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La Cathédrale de Girona : Monumental

30 Sep La Cathédrale de Girona : Monumental

Rarement le mot « monument » a autant mérité son nom, tant l’ensemble cathédral de Girona est impressionnant par ses dimensions, sa diversité stylistique, sa situation géographique, et sa profonde cohérence. Visite passionnante en vue, Girona en prime !

Pour succomber au charme authentique de la cathédrale, il faut absolument passer par l’ancien call, le quartier juif, dont les habitants vivaient dans les patios cachés à l’arrière, visibles depuis le haut des remparts construits sur le tracé romain des murailles de Gerunda (Girona). Les maisons n’avaient aucune fenêtre sur la rue de façon à bien maintenir la séparation entre les communautés. Notons toutefois que le temple catholique est construit sur le point le plus haut de la ville comme s’il s’agissait d’une synagogue. On peut aussi atteindre la cathédrale, dont on aperçoit l’énorme masse au-dessus du quartier ancien où que l’on se trouve, après avoir traversé le pont ou la passerelle suspendue qui enjambent la rivière Onyar joliment bordée de maisons colorées en encorbellement. Dans les deux cas, arriver devant la Cathédrale de Girona par une rue en pente étroite qui ne laisse rien espérer de particulier, c’est se trouver devant une sorte de montagne minérale, matérialisée par un de ces escaliers monumentaux énormes dont le baroque a le secret. 93 marches, entrecoupées de six paliers comportant de part et d’autre de belles terrasses entourées de balustrades ventrues rythment cet élan vertical. On est d’emblée saisi par le gigantisme de l’ensemble, qui est d’ailleurs un des hauts lieux des fêtes et célébrations locales. Pendant Temps de Flors, le festival qui transforme la ville en bouquet changeant, les marches accueillent de sublimes tapis de fleurs fraîches tandis que le soir de la procession du vendredi saint, elles deviennent un véritable Golgotha urbain où se croisent misteris et soldats romains. Impossible de ne pas penser aux églises baroques italiennes et siciliennes à la théâtralité exubérante. Cet escalier de très belle facture, devenu un symbole de la ville, dessert une nef unique énorme, à vrai dire la plus grande d’Europe après celle de Saint Pierre de Rome, avec ses 23 mètres. Sa construction à l’emplacement d’une église romane antérieure, dont on a gardé le clocher et le cloitre, a commencé au XIVe siècle soit au temps de l’expansion catalane en Méditerranée, pour se terminer quatre siècles et 25 architectes plus tard, ce qui explique le panachage stylistique. Cela ne nuit pas pour autant à la surprenante unité de l’ensemble. La façade, très haute, est résolument baroque. Son ornementation imite celle d’un retable, avec un ordonnancement en niches superposées organisées par groupes de trois surmontées d’une rosace. Le clocher octogonal, appelé Tour de Charlemagne, date du XIe siècle et manifeste une claire identité romane. Il mesure 67 mètres. Tout indique, malgré les remaniements, qu’au départ il devait beaucoup ressembler à un clocher lombard comme celui de Saint Michel de Cuxa, dans les Pyrénées – Orientales. L’église affiche une hauteur de 35 mètres. Elle se compose de quatre sections matérialisées par des piliers, qui, toutes, possèdent leur propre clef de voûte. Les murs intérieurs sont simples et sobres, creusés de plusieurs chapelles latérales et surmontées de beaux vitraux. Derrière le maître-autel de la cathédrale se trouve un magnifique siège épiscopal de marbre blanc des Pyrénées. D’origine romane, remanié à l’époque gothique, ce siège vénérable est appelé « Chaise de Charlemagne ». Selon la légende locale, tout couple qui s’y assoit se mariera dans l’année, et tout homme qui s’y assoit seul est voué à rester célibataire. Le retable du maître-autel en argent repoussé du XIVe siècle, avec incrustations d’émaux et de pierres précieuses, est un joyau d’orfèvrerie. Le déambulatoire, énorme, qui encadre le chœur, porte la mémoire du plan jamais réalisé d’un bâtiment à trois nefs parallèles dont on imagine assez aisément la physionomie. Comme ses cousins du nord, le gothique catalan donne une impression d’infiniment grand, propice à l’humilité, et il se trouve ici décuplé par la nudité des lieux. Par une belle porte, on accède au cloître roman du XIIe siècle, en forme de trapèze. C’est un des plus beaux de Catalogne avec sa double rangée de colonnes et ses superbes chapiteaux. Les frises qui ornent les piliers sont particulièrement intéressantes.

Edifice divin

Avec un peu d’attention, on y trouve l’histoire de l’humanité depuis Noé, des scènes de vie bibliques, des figures animales, des arabesques de plantes et de fleurs… Les chapiteaux historiés, particulièrement beaux, complètent ce récit de pierre, organisé autour du petit jardin à pelouse dont les sentiers empierrés tracés dans la diagonale se rencontrent au niveau du puits. L’ensemble respire la sérénité au point que l’on s’attend presque à voir déambuler des moines en méditation ! En haut de l’escalier monumental, sur la gauche, se trouve, abrité par les salles capitulaires, le trésor de la cathédrale. Il conserve de remarquables œuvres sacrées de très grande valeur comme le Codex du Beatus ou de l’Apocalyse (Xe) réalisé en 975 qui contient 160 miniatures enluminées peintes par un moine et une moniale, et inspirés de manuscrits carolingiens. Malgré la rareté de ce livre dont on expose évidemment ici une copie, la star du trésor reste la tapisserie de la création, brodée à la main au tournant du XIe et du XIIe siècle, un des plus beaux tissus médiévaux qui nous soient parvenus. Cette pièce unique a fait l’objet d’une restauration en 1952 et occupe toute une salle.

La création est représentée par un cercle contenant l’image du Christ qui n’est pas sans évoquer une mandorle, placé au centre d’un plus grand cercle divisé en huit parties, figurant la planète dans l’état qu’on lui connaissait à l’époque au travers de différentes scènes la Genèse : « l’Esprit planant sur les eaux », « les anges de la lumière et des ténèbres », « la création du firmament », « la séparation du ciel et de l’eau », « la création des étoiles », « la création des animaux de la terre », « le ciel et la mer », et enfin « la création de l’homme et de la femme ». On note, outre la représentation maladroite de l’univers, trois personnages portant la rouelle. Ce sont les juifs de Girona, qui possèdent d’ailleurs à quelques centaines de mètres un très joli petit musée, témoignage de leur importance dans la vie locale médiévale. Le reste du trésor comprend aussi le coffre de Hicham II du Xe siècle, une croix des émaux du XIVe, le sceau de la comtesse Ermessenda de Carcassonne et toute une série d’œuvres religieuses dues à des petits maîtres locaux.La visite des quatre unités de la cathédrale, la nef, le cloître, le trésor et l’escalier monumental est une expérience inoubliable.

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