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Capcir : Simplement Majestueux

03 Fév Capcir : Simplement Majestueux

C’’est un petit pays perché dont les chemins de forêts enchantent promeneurs et skieurs, un pays authentique et chaleureux dont l’or blanc n’a pas altéré l’authenticité ombrageuse. Bienvenue en Capcir !
On l’appelle petite Sibérie ou petit Canada tant les hivers y sont rudes. Il n’est que de regarder de près l’habitat de granit aux rares ouvertures, la pente raide des toits de lauses, la proximité encore visible des étables pour imaginer la rudesse des hivers capcinencs. Il faut dire que cette haute vallée de l’Aude, striée d’affluents, ne regroupe pas plus de 2 000 habitants sédentaires ! C’est un plateau ouvert aux quatre vents et particulièrement au Cers, le redoutable vent occitan qui lui donne son nom. Capcir signifie en effet « tourné vers le Cers » : tout un programme. Et si le vent est occitan, c’est que ce pays excentré, difficile d’accès au sud comme au nord se situe aux confins ultimes de la Catalogne, là où elle se mélange tant à sa proche cousine occitane, qu’on a parfois du mal à les démêler. D’ailleurs, l’ennemi absolu du pays c’est un autre vent, occitan lui aussi, chargé d’humidité et porteur de brouillard, le carcanet qui couvre littéralement de glace paysages et maisons.

capcir2Des villages qui disparaissent

Au fil des siècles, cette rudesse climatique, aggravée par l’éloignement et les difficultés d’accès, qu’il s’agisse de la route du nord, vers l’Occitanie, ou de celle du sud, vers le Conflent, ont favorisé la disparition de villages entiers comme Creu, Galbe, ou Vallsera. Trop loin, trop haut, trop froid. Nous sommes entre 1 300 et 1 700 mètres au cœur des Pyrénées, mais le microclimat continental est digne des zones arctiques et flirte fréquemment avec les -15 degrés en hiver ! Sept petites communes et quelques hameaux ont pourtant vaillamment résisté : Les Angles, Puyvalador, La Llagonne, Formiguères, Fontrabiouse, Matemale et La Réal.

Une vie rude

Au programme, de génération en génération, petits élevages de bovins et d’ovins, production laitière et fromagère, maigres cultures céréalières, culture du fourrage occupent des journées qui laissent peu de place au repos. En parallèle, l’exploitation artisanale de la manne des forêts de pins rouges et noirs, de hêtres et de sapins permet de mieux vivre. Rien à voir avec la relative opulence de la riante Cerdagne toute proche avec ses champs de blé à, perte de vue. Çà et là, quelques adrets ont certes permis un peu de maraîchage et la plantation de vergers, mais ils restent rares. Heureusement, des étés agréables et relativement chauds sont venus rythmer cette vie paysanne peu clémente, marquée en outre par les difficultés du convoyage sur des chemins escarpés et dangereux une bonne partie de l’année. Ces sept communes ont donc survécu jusqu’à cette deuxième partie du XXe siècle qui allait leur apporter après l’école, l’électricité, la relative proximité du chemin de fer et la route vers l’Aude, l’or blanc des sports d’hiver, une manne inespérée et miraculeuse.

La nature pour richesse

Entre-temps, la main de l’homme a créé au milieu du chapelet chatoyant des innombrables lacs et étangs qui paillettent la forêt et les rochers, deux étendues énormes et artificielles, destinées à produire de l’énergie électrique : le lac de Matemale (qui signifie littéralement la forêt maléfique) et celui de Puyvalador. Ironie de l’histoire ou logique de la géographie, ces centrales se situent en aval de la rivière Aude, donc dans le département occitan limitrophe. Ces plans d’eau majestueux n’ont fait qu’ajouter à la splendeur de ce haut plateau, planté de profondes forêts de sapins aux fûts immenses, surmonté de crêtes escarpées que les lacs dentellent. Le premier patrimoine du Capcir, son atout majeur, c’est la beauté envoûtante de son cadre, ses petites vallées riantes et douces comme celle du Galbe qui parfois semblent plus alpestres que pyrénéennes, ses bords de lacs ombragés, ses étangs en cascade comme le site des Camporeils.

capcir3Depuis la nuit des temps

La rudesse du climat ne semble pas avoir rebuté les hommes préhistoriques, sans doute attirés par les forêts extrêmement giboyeuses et les rivières poissonneuses. On trouve, tout près de Formiguères, des pierres gravées (peyras escritas) et quelques dolmens. Mais la découverte la plus curieuse et la plus récente concerne une statue menhir de type anthropomorphe découverte dans un champ près de Caramat, à côté de Puyvalador, très exactement sur le tracé du chemin qui reliait autrefois le Capcir au pays de Sault. Formiguères, situé au creux de la vallée et nantie de terres plutôt plates, accueillait également dès le début de notre ère une villa romaine et ses propriétés agricoles avant que les Wisigoths ne s’en emparent et ne l’exploitent à leur tour.

Entre Occitanie et Catalogne

Mais tout commence avec les Carolingiens qui prennent possession des lieux en 793. Il s’agit alors de fédérer les peuples montagnards, traditionnellement dispersés autour des édifices religieux pour créer un sentiment d’appartenance commune. Dès 833, l‘église de Formiguères dépend de l’abbé de Saint Jacques de Jocou mais lorsqu’elle est consacrée en 873, pas moins de quatre comtes régnants se penchent sur ses fonts baptismaux ! Il s’agit alors de Guifré Ier de Barcelone, de Miró de Conflent, de son frère Oliba II et enfin, d’Alfred I de Carcassonne, qui tous, font valoir des droits sur le Capcir qui appartient alors au puissant Razès voisin, un fief regroupant le Fenouillèdes, le Donazan, le Pays de Sault et Peyreperthuse. La boussole semble donc bien indiquer le nord et l’Occitanie. En 877 cependant, c’est le comte de Cerdagne qui récupère la mise sans pour autant mettre fin au flou. Ainsi, si l’alleu de l’église des Angles est donné en 950 à l’abbaye de Saint Michel de Cuixà, c’est encore l’évêque de Narbonne qui vient consacrer la nouvelle église en 1106, 150 ans plus tard. En fait, tout au long de son histoire, le Capcir dépendra de l’Occitanie (évêché de Narbonne, puis évêché d’Alet) pour le spirituel, et de la Catalogne pour le temporel. Après 1659, il deviendra français et dépendra de l’évêché de Perpignan.

Deux villes royales et trois châteaux

Formiguères fut chronologiquement la première ville comtale du Capcir dont elle est aujourd’hui la capitale. Mais sa situation géographique ne permet pas d’en faire une citadelle capable de stopper l’ennemi. En 1195, le comte de Cerdagne décide donc de fonder Puyvalador et le roi lui accorde une charte de privilèges qui ne tarde pas à attirer les nouveaux habitants : c’est le seul village fortifié du Capcir car à la différence du château de Formiguères et de celui des Angles, il protège également les maisons. Cette charte avantageuse est renouvelée en 1303 par Jaume II de Majorque. Le sous-viguier de Puyvalador possède alors les mêmes droits que celui de Villefranche. Il faut dire que le rôle du château est vraiment défensif, puisqu’il est depuis le traité de Corbeil (1258) l’ultime forteresse sur la frontière septentrionale de la Catalogne, face à la France. Si Formiguères peut de son côté devenir cité royale, c’est qu’elle est la résidence d’été de la famille de Majorque. C’est d’ailleurs là que s’éteint le roi Sanche en 1324, suite à une crise d’asthme que l’on dit favorisée par des rafales de carcanet… Aujourd’hui il ne reste de ces temps épiques que quelques ruines.

capcir4Résolument catalan

Quelques ruines mais un enracinement solide. Malgré son caractère transfrontalier, son éloignement, et une vraie spécificité identitaire et linguistique, le Capcir est irrévocablement catalan. C’est sans doute ce caractère bien trempé, aussi typé que ses paysages, qui lui ont valu de devenir une destination prisée des familles, des amoureux de la nature, des fous du ski, des accros du ski nordique, des passionnés de randonnée, bref de tous ceux qui aiment le vrai, le beau et le partage. Explication de cette résilience presque miraculeuse, la malédiction d’hier, la neige froide des interminables hivers est devenue la grâce d’aujourd’hui. Avec sa station phare des Angles, ses deux petites stations de Puyvalador et de Formiguères et le charme suranné de ses villages de montagne, le Capcir joue gagnant !

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