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Centre d’observation de l’univers du Montsec : Sous les étoiles exactement

01 Juin Centre d’observation de l’univers du Montsec : Sous les étoiles exactement

Au beau milieu du massif du Montsec, le Centre d’observation de l’univers propose au public de découvrir et redécouvrir la magie de la voûte céleste. Ce site exceptionnel, accrédité Starlight pour son ciel, parmi les plus beaux d’Europe, propose des observations à l’oeil nu ou au télescope, des animations dans un planétarium et autres expositions… Un voyage spatial passionnant. Visite guidée.

Montsec10Nous sommes lundi soir, dans un lieu improbable. Perdu dans la garrigue, éloigné de toute habitation, le centre d’observation de l’univers s’offre un face-à-face royal avec la voie lactée, au pied du massif du Montsec. Pour l’heure, tout est calme, le parking est vide et, à l’intérieur, seuls quelques employés s’affairent… Lorsqu’arrivent deux autocars bondés de collégiens et lycéens. Et c’est un déferlement de 120 jeunes bruyants qui investit le hall du bâtiment, parlant tantôt catalan, tantôt des langues du nord. Compressée entre deux groupes, Hilkka, une enseignante finlandaise qui, pour avoir vécu à Barcelone, parle un catalan courant, nous explique : « Nous faisons un échange culturel. Il y a ici des élèves catalans, finlandais et polonais. Nous avons déjà visité la ville de Cervera. Aujourd’hui nous avons fait une randonnée dans le Montsec, et demain, nous allons découvrir Barcelone ! ». Des lycéens polonais et finlandais au fin fond du Montsec, voilà qui a de quoi surprendre. Mais le Centre d’Observation de l’Univers attire un vaste public, allant des familles catalanes en balade le week-end aux touristes de l’Europe entière, surtout en été, en passant par les groupes scolaires à la recherche de séjours éducatifs couplant les activités « nature », à la découverte culturelle et scientifique. Ce public de groupes justifie l’existence-même du centre d’observation de l’univers, et lui permet de rester ouvert à l’année.

L’œil du Montsec

La visite peut commencer… Et c’est vers « l’œil du Montsec », la salle du planétarium, qu’on nous dirige. Installés dans des fauteuils inclinés, nous découvrons un film projeté sur l’ensemble du plafond arrondi de la coupole. Cette vidéo en images de synthèse retrace toute l’histoire de la conquête spatiale. Avec un effet de réalisme étourdissant, proche de la 3D, et dans un vacarme impressionnant, les fusées et autres vaisseaux spatiaux parcourent l’espace, obligeant le spectateur à se tordre le cou dans tous les sens pour ne rien manquer du spectacle. Un feu d’artifice de technologie… Au service d’une histoire folle, et pourtant bien réelle. Le film commence son récit par la mise en orbite de Spoutnik par l’URSS en 1956, évoquant, bien sûr, son « bip-bip » sonore futuriste.

Montsec11Spoutnik, Gagarine et la chienne Laïka

Il aborde le lancement de Spoutnik 2, avec à son bord le premier être vivant à aller dans l’espace, la chienne Laïka, qui mourut au bout de sept heures seulement, de stress et de surchauffe. La construction de Spoutnik 2 avait été exigée par Khrouchtchev, pour fêter les 40 ans de la révolution russe, et réalisée en un temps record de quatre semaines. Un défaut technique est à l’origine de la mort de l’animal… Un secret de polichinelle qui n’a été révélé qu’en 2002 : la version officielle soutenait que la chienne était morte d’empoisonnement ! Dans ce contexte de guerre froide, les USA créent leur réplique, Explorer 1, à la même époque. Le film raconte avec humour le lancement du premier homme dans l’espace, Youri Gagarine, à bord du Vodstock 1, en 1961… Et son retour sur le plancher des vaches mouvementé, en parachute, en pleine campagne russe, effrayant un fermier et sa fille dans son accoutrement futuriste. Pour la petite histoire, Gagarine leur aurait dit : « N’ayez pas peur, je suis un Soviétique comme vous, qui revient de l’espace et qui doit trouver un téléphone pour appeler Moscou ! ».

