Une trinité gothique à la gloire de Dieu et à la Catalogne

07 Déc Une trinité gothique à la gloire de Dieu et à la Catalogne

Trois monastères pour dire au monde la grandeur historique de la Catalogne. Trois écrins de pierre pour sublimer le travail et la prière. Pour l’éternité.
Trois monastères royaux vous attendent. Trois chefs-d’œuvre absolus qui ont accompagné la splendeur et les misères de cette couronne catalano-aragonaise dont l’historiographie castillane et française nous dépossède, mais dont les sépultures, têtues et parlantes, ornent ces trois hauts lieux spirituels comme pour s’élever contre la spoliation mémorielle. Un triangle patrimonial unique, vivant, qui est aussi la colonne vertébrale de la Ruta del Cister.

L’ordre de Citeaux

Fondé par Bernard de Clairvaux au XIe siècle, l’ordre cistercien est basé sur le travail des moines et moniales, et la prière. La tenue caractéristique de l’ordre se compose d’une tunique blanche à scapulaire noir et d’une coule également blanche. Dès les fondements, l’ouverture au monde et l‘accueil des pèlerins participent de la philosophie de cet ordre, maintenue et fortifiée au cours des siècles.

Poblet, vraiment royal

Le monastère, fondé par 12 moines venus de l’abbaye de Fontfroide, en Languedoc, sur des terres données par le comte-roi Raimond Beranger IV, constitue un ensemble architectural très impressionnant par sa taille et par sa prestance : c’est aussi l’ensemble monastique encore habité le plus grand d’Europe. En 1991, l’UNESCO lui a accordé le précieux label « Patrimoine de l’Humanité ». Il faut dire qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre gothique absolu, posé au milieu des vignes toujours exploitées aujourd’hui par Codorniu. D’ailleurs, la grange elle-même gothique, est un monument historique de premier plan. Vous serez séduits par le lavatorium où les moines se lavaient les mains avant d’aller au réfectoire, par l’élan gracile des colonnes du cloître et la grandeur tranquille de l’église, majestueuse sépulture et écrin grandiose pour la prière. Poblet est une expérience inoubliable.

Santes Creus : le gothique absolu

C’est un joyau de l’architecture cistercienne. Protégé par les rois Pierre le Grand et Jaume II qui en ont fait leur panthéon royal, le monastère est devenu l’une des seigneuries monastiques les plus étendues et les plus influentes de la couronne d’Aragon. Mention spéciale pour la salle capitulaire, un lieu de paix qui invite à la méditation. Comme aucune communauté ne vit sur place, et n’occupe donc d’espaces privatifs, vous pourrez visiter toutes les dépendances qui accueillaient à l‘origine la vie monastique dans ses aspects les plus laborieux et les plus intellectuels, et goûter à l’atmosphère de paix et de recueillement, de prière et de travail. Une parfaite illustration de la règle de Saint Benoît : « Ora et labora ». (Prie et travaille)

Vallbona : la grandeur des femmes

L’abbaye cistercienne de Santa Maria de Vallbona est la plus importante de la branche féminine de l’Ordre cistercien en Catalogne et aussi la plus ancienne. L’abbaye ne possède pas la splendeur monumentale de Poblet ou de Santes Creus, l’ensemble est à la fois plus intimiste et plus recueilli, en quelque sorte, d’une échelle plus humaine. Vallbona présente une unité formelle et une sobriété stylistique qui invitent le visiteur à vivre tranquillement au rythme de cette communauté de femmes, inchangé depuis près de neuf siècles, scandé par le travail et la prière. On y retrouve l’humble simplicité de la vie paysanne, menée sous le regard de Dieu.

Une résurrection

Au début du XIXe siècle, en 1835, les biens du clergé sont saisis et les communautés chassées des propriétés : ce sont les lois espagnoles dites de « désamortisation ». Les trois merveilles gothiques, laissées à l’abandon, entament alors un lent déclin, et la ruine les menace, jusqu’à ce qu’au XXe siècle elles accueillent à nouveau moines et moniales, et fassent l’objet, dans un second temps, de restaurations magnifiques. Depuis 2015, les trois monastères bénéficient d’un ticket global d’entrée à 12 euros, vendu sur place et on-line, qui encourage les visiteurs à les voir de manière globale, pour bien intégrer la grandeur cistercienne et sa sublime déclinaison catalane.

Des hostelleries charmantes

Si vous avez besoin de silence et de tranquillité, Poblet et Vallbona possèdent des hôtelleries extrêmement confortables où vous pourrez, selon vos envies et votre sexe, partager directement la vie des communautés, ou bien vivre en famille ou en couple, juste à côté. Cette cohabitation entre séculiers et religieux est au cœur du projet cistercien : « Tous ceux qui se présentent doivent être accueillis comme le Christ ». Selon le prieur de Poblet, de nombreux écrivains et musiciens viennent y chercher l’inspiration. En tout cas, à en juger par le nombre de jeunes qui déambulent dans les enceintes, ce tourisme spirituel a le vent en poupe !

Amoureux du patrimoine, âmes en quête de silence et d’intériorité, artistes en mal d’inspiration, trois joyaux vous attendent pour vous montrer les chemins buissonniers de cette route cistercienne et leurs mille déclinaisons. Une destination idéale pour l’hiver, quand les ciels prennent ce bleu profond qui cisèle reliefs et perspectives.