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Cervera, simplement ensorcelante

30 Juil Cervera, simplement ensorcelante

Dans ses remparts qui couronnent un éperon rocheux, Cervera s’avance comme un improbable vaisseau de pierre au-dessus de la plaine. Que la croisière est belle !

Cervera, la fière capitale de la Segarra, dresse ses imposants remparts sur une colline abrupte qui domine la vallée de la rivière Ondara. Altière, Cervera possède la noblesse de port de l’animal qui lui donne son nom, le cerf, roi des forêts. Ici, un passé royal a apposé son sceau de solennité pour faire de la ville l’une des plus belles de Catalogne. à l’extrême ouest de la Catalogne, Cervera est née sur une double frontière.

Double frontière

Fondée en 1026, elle marquait l’avancée des seigneurs féodaux de la Reconquête sur les musulmans installés dans le sud de la Péninsule, et donc la délimitation entre la Vieille et la Nouvelle Catalogne. Elle fut alors conçue comme une ville close, les maisons adossées aux remparts et seulement accessible par trois portes gardées. Une véritable forteresse, d’autant qu’elle représente le passage obligé depuis l’Aragon sur la route de la capitale Catalane. Les confréries s’installent au XIIe et au XIIIe siècle, la ville est gérée par des consuls, puis par une paeria, comme Lleida jusqu’à nos jours. Mais, c’est avec les décrets de Nova Planta du funeste Philippe V que Cervera va rencontrer son destin. Dans sa haine de la Catalogne qu’il entend réduire et dominer, le monarque abolit toutes les universités catalanes. Il souhaite doter le pays d’une grande université espagnole dans l’enseignement et la langue, afin de supprimer ces élites catalanes qui se dressent entre lui et le pouvoir absolu. Paradoxalement, c’est la chance de Cervera. Il faut dire qu’en pleine guerre de Succession, la ville a décidé d’exprimer une fidélité absolue aux Bourbons. Parmi les doléances des élus de Cervera revient sans cesse la demande d’une université.

Une université rayonnante

Philippe V saisit l’opportunité et fait construire le clou architectural de la ville, son université, grandiose, démesurée par rapport au nombre d’habitants, capable d’accueillir 2 000 étudiants, un chiffre colossal pour l’époque. Structurée autour de trois cours intérieures, surmontée par la couronne royale et placée sous le signe de l’Immaculée Conception, l’Université possède une belle façade de pierre taillée trouée d’un beau portail flanqué de colonnes. Une authentique merveille baroque.On parvient sur la place de l’université par le Carrer Major, une rue à la fois majestueuse, bordée de maisons de maître et de boutiques pleines de cachet, dont une enseigne de barbier moderniste de toute beauté, et étrangement sinueuse, car elle suit les courbes du terrain comme son ancêtre médiévale de terre battue. Des belles places s’ouvrent. Sur la plus grande, partiellement bordée d’arcades, eut lieu la proclamation du roi Carles IV. Elle accueille également la Paeria, la mairie, remarquable par les corniches historiées qui soutiennent ses balcons, sur le thème des vertus des commerçants et des cinq sens…

Sur un plan médiéval

Un grand bâtiment, l’ancien collège Saint Charles des Jésuites, accueillit bien avant la création de la Compagnie de Jésus, sous Pere le Cérémonieux, le parlement catalan, avant de servir de cadre à la signature des registres de mariage des Rois Catholiques, Isabelle et Ferdinand. Les façades de Cervera alternent bow-windows modernistes, galeries renaissantes et belles façades baroques. Il faut dire que pas moins de onze bâtiments ou monuments sont déclarés Biens d’Intérêt Culturel par la Generalitat de Catalunya ! Au milieu du Carrer Major s’ouvre une sorte de ruelle obscure et étroite, le Carreró de les Bruixes, presque une grotte, d’autant qu’il faut descendre, car la ville se trouve sur une sorte de piton longitudinal.

Art roman

Les remparts faisaient à l’époque 3 km de long et étaient bordés d’un énorme fossé de huit mètres de large. Le château du XIe siècle, dont on ne conserve aujourd’hui que le mur, fut le noyau d’où est partie l’expansion de la ville. Là où s’ouvraient les anciennes portes de la ville, s’élèvent les chapelles de Sant Cristòfol et de San Magí, un saint particulièrement révéré. L’église Santa Maria se distingue par son portail roman décoré d’une très belle madone et son clocher gothique de 50 m de haut, qui la sépare de la mairie. Les six cloches monumentales sont encore sonnées à la main, comme lors de leur baptême. De l’autre côté du Carrer Major, la place Sainte Anne déploie l’éventail de ses carreaux colorés de jaune et de brun, juste à côté de l’église du même nom.

Festive

Sur cette terre de blé et de vigne, frappée de plein fouet par la crise du phylloxéra, le grand Cèsar Martinell a construit « le Syndicat » une énorme minoterie moderniste. Certes, le royaume d’Espagne a daigné restituer à Barcelone son université en 1842, mais à Cervera, la culture est partout, dans les petits musées de la ville, consacrés au patrimoine local et à la vie paysanne, dans l’architecture, dans le geste immuable de la colline qui le porte et surtout dans ce mélange d’humilité et de grandeur qui caractérise les grandes fêtes que la ville excelle à organiser et à vivre. Belle et un rien provocante, Cervera est une vraie séductrice.

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