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LA COSTA DAURADA : BERCEAU DE GÉNIES

31 Mai LA COSTA DAURADA : BERCEAU DE GÉNIES

Les courbes douces de la Costa Daurada semblent être un jardin merveilleux, un toboggan sans fin pour l’imaginaire, de dunes en lagunes, bercées par les vagues. N’ont-elles pas inspiré quelques-uns des plus grands génies du siècle dernier, et dans leur sillage, un bel aréopage de talents locaux ? Miró, Gaudí, Casals, Martinell, Fenosa…

A tout Seigneur tout honneur, commençons par Gaudí, natif de Reus, auquel la ville consacre d’ailleurs le Gaudí Center, un magnifique centre d’interprétation sur la vie et l’œuvre du Maître. Cet espace équipé des infrastructures les plus modernes et de la toute dernière technologie audiovisuelle est conçu pour éveiller les sens et ouvrir l’esprit du visiteur à la découverte de nouvelles expériences. Une aventure qui vous permetra de mieux connaître Antoni Gaudí et de découvrir les secrets de ce génie. à voir absolument pour tout comprendre de sa formation au triple contact de son dinandier de père, de la nature luxuriante dans laquelle il aimait déambuler, et de sa brûlante foi catholique. Si l’essentiel de son œuvre se trouve ailleurs, et notamment autour et dans Barcelone, où il vécut le plus clair de sa vie, c’est bien ici que Gaudí a jeté les premiers axes de son œuvre, ici qu’il a passé ses premières années. Visiter sa maison natale, c’est prendre la mesure du chemin parcouru et de l’enracinement. Mais c’est sans doute à travers ses disciples que Gaudí a laissé en terre tarragonaise une trace architecturale indélébile. Josep Maria Jujol, compagnon de route du maître pour la plupart de ses grandes réalisations comme le Parc Güell ou la Sagrada Família et probable inventeur du fameux trencadís, cette mosaïque de tessons de céramique si caractéristique des œuvres du maître, a dessiné entre autres le sublime théâtre Metropol à Tarragone. Le grand Cèsar Martinell, outre la conception de très nombreuses demeures et édifices publics a inventé les fabuleuses cathédrales du vin, cette série de caves viticoles aux décorations de céramique et de vitraux dont l’insolite grandeur répond à celle des églises voisines pour mieux les surpasser. La Costa Daurada reste frappée au sceau du mouvement moderniste, et donc, fortement imprégnée de l’apport universel de Gaudi et ses disciples. à Mont-Roig del Camp, la famille de Joan Miró possédait une belle masia familiale. Enfant et adolescent, le jeune Miró y passait ses vacances loin de la grisaille de Barcelone.

Eloge de l’épure

C’est devant ces paysages doux, alternativement plantés de lauriers, de vignes et l’oliviers, qu’il réalisa ses premiers dessins au sortir d’une terrible dépression existentielle qui marqua la fin de son adolescence et détermina sa décision de peindre. C’est ici aussi, qu’il opta résolument pour l’épure, jusqu’à désosser le dessin, jusqu’à bannir la couleur pour mieux la reconvoquer. Un lieu fondateur pour l’un des plus grands génies du XXe siècle. On peut aujourd’hui visiter la maison familiale, transformée en musée, et s’émouvoir devant l’écritoire du maître. Découvrir son goût pour le yoga et les techniques de méditation orientales, s’émerveiller que ses bleus aient si étroitement épousé ceux de la mer toute proche. Comprendre aussi ce goût d’enfance, cette quête de simplicité et de naturel qu’il conserva jusqu’à sa mort et qui lui valut une reconnaissance universelle. « Toute mon œuvre a été conçue à Mont-Roig » a-t-il déclaré en hommage à ce creuset familial qui fut celui de son inspiration d’artiste. Le long de la route intitulée « le paysage émotionnel de Miró », le public peut  découvrir les sites qui ont inspiré l’artiste comme « Le mas », « Mont-Roig », « le Pont », « la Plage de Mont-Roig »… Tous dûment balisés et équipés de panneaux d’information et de reproductions des œuvres concernées. Dans le mas, l’atelier semble avoir été quitté par l’artiste quelques instants auparavant seulement. C’est de cette terre que Miró a tiré sa force de résilience et sans doute aussi son sens de l’effort. Un peu plus au nord, à El Vendrell, la longue plage de Sant Salvador garde la mémoire du plus grand violoncelliste de tous les temps. C’est ici, que Pau Casals, fils de l’organiste de l’église, venait jouer au football avec ses camarades devant les docks d’où l’on exportait, au début du siècle, dans de grandes barriques de bois, le vin capiteux de la région. Devenu adulte et musicien adulé du grand public et des grands de ce monde, il fit construire sur sa plage de cœur, sa belle villa agrémentée de courts de tennis qui ont vu passer les plus grands sportifs et les plus grands musiciens de son temps.

Les murs gardent à jamais le souvenir de concerts mémorables et intimistes, qui appartiennent à tout jamais à l’histoire de la musique universelle. La maison de Casals est aujourd’hui devenue un musée particulièrement émouvant dans lequel la famille du musicien occupe une place centrale. Elle dispose d’une salle de concerts qui accueille, entre autre, le festival Pau Casals tous les étés. Passer de sa maison natale, digne et modeste, au cœur du village, à cette villa somptueuse qu’il abandonna pour ne plus y revenir en novembre 1938, lors de l’offensive franquiste, est assez poignant. Ses souvenirs de tous ordres, étrangement rassemblés, donnent sens au combat pacifiste et antifasciste de Casals, sans occulter pour autant ses liens familiaux et son attachement passionné à la Catalogne. C’est ici, devant la mer, qu’il a puisé la force inégalée de son jeu, l’inspiration catalaniste de son incroyable discours devant l’ONU en 1971, et son engagement total, universel, pour la paix dans le monde. Une véritable constellation de talents divers directement inspirés par la beauté des paysages, la nudité des éléments, et sans doute aussi cette indéfinissable invitation à aimer ce qui semble venir du large et donne de folles envies de liberté.

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