D’Armstrong au tourisme spatial

Le film retrace de façon impressionnante l’épopée du programme Apollo, reconstituant l’instant crucial de la mise à feu. La hauteur de la fusée donne le vertige et le spectateur est pris dans l’aventure comme s’il vivait l’événement au plus près. On revit aussi l’incroyable expérience du premier homme à avoir marché sur la lune… Mais aussi, moins connu qu’Armstrong, l’histoire de Dave Scott, le premier homme à avoir roulé sur la lune ! Les explorations lunaires ont pris fin en 1972, avec Apollo 17, et après avoir évoqué les missions du programme Discovery, c’est sur l’avenir que s’achève le film : le tourisme spatial.

Montsec12Grande ourse et autres constellations

Retour au Montsec, un lundi soir de printemps… Mais toujours la tête dans les étoiles. La coupole du planétarium affiche maintenant une image du ciel telle qu’elle a été captée il y a quelques minutes. Invisible dans l’obscurité, Salvador Ribas, le directeur scientifique du Centre d’Observation de l’Univers, prend le micro et nous raconte la voûte céleste. Il passe en revue les constellations, traçant des traits sur l’image, formant des dessins : ici, Orion, là, le Taureau, là encore, la Grande Ourse, la petite Ourse… Force est de constater qu’il ne suffit pas de relier des étoiles entre elles pour y voir des images de taureau, de vierge ou de balance… Une bonne dose d’imagination est nécessaire. S’appuyant sur une image prise un peu plus tôt, Salvador nous montre l’incroyable mouvement du ciel. Les emplacements des étoiles ont franchement bougé… C’est à en perdre le nord ! Et le scientifique d’éveiller l’appétit du public : « voici les planètes que vous verrez peut-être dans un petit moment au télescope : ici, c’est Jupiter. Là, Mars. Vous ne pourrez l’observer que si les conditions sont bonnes. Pour l’heure le ciel est un peu voilé ».

Mars… La planète blanche !

Soucieux de mettre du scientifique dans le ludique, Salvador embraye : « Savez-vous quelle est la couleur de Mars ? Non ? On l’appelle la planète rouge, c’est vrai… Vu de laTerre, elle semble rouge, c’est dû à la présence l’oxyde de fer. En fait, elle est blanche, un peu bleue vue de près ! ».

Sur le plafond du planétarium s’affiche maintenant une image tournant autour de Phobos, le plus grand des deux satellites de Mars… Un aspect lunaire et volcanique boursouflé de cratères, inquiétant. Puis, l’image zoome sur la terre, et sur sa face européenne et africaine, immergée dans la nuit. C’est alors une image bipolaire de notre monde qui se donne à voir. Au nord, les lumières des agglomérations, même de taille modeste, sont omniprésentes. Salvador zoome à peine et les villes ressortent, dessinant par elles-mêmes le trait de côte d’une mer Méditerranée invisible. Montpellier, Perpignan, Girona, Barcelone… L’emprunte humaine saute aux yeux. Côté sud de la planète, c’est le grand vide. L’Afrique ne compte que quelques taches colorées. Pour le reste, c’est un immense aplat d’obscurité qui s’étale, peuplé, on l’imagine, de savane, de forêts, de lacs, de déserts. Il vient alors à l’esprit que l’équipe de scientifiques qui a choisi le site du Montsec pour installer le centre astronomique, aurait aimé, sans doute aussi, planter ses coupoles et ses télescopes, au beau milieu de la savane africaine, exempte de toute pollution lumineuse. La pensée chemine alors du côté du ciel étoilé d’Afrique, d’une clarté incroyable, et des soirées de veillée qu’il a de tout temps suscité. Comme si les étoiles détenaient le pouvoir de créer de la magie dans le quotidien des hommes.

