03 Oct La Vallée de l’Agly, bienvenue au pays des Aigles
L’Agly, dont l’étymologie transparente fait référence à l’aigle, serpente au nord extrême de la Catalogne dont il matérialise en partie la frontière avec l’Occitanie. Un monde à part, qui foisonne de légendes et déroule des paysages minéraux puissants, assaillis de toutes parts par une vigne omniprésente.
Un nom aux odeurs de garrigue
Des trois fleuves côtiers qui se partagent le Roussillon, l’Agly est le plus indomptable, le plus turbulent. Il a de tout temps rythmé la vie des villages qui le bordent, apportant tour à tour le bienfait de ses eaux et la malédiction de ses crues pour donner naissance à une vallée magnifique, aux rives hautes, aux gouffres profonds, plantée de vignes, veillée par une armée debout de falaises minérales hérissées de châteaux forts. Ce monde méditerranéen à fleur de Corbières porte un joli nom aux odeurs de garrigue et de thym : le Fenouillède ou les Fenouillèdes.
Un pays de marches et de frontières
Et sa délimitation n’a rien à voir avec l’administration, puisqu’il trône en majesté, à cheval sur deux départements, le sud de l’Aude et le nord des Pyrénées Orientales ! Le pays de l’Agly s’étend bien au-delà de son lit, tout autour de ses affluents, la Boulzane, le Maury, le Verdouble et la Desitx, dessinant dans l’ocre et le gris de la pierre un véritable arbre de vie qui pousse ses doigts verts entre les rocailles et les blocs rocheux, les bouscule pour imposer l’ordre végétal des vignes. Les châteaux cathares encerclent ce petit territoire, sentinelles têtues de ce qui fut, au Moyen Age, l’ancienne frontière entre les comtes rois catalans et le roi de France.
Veillé par les châteaux cathares
Puylaurens veille ainsi sur la route de Caudiès, un joli village dont les maisons de maître et les vestiges de remparts, La Cellera, laissent deviner un passé glorieux. La Boulzane, un modeste affluent, ouvre de son large sourire une terre de vignes et de casots. La chapelle de l’ermitage de Notre-Dame de Laval, haut lieu de pèlerinage local, recèle un très beau retable du XVe. Mais la curiosité est ailleurs : au col de Saint Louis, où le premier pont à péage de France fut construit… en colimaçon ! Au-dessus de Maury, baigné par les eaux de la rivière éponyme, la silhouette ciselée de Quéribus semble regarder la ligne bleue des Corbières et faire un clin d’œil, juste derrière elle, à la barrière de granit que lui oppose son jumeau, Peyreperthuse. Les deux forteresses veillent sur une petite cité artisane, viticole, ouverte aux néoruraux et aux artistes, que l’on devine douce à vivre et amoureuse de son terroir.
Un pays de foi et de légendes
Depuis la mystérieuse montagne de Bugarach, chargée de mythes et de légendes, l’Agly a commencé sa route aventureuse, en traversant les gorges de Galamus. Elle s’élance de cascades en marmites, nimbant de turquoise presque phosphorescent le fond lisse des vasques rocheuses. Inutile de le préciser, c’est un paradis pour tous les amoureux des eaux vives. Tout en haut, une route suspendue au rocher, et littéralement creusée dans la falaise, semble frémir quand d’aventure des voitures doivent s’y croiser. C’est ici, au milieu des parois rocheuses, que des ermites ont construit au VIIe siècle, une petite cité vertigineuse, Saint Antoine de Galamus. On accède à ce havre de paix et de dénuement par un incroyable sentier du vertige.
Le chapitre : unique
L’Agly traverse alors de ses flots Saint-Paul-de-Fenouillet, actuellement chef-lieu de canton et petite capitale du territoire, dont le joyau absolu, outre les très fameux croquants aux amandes et aux noisettes qui ont fait sa célébrité, est son Chapitre, une abbaye bénédictine du Xe siècle devenue collégiale au XIVe, puis surmontée au XVIIe d’un très beau clocher heptagonal, rarissime au sud de la France. Vendu à la Révolution Française, le Chapitre est aujourd’hui un monument historique ouvert au public. Puis, la rivière repart vers Ansignan où elle passe, l’air de rien, sous l’aqueduc romain, indifférente au labeur des hommes et au poids des siècles.
Jamais assagi
Elle est alors brusquement piégée par le barrage de Caramany, qui emprisonne ses eaux en dessinant un immense lac aux eaux sombres et glaciales. Mais il en faut plus pour assagir la rivière ! Elle accélère alors sa course, comme pour se venger de la pause insolite que les hommes lui imposent, jouant sur les degrés de pierre d’une gorge profonde et peuplée d’arbres. Elle dévale ainsi jusqu’à Planèzes et Latour de France en offrant aux amoureux de la pêche et de la baignade, le plaisir de ses eaux. Là enfin, l’Agly dessine des plans d’eau et des gouffres ronds, et s’offre même le luxe de sculpter quelques plages éphémères de sable blond sous les remparts de Latour-de-France, très beau village pentu, organisé autour de son château et de son église.
