté. L’église, de style gothique tardif a été détruite pendant la guerre d’Espagne, mais la restauration de la couverture de l’abside mérite votre visite. (*)

Contrastée et vivante

L’expansion de la ville s’est faite le long du chemin royal qui menait à Lloret de marGérone. Tout en haut régnait autrefois le château, aujourd’hui remplacé par le phare toujours en activité et son centre d’interprétation des phares de Méditerranée. Se promener dans les rues, c’est passer d’une galerie de peinture à un atelier d’artisanat d’art, redécouvrir le pittoresque d’une vieille boulangerie, dénicher une mini-terrasse de café, le tout en montant et descendant, selon que l’on va vers la mer ou non. Contrastée, vivante, Tossa regorge d’émotions inattendues. Des gens de tous horizons y ont élu domicile sans rien dénaturer de la catalanité têtue de la ville.

Tossa4Belle et stylée

La Belle a de la plastique ! Les jolies demeures ne lui font pas défaut : dans le quartier des pêcheurs de Sa Roqueta, ne manquez pas Can Ganga, en réalité une bastide dont les fenêtres gothiques sont ornées d’angelots sculptés. Son garde-manger, taillé à vif dans la roche est une authentique curiosité. Plus loin de la vieille ville, le Mas Rabassa ne manquera pas de vous intriguer avec son étrange échauguette et sa tour rectangulaire. Et que dire de la Casa Sans, construite en 1906 par Antoni de Falguera dans le plus pur style moderniste : gargouilles stylisées, vitraux graphiques, utilisation du trencadís… Mention spéciale pour la jolie fontaine ornée d’une Diane chasseresse due au ciseau inspiré de Frederic Marès.

Americana avant la lettre

La maison de la culture a élu domicile dans l’ancien hôpital Sant Miquel fondé en 1773 par le citadin éminent, Tomas Vidal. Bravant l’interdiction royale qui entendait contenir toute expansion économique de la Catalogne en contrôlant le commerce avec les colonies, ce dernier n’avait pas hésité à entreprendre un voyage à Porto-Rico et deux au Guatemala. « Indià » ou « Americano » avant la lettre, il décida à son retour de doter ses concitoyens d’un hôpital. Construit sur deux étages autour d’un cloître, il comprend une chapelle avec un magnifique retable baroque consacré à Saint Michel et sculpté par un atelier local, Cal Fuster.

La maison du gouverneur

Les chemins de ronde offrent un panorama extraordinaire sur la ville médiévale et la côte. Justement à côté de la tour d’es Codolar on accède à Casa Falguera, la maison du gouverneur, ainsi nommée parce que c’est là qu’étaient levés les impôts destinés à l’abbé de Ripoll, suzerain de la ville. Juste avant la guerre, en 1935, les artistes de Tossa, autochtones ou non, décidèrent d’y faire un musée regroupant leurs toiles et les produits des fouilles archéologiques de la Villa des Amandiers.

Un moment suspendu

Le résultat est extraordinaire : un merveilleux petit musée qui aligne des œuvres de peintres catalans de premier plan comme Pere Creixams ou Rafael Benet, des œuvres de Marc Chagall, André Masson ou Georges Kars, des sculptures de Manolo Hugué, ou Josep Clarà et une insolite collection de verreries, léguée par un collectionneur. Au hasard de votre déambulation, les fenêtres ne manqueront pas de vous offrir des paysages à couper le souffle. Ici tout est à voir : l’architecture de la maison dans sa sobriété hostile, les œuvres, le site. Un moment suspendu que vous n’oublierez pas.

Le musée du phare

Si vous avez un côté Geo Trouvetou, ne manquez pas de visiter le phare : là encore un petit musée est consacré au fonctionnement de ces tours étranges, à la vie des gardiens de phare, aux changements technologiques qui ont peu à peu imposé l’électricité. Une plongée dans un temps ou l’humain restait le gage ultime de fiabilité pour les marins égarés. La visite, agrémentée d’animations audiovisuelles est passionnante et sans prétention, idéale pour une expérience en famille.

Une chapelle en ex-voto

A la fourche de deux rues pentues s’ouvre une petite chapelle chaulée, fermée d’un portail de fer forgé. Il s’agit de la chapelle des secours, ex-voto d’un marin, Antoni sauvé du naufrage. Elle fut construite au XVIe siècle à l’endroit où s’élevait autrefois une croix pour indiquer les limites de la ville, sur la route de Gérone. Remaniée au XVIIIe la petite chapelle possédait un magnifique retable malheureusement détruit pendant la guerre d’Espagne.

La vie en pente douce

Se baigner, se saouler d’eau et de soleil, se remplir les yeux de bleu et d’ocre, marcher ou dormir sous les frondaisons, ça creuse. Alors justement, à Tossa, le bien vivre passe nettement par l’assiette ! La petite ville de la Costa Brava est une vraie capitale gastronomique. Au firmament des spécialités de poisson, le « cim i tomba » un ragoût que confectionnaient les marins à bord de leurs embarcations. Aujourd’hui ce mélange de pommes de terre, d’oignons, de poivrons et de tomates s’enrichit de baudroie. Troisième perle de la côte catalane, moins branchée que Cadaqués, moins hiératique que Collioure, Tossa a ses tours sur les épaules et ses plages dans les flots. Bien campée sur la splendeur de son histoire et la modestie de ses pêcheurs, adorée des créateurs, elle a ce je-ne-sais-quoi qui électrise et rappelle, comme un parfum dont le sillage discret poursuit et retient.

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