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Le Perthus en guest star

04 Oct Le Perthus en guest star

Bien au-delà des charmes de son commerce, la ville du Perthus séduit, par son patrimoine et ses décors naturels, les regards les plus exigeants. Réalisateurs et acteurs s’affichent dans la fresque historique du Perthus. Deux mille ans d’histoire et des kilomètres de pellicule. Silence, on découvre !
« Qu’avez-vous à déclarer ? » La célèbre injonction des douaniers qui, au fil des décennies et jusqu’à la suppression des frontières, a fait trembler quelques millions de citoyens, touristes, contrebandiers ou simples curieux. C’est aujourd’hui à la ville du Perthus, elle-même, que peut être adressée cette interrogation. De prime abord, une rue, fourmillante de badauds pris d’un frénétique et irrésistible élan consumériste. Une centaine de commerces à l’allure de souk occidental où sombreros mexicains, hi-fi coréenne, maillots du Barça, cigarettes goût américain, magnum de pastis marseillais, légumes andalous et contrefaçons marocaines battent le haut du pavé. Si l’ambiance se veut cosmopolite, le pavé reste français mais l’achalandage de marchandises flatte un trottoir espagnol. Le Perthus qui sait jouer aussi bien de la spéculation sur les prix que d’une schizophrénie identitaire propre aux villes-frontière, se revendique avant tout catalane.

perthus3Course aux affaires ou marathon commercial

Une identité bien ancrée et finalement peu perceptible par le millier de touristes que reçoit quotidiennement la commune. Portant en triomphe sur l’épaule carton de gel douche au litre ou bidon d’huile d’olive, ils défient la patience des automobilistes tout en négligeant les attraits bien réels et propres au Perthus. Le fort de Bellegarde n’a semble-t-il droit à aucun beau regard. Ce spectacle et ce dédain sont devenus le quotidien de Joan Tocabens, militant perthusien et érudit actif, qui, vivant dans les ruelles intérieures du  village, oublie aisément la course aux bonnes affaires et le marathon commercial qui se jouent sur la route nationale. En se rappelant au bon souvenir de son ami Jean Gumbau qui faisait ses courses sur un vélo flanqué d’une pancarte « Transport international », il tire un portrait réaliste de la vie perthusienne : ville en suractivité constante au commerce florissant mais fière de ses attaches pastorales et d’un passé bâti par transitaires ou contrebandiers au nez et à la barbe des douaniers. Si aujourd’hui la peur du douanier s’est évaporée, Joan Tocabens se prête au jeu de la déclaration.

Déclaration de patrimoine

« Au Perthus qu’avons-nous a déclaré ? s’interroge Tocabens. Un style de vie original dans une ville qui a su garder une âme aussi particulière qu’indéfinissable. Mais également une histoire millénaire qui nous a placés aux avant-postes de l’histoire par notre statut d’éternel lieu de passage. De la Via Domitia des Romains aux glacis du Fort de Bellegarde des soldats de Louis XIV, nos pierres parlent et notre patrimoine revivifie notre présent ». Sans tomber dans une nostalgie sclérosante, l’historien se rappelle des fouilles menées aux pieds de la redoute du centre-ville et d’une belle découverte. « J’ai trouvé sous quelques centimètres de terre près de cette bâtisse, participant au dispositif de défense avancé du fort de Bellegarde, une pièce en bronze Ibère. Vous voyez, il y a plus de deux mille ans, on commerçait déjà au Perthus ». Si depuis, la pièce a rejoint une collection publique de Perpignan, l’histoire antique du Perthus se découvre, pour sa part, in situ, dans un cadre et un site naturel exceptionnel distant d’à peine une centaine de mètres du tohu-bohu d’un centre-ville sur-exalté.

perthus2Une beauté toute antique

Au cœur du Col de Panissars, dans un écrin de nature incomparable et d’un calme olympien, se cachent les vestiges du Trophée de Pompée. Aujourd’hui confiné en marge du Perthus, son destin, lorsqu’il se voit érigé en 71 avant J.-C., est tout autre. Son commanditaire, le général romain Pompée, entend à travers lui célébrer sa propre gloire, impressionner les foules et marquer l’histoire de son nom pour l’éternité. Ce monument commémoratif, de 35 mètres sur 30 et de 40 mètres de haut, prend place au point de jonction des territoires Indigetes, Ausetanis et Sordones, mais également, là où se rencontrent les voies Domitia et Augusta. Un lieu, très couru et hautement stratégique, choisi pour y installer de manière fastueuse la statue du général et pour y inscrire dans le marbre, afin de porter à la vue de tous, le nom des 856 villes prises par les Romains sur les Ibères. Cependant, cet hommage pompeux ne traverse pas le temps. Dès, le IVe siècle après J.C., il se voit rasé pour laisser place à une église, dédiée à Sainte Marie, puis utilisée comme carrière de pierre. L’empire, à l’image du monument, se délite.