La coupole coulisse… Et les étoiles apparaissent

Mais un air frais, piquant, nous ramène au plancher des vaches et au planétarium du Montsec… L’espace d’un instant, une vague d’incompréhension règne dans la salle. L’un des murs est en train de s’ouvrir littéralement, offrant une belle vue nocturne sur la vallée d’Ager, et c’est maintenant le plafond tout entier qui coulisse vers l’arrière du bâtiment, dévoilant le ciel. Cette coupole coulissante de douze mètres de diamètre fait la fierté de Salvador. Et pour cause, ce petit bijou de technologie qui a coûté à lui seul 300 000€, fait son petit effet auprès du public ! A croire que le vrai spectacle vient finalement parfois de là où on ne l’attend pas : de la nature réelle, sans artifice ni effets spéciaux. On nous emmène maintenant à travers les couloirs, en direction d’une salle de réunion toute simple, équipée de plusieurs rangées de chaises, d’un ordinateur et d’un écran. C’est un autre animateur, Pau, qui prend le relais. Il projette sur l’écran la vidéo d’une planète, telle qu’enregistrée à l’instant-même, par l’un des deux télescopes du centre. « Qui reconnaît cette planète ? ». Dans l’assistance, personne ne moufte. Une jeune fille tente finalement un timide : « c’est Mars ? ». « Non, c’est Jupiter ! Répond Pau. Ce soir il y a beaucoup de nuages, d’humidité, il est difficile d’obtenir une bonne image ».

Jupiter en direct

Malgré tout, la planète ronde brille d’une splendide lueur ocre-rouge, et on entrevoit des rainures plus claires qui la traversent à l’horizontale. « Savez-vous quelle est la taille de Jupiter ? De combien est-elle plus grosse que la Terre ? ». A nouveau, on entend les mouches voler. « 100 fois, peut-être ? » Tente une élève. « C’est 1 000 fois. Vous imaginez ? 1 000 fois plus grosse que la Terre ! ». Exclamations admiratives dans la salle. Pau nous invite ensuite à sortir du bâtiment et nous fait descendre une allée dans le noir. Dans cette obscurité totale, la voie lactée ressort de façon impressionnante, et ce, malgré la couche fine de nuages qui crée un voile. Cette multitude d’étoiles, extrêmement lumineuses, on ne l’observe généralement qu’en haute montagne. C’est pour cette absence de pollution lumineuse et pour ses bonnes capacités atmosphériques que le site du Montsec a été choisi par les scientifiques en charge du projet, il y a une quinzaine d’années, pour installer le Centre d’Observation de l’Univers et l’observatoire astronomique, situé, lui, en haut du massif, et à vocation uniquement scientifique. Ce soir, dans cette noirceur épaisse, seules les deux coupoles blanches des petits bâtiments abritant les télescopes se distinguent.

Un laser vers la voie lactée

Arrivé devant le premier bâtiment, Pau sort un laser vert et le pointe vers les étoiles. Il nous montre Vénus, la grande ourse… Et Jupiter, que nous pouvons donc observer à l’œil nu ! Mais c’est à l’intérieur de l’un des deux petits bâtiments que la beauté de la planète se révélera : sitôt grimpée une volée de marche, on accède à une petite plate-forme sur laquelle le fameux télescope est installé. Rien à voir ici avec l’outil grand public que l’on pose sur sa terrasse pour les longues soirées d’été… C’est un véritable télescope professionnel, faisant remonter les souvenirs merveilleux de Tintin et autres albums d’enfance. L’outil prend presque toute la place, sous la coupole. On grimpe sur un escabeau pour arriver à hauteur de l’oculaire. C’est alors qu’on fait abstraction de la foule qui, derrière nous, attend son tour. Oubliés, le bruit, la fraîcheur du soir, la position en équilibre sur le marchepied. Notre œil nous fait plonger dans un autre monde… Dans l’univers. Remonte alors une émotion ancienne, presque instinctive, face à la magie de la voûte céleste, et, inexorablement, dans la foulée, les questions les plus existentielles qui soient. Celles de la vie, de l’univers, de l’infiniment petit… Et de l’infiniment grand.

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