01 Déc Vielha, au cœur de la vallée des vallées
La petite capitale du Val d’Aran est à la croisée des chemins, directement desservie par les quatre portes d’entrée du territoire, parfois matérialisées par les traces de la grande histoire. Sa situation centrale la place en position d’incontournable sentinelle de la vallée des vallées, puisqu’en basque, Aran signifie vallée.
Les ruines de l’ancien sanctuaire de Mijaran, la commune limitrophe de Vielha, s’élèvent au sommet du col qui ouvre sur le Pallars Sobirà. Un nouveau sanctuaire situé à juste côté, succède au premier, où les gouverneurs de la Vallée juraient fidélité et respect aux droits et privilèges du Val d’Aran. Aujourd’hui encore, les conseillers et le Syndic d’Aran prennent possession de leur charge au Conselh Generau (Conseil Général), les yeux rivés sur les montagnes de Catalogne, d’Aragon et de France. Ces bâtiments contemplent l’arrivée des visiteurs en provenance de Sort, la route naturelle du sud. Juste devant le tunnel de Vielha, plus à l’ouest, s’élève l’ancien hôpital de Sant Nicolau dels Pontells que le roi Alphonse le Chaste avait fondé pour les voyageurs en passe d’emprunter la route, alors extrêmement dangereuse, qui menait à la Vall de Boí et plus bas, à Pont de Suert. Tous les 22 mai, la chapelle adjacente fête l’ouverture définitive du col et donc l’arrivée du printemps, comme si le tunnel ne suffisait pas à conjurer la neige. Quand on vient au Val d’Aran par le sud, on descend forcément sur Vielha. Notons aussi que la Garonne naissante s’en va elle aussi vers le sud et l’océan. C’est la seule rivière ibérique dont le partage des eaux s’oriente ainsi comme dans la jolie chanson de Beaucarne « Si la Garonne avait voulu ». Au sud-ouest, la montée vers le col du Portillon est scandée de stèles dédiées aux grands grimpeurs espagnols du Tour de France, tandis que plein sud, les montagnes s’écartent pour ouvrir la route vers Vielha, le long de la Garonne. Vielha a su s’installer au centre de ces flux. La centre-ville de Vielha n’a, à vrai dire, pas grand-chose d’une capitale, malgré la lutte que se livrent la Garonne et l’Arriu Nere pour la traverser en sautant sur les rochers ronds et gris qui signent les torrents de montagne. L’agglomération reste petite, même si elle abrite 40 % de la population aranaise.
Une vénérable capitale
Pourtant, son noyau urbain aux rues étroites et aux vieilles demeures typées, dont certaines remontent au XVe siècle, regorge de restaurants de charme regroupés dans ses rues étroites. Ils ne rechignent pas à se transformer, le soir venu, en bars à tapas qui font le plein de convives. Les portes ouvragées, les fours à pain que l’on devine, les fontaines de métal qui ornent l’espace public, définissent une physionomie originale assumée. Les portes basses, l’omniprésence du bois, les fenêtres fleuries, font du centre-ville un petit bijou montagnard digne des plus belles vallées alpines. Partout, y compris dans les quartiers plus récents, les boutiques de sport sophistiquées, spécialisées dans la glisse, l’aventure et la haute montagne se succèdent, témoins de la révolution vécue par Vielha en quelques décennies. On est loin du temps où les Français, pour qui l’accès est somme toute aisé, venaient faire le plein d’essence et de cigarettes sans guère manifester d’intérêt pour la vie locale, un peu à l’instar de ce qui se produit encore aujourd’hui en Andorre, la principauté jumelle. De temps en temps, ces boutiques créées pour satisfaire les innombrables randonneurs qui peuplent les intersaisons autant que les alpages ou les pistes enneigées laissent la place à des échoppes gastronomiques souvent pittoresques.
Rustique et chic
C’est ainsi un véritable salon, aménagé comme un salon de thé, qui propose en dégustations le fabuleux caviar « Nacarii » produit localement. Les eaux-de-vie et de noix qui fleurent bon la montagne font voisinage avec les couteaux et les objets de bois, étiquetés en gascon. L’excellente charcuterie locale ou les confitures qui capturent tous les parfums des estives profitent de l’effet locomotive du fromage local, de vache ou de brebis, une pure merveille. Un centre sportif de haut niveau, le Palai de Gèu, et un hôpital parfaitement équipé donnent toutefois la mesure de l’isolement et des avancées de ce petit territoire qui, vraiment, en cas de malheur, ne peut compter que sur lui-même, mais qui possède d’incroyables qualités d’adaptation. La petite capitale est indéniablement jolie avec ses ponts aux rambardes de fer ouvragé ultracontemporaines, et ses pavés élégants. Sur la place principale, au cœur de la ville, s’élève l’église Sant Miquèu Cette église d’origine romane a été édifiée sur plusieurs périodes. Parmi ses éléments remarquables, une tour-clocher qui servit autrefois de défense, puisque l’église a été intégrée dans un château fortifié dont il ne reste aujourd’hui aucune trace. Cela explique son imposant campanile fortifié, qui servait à cette époque aussi de tour de défense.
Un riche patrimoine
Le portail est composé de cinq arcs en vousseaux illustrant des scènes bibliques. À l’intérieur se trouve la sculpture romane du Christ de Mijaran (XIIe siècle), considérée un des chef d’œuvre les plus importants de l’Art Roman. Il est de même facture que les figures extraordinaires trouvées à Erill dans la Vall de Boí et ne vous laissera pas insensible, c’est un authentique chef-d’œuvre. Outre son charme, Vielha offre quelques lieux qui sont autant de passages obligés particulièrement bienvenus en hiver quand le froid sévit. Au Musèu dera Val d’Aran, une maison fortifiée du XIVe siècle aux belles fenêtres à vitraux, appartenant à un hobereau local, vous saurez tout sur le destin étrange de cette vallée pyrénéenne séparée de ses sœurs occitanes par les hasards des vasselages et de l’histoire, qui a su devenir une destination touristique de premier plan sans rien perdre de ses racines, ni de sa langue, toujours enseignée dans les écoles et largement parlée dans les zones les plus rurales. N’oubliez pas non plus de vous pencher sur le passé textile inattendu de ces hautes vallées, en visitant le Musèu dera Lana (Musée de la Laine), la Rolls de l’époque, la Mule-Jenny, une machine à filer anglaise qui fit les beaux jours de la seule révolution industrielle du sud de l’Europe, à savoir la Catalane. Dans le même genre, l’eau de la Rivière Nere a été utilisée par trois centrales hydroélectriques construites entre 1911 et 1929 dans un souci marqué d’autosuffisance et de soif de progrès. Loin d’être un cul-de-sac, le pays a toujours été une terre de passage. Le temps est venu pour vous de goûter l’excellente gastronomie locale, simple et roboratives comme le demandent les rigueurs des sommets et à Vielha, les restaurants ne manquent pas. L’Olha aranaise, entre potée et escudella vous tiendra bien au corps. La Truhada, la purée est un délice et vous aimerez le côté rustique des patarnes, une soupe à l’huile au pain et aux pommes de terre. Au rayon local aussi, les fromages et les truites sauront vous faire tutoyer les sommets !
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