Le Perthus, tour de garde

Aujourd’hui, le site en ruine offre une agréable halte avant la visite du Fort de Bellegarde. Ce dernier est lui-même construit sur une ancienne tour de garde, nommée tout naturellement Bellagardia, qui permettait un contrôle du territoire par la communication de signaux qu’elle offrait entre le Palais de Rois de Majorque et la ville de Figueres. Un rôle de trait d’union qui se voit bouleversé avec la signature du Traité des Pyrénées en 1659. Si dans un premier temps, la tour de garde n’intéresse guère le nouvel occupant français, ce dernier s’apercevra avec sa prise par le vice-roi de Catalogne en 1674, qu’elle constitue un emplacement hautement stratégique. Mission est donc confiée aux ingénieurs militaires Saint Hilaire et Vauban d’y implanter une place-forte. En quelques décennies, le fort de Bellegarde s’impose sur l’horizon bleu des Albères. Une forteresse d’une emprise au sol de 14 hectares, se structurant autour de 8 000 m2 de bâtiments, capables de protéger 1 200 hommes. Trois redoutes complètent cet imposant dispositif défensif. Au pied de l’une d’elle, va émerger un nouveau village : Le Perthus. Entre guerre et paix, période napoléonienne et républicaine, cette ville de garnison se développe pour se tourner peu à peu vers le commerce. Une prospérité qui n’entache en rien la beauté de cette vallée du Vallespir. Le cinéma va s’en emparer pour la révéler au monde.

perthus4Le Perthus en starlette

Inscrit irrémédiablement dans le patrimoine catalan, le Fort de Bellegarde attire dès les années cinquante producteurs et réalisateurs en manque de sites d’exception. Sous les projecteurs et les caméras, le Perthus se fait rapidement immense décor de cinéma. Louis S. Licot vient y tourner des scènes de son film « Le chemin de la drogue » (1951). Jean-Jacques Vierne lui emboîte le pas pour « La fête espagnole » (1961). Toutefois, la consécration vient avec le tournage de « La Scoumoune » en 1972. Jean-Paul Belmondo, Gérard Depardieu et Claudia Cardinale assiègent de leur talent le Fort de Bellegarde. L’année suivante, ce sont Hardy Kruger et Francis Blanche qui pour « Le Solitaire » prennent le relais, avant que ne débarque Charles Bronson pour « L’évadé » (1975). La carrière cinématographique du Perthus est lancée. Enfin et tout récemment, Vincent Cassel et Sergi López se retrouvent au Fort de Bellegarde pour tourner, en 2010, « Le Moine ».

Une adresse qui compte

Si la beauté du Perthus, construite au fil des millénaires, semble passer inaperçue pour les badauds du centre-ville, elle impressionne toujours autant la pellicule. Le jour où le Perthus « déclarera » dans son palmarès, une Palme d’Or à Cannes, les touristes se rendront enfin compte que leurs vacances peuvent se transformer, en un clin d’œil, en une superproduction à grand spectacle… Mais seulement, pour qui sait voir ! D’ailleurs, tout bon observateur peut aisément constater une évolution de la vie perthusienne. Face à la croissance, qui semble sans fin, de La Jonquera avec l’ouverture récente d’un méga Outlet de près de 12 000 m2 et visant à contenter plus d’un million de clients par an, Le Perthus se recentre et adapte son identité commerçante. Le Perpignanais, Paul Bonet, nouvellement propriétaire de l’historique restaurant « Casa Sixto », a fait ce constat avant de s’installer au cœur du village. « Grandes surfaces et buffets libres se concentrent à la Jonquera. Le Perthus récupère progressivement son identité de petit village de commerces. Désormais, les gens y viennent flâner, y passer un moment ou y acheter différemment et surtout prendre le temps d’un bon restaurant ». En effet, la mutation opère et les marques internationales comme Timberland ou barcelonaises à l’instar de Mango, Desigual, Custo ou encore la grande enseigne de parfums, Julià, s’installent aux côtés d’institutions historiques du commerce perthusien tels que le grand magasin La Tramuntana ou encore la bijouterie Casa Pous. Entre grandes marques, stars du cinéma en tournage et un patrimoine revalorisé la ville du Perthus se refait une beauté pour devenir une adresse qui compte !

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