Une enclave catalane
Un peu auparavant, là où la route bifurque vers Tautavel, l’Agly a reçu les eaux de son plus bel affluent, le Verdouble, grand tailleur de pierres et de grottes, qui accompagnait déjà il y a 500 000 ans l’homme de Tautavel dans les Gorges du Gouleyrous. Noyée dans ce monde occitan, la petite cité catalane, avec ses deux musées consacrés à la préhistoire, ses sculptures monumentales et surtout la beauté de son site, mérite votre visite. N’hésitez pas non plus à remonter vers l’autre rive de l’Agly, dans la vallée de Fenouillet où règne encore, sous les ruines du château médiéval, une authentique merveille de paysages minéraux qui respirent l’éternité.
Les limites du sud
De l’autre côté de l’Agly, encore, côté sud cette fois, la rivière Desitx délimite un paysage fracturé où se niche Prats de Sournia, dominé par une belle tour de guet, la tour de Pirate, une construction de quatre étages et de douze mètres de haut, édifiée au XIIe siècle par Oliba Cabrera sur le balcon du Fenouillèdes. C’est que la frontière a laissé des traces. On les trouve même dans le nom des villages, comme Montalba-la-Frontière, ou Bélesta-le-Château, qui portent haut cette mémoire de luttes et de batailles. Là aussi, la mémoire de la préhistoire s’est imposé et fait l’objet d’un musée.
Arrivée en Catalogne
Après Latour-de-France, l’Agly se laisse glisser jusqu’à Estagel et adopte peu à peu cette langue catalane entendue sous les murs de Latour de France, pour longer le village aux deux clochers, un village farouche qui aime scander d’un même souffle temps profane et temps sacré et s’offre à cet effet, deux clochers ! Ici, on est juste séparé du Riberal par le Coll de la Dona et pourtant l’Agly donne le ton, bien à l’abri entre les falaises, jusqu’à Cases-de-Pène. C’est l’ermitage, là-haut, qui tutoie le vertige et marque l’entrée dans la haute vallée.
Un Parc Naturel Régional
Ce pays, qui appartient encore par la langue, l’histoire et la géographie, au monde mutique et sec des Corbières, fait l’objet d’un vaste projet de Parc naturel régional Corbières et Fenouillèdes qui regroupera l’an prochain une centaine de petites communes de l’Aude et des Pyrénées-Orientales. Objectif : développer ces terres excentrées, en faire une destination touristique en rapport avec la splendeur du patrimoine, et relever par la mutualisation les défis posés par le maintien des services publics et des infrastructures en zone rurale.
Vers le Roussillon
Après Cases-de-Pène et, là aussi, ses deux clochers, l’Agly semble littéralement s’allonger, flânant entre les roseaux de la plaine. Ne dirait-on pas que le redoutable fleuve musarde ? Il marque un temps d’arrêt devant Pézilla et sa très belle église consacrée à Saint Saturnin, une beauté romane construite sur un très ancien temple dédié à Diane et Apollon, et se laisse même drainer par un canal depuis 1411, nourrissant littéralement le village. Ensuite, l’Agly longe Claira avant d’arriver en vue de Rivesaltes.
Vers la mer
Comme à Bugarach, le fleuve a encore rendez-vous avec la légende, celle du Babau, le terrible dragon dévoreur d’enfants, et avec la silhouette carrée du joli clocher roman qui symbolise la ville de Joffre. Ensuite, il roule lentement vers la mer ses flots apaisés qu’il mêle à la Méditerranée entre Torreilles et le Barcarès, en dessinant des îles de roseaux et d’ajoncs qui sont autant de plages douces. Difficile d’imaginer les terribles crues dont ces eaux si paisibles sont capables…
Eternelle Agly
Sous le signe de l’Agly, gageons que l’énergie des hommes ne fera pas défaut tant qu’il s’agira de protéger, conserver et aimer cette vallée dont la beauté sauvage monte à la tête comme le soleil illuminant les falaises où s’accrochent passionnément des amoureux de l’escalade. Et toujours l’Agly, comme tout Dieu tutélaire digne de ce nom, continuera de susciter à la fois la crainte et la reconnaissance, et de saluer sur son ombrageux passage, avec la mansuétude tranquille des puissants, la permanence de la roche et le travail obstiné des gens de cette terre.
Sabbatier
Posted at 22:23h, 21 févrierSans oublié le plus beau site d’escalade de Vingrau et ses vins