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LES MONTAGNES DE PRADES, LA VILLE ROUGE

01 Avr LES MONTAGNES DE PRADES, LA VILLE ROUGE

Longtemps, dans cette frange de Catalogne Nouvelle dont les vallées portent la mémoire des luttes entre Maures et princes chrétiens, la petite ville fut âprement disputée avant de se soumettre aux forces de la croix au début du XIIe siècle. Ce furent donc les Arabes, maîtres de la péninsule et préoccupés par l’avancée, au nord, des comtes catalans et des forces de la Reconquête, qui firent bâtir et fortifier son château en 1090. Il n’en reste pas grand-chose aujourd’hui si ce n’est l’église castrale rajoutée ultérieurement, car ses rares pans de ruines se trouvent littéralement imbriqués dans les maisons actuelles.

Le tourisme : une cure de jouvence

Cette forteresse fut pourtant le verrou militaire du massif et le fief des Comtes de Prades avant que le château de Falset ne prenne le relais. Les remparts subsistants, amorcés dans l’ossature décharnée de l’ancienne église du château sous la forme d’une porte en ogive, dite la « fausse porte » sont de toute beauté et laissent deviner l’ampleur de l’ensemble original. Dès que l’on se faufile dans la ville, on longe l’église paroissiale de style gothique, enrichie de quelques ornementations renaissantes qui conserve un joli fronton baroque à double colonnade. Sur son parvis, pavé de pierre rose s’élève une fontaine devenue emblématique de Prades, si caractéristique qu’elle a été reproduite au Poble Espanyol de Barcelone ! Ce chef-d’œuvre renaissant remonte au XVe ou au XVIe siècle. Il s’agit d’un grand bassin de pierre circulaire sur lequel trône, posé sur un piédestal, un énorme globe terrestre sculpté dans le roc, l’hémisphère nord étant figuré par un quadrillage en relief et l’équateur par un cerclage multiple. L’eau jaillit d’un robinet de bronze à chaque point cardinal, comme si Prades se considérait comme le centre d’un monde. « Le tourisme a redonné une deuxième jeunesse à Prades. Le week-end, c’est toujours plein de monde. Des jeunes sont venus pour faire de l’élevage bio, d’autres ont des petites entreprises de loisirs et d’aventure, tout a changé » raconte Montserrat, venue remplir un seau avant de laver sa terrasse de restaurant. La place centrale, un certain nombre de rues, des placettes plus petites, sont bordées d’ogives basses et de couverts qui confèrent au paysage urbain un caractère nettement médiéval, dessinant des espaces de convivialité où se sont établis petits commerces et terrasses de café. Des porches en plein cintre, des impostes de marbre, des bordures de fenêtres en pierres de taille cassent la physionomie monotone des maisons et des venelles étroites pavées de jolies calades ou de pierres massives et régulières.

Un site privilégié

Il n’est pas rare qu’un jardin déborde et envoie ses fleurs et ses branches à l’assaut de l’espace public, de l’autre côté de sa clôture. Se promener dans Prades est un enchantement. À l’entrée du village, une croix indique les limites du territoire communal, et aussi celles des processions traditionnelles. Prades est très prisé des estivants car son altitude lui confère un climat presque atlantique fort agréable quand la côte tarragonaise s’enfonce dans les torpeurs de l’été. Elle multiplie alors sa population par cinq ou six ! « On a une double clientèle : les anciens qui viennent pour des raisons climatiques depuis des années, et les nouvelles générations qui aiment les sports de montagne » nous explique Montserrat. « D’ailleurs, Miró venait ici, il a peint plusieurs paysages de Prades ». Rien de cette foule au printemps, mais la ville est très vivante pendant le week-end, avec ses gîtes ruraux, ses petits hôtels et ses restaurants. Randonneurs, fans d’escalade, photographes et citadins en quête de naturel et de tranquillité se mêlent à une population montagnarde accueillante et chaleureuse. Gilles, fou d’escalade, fait le trajet depuis Toulouse au moins une fois par mois « d’abord les sites sont uniques, et en plus les gens sont vraiment sympas, j’adore ». Une destination idéale pour tous ceux qui privilégient l’authenticité. Tout autour, la montagne creuse son flanc pour accueillir quelques rares prairies qui ont donné son nom au village, du temps où l’on vivait ici de l’élevage, de la vente du bois coupé dans les forêts avoisinantes et du tissage des draps, favorisé par l’existence des nombreux cours d’eaux. Dans le parc de la Font del Grau, toute proche, l’eau jaillit d’un menhir, comme pour signer l’alliance des forces de ces montagnes et de tous les individus qui les ont peuplées au fil des millénaires.

Reine Marguerite

à quelques centaines de mètres du village, sur une falaise située à plus de 1 000 m d’altitude, une grotte a longtemps abrité des ermites avant que ne soit construite la petite chapelle de l’Abellera en 1570. La vierge en albâtre polychrome, détruite pendant la guerre d’Espagne, est une réplique d’après photo. Il semble que le lieu ait déjà été choisi par nos plus lointains ancêtres pour des cultes païens préexistant au christianisme, comme c’est si souvent le cas en Catalogne. La vue sur la vallée du Brugent est grandiose. Selon la légende, c’est ici que se serait retirée la reine Marguerite de Prades à la mort de son époux, le roi Martin l’Humain. De l’autre côté, au-dessus du village s’élève le pic de la Baltasana, le point le plus haut du massif, à 1 200 m. Il faut dire que la quasi-totalité de la commune est classée Natura 2000 et jouxte à la fois le parc naturel du Montsant et la vallée du monastère de Poblet, offrant de multiples possibilités de promenades. Le chemin de Saint Jacques menant à Poblet passe aussi par Prades qui fait ainsi office de repère et d’escale dans cette immensité de collines dont elle reste le centre incontesté. Il n’est donc pas rare de croiser des pèlerins munis de leur bâton. Si vous aimez les arbres, n’oubliez pas d’aller admirer, en vous promenant le plus tranquillement du monde, le monumental poirier sauvage (Pyrus Spinosa) de 12 m de haut et 3,17 m de diamètre et ou encore de parcourir un tronçon de la route du chêne rouvre pyrénéen, qui, en Catalogne, ne pousse qu’ici. Enfin, pour parfaire votre compréhension des montagnes de Prades, rien ne vaut une petite visite au Centre d’Interprétation de l’Art Rupestre, qui allie simplicité et efficacité dans la transmission de l’information et constitue un panorama passionnant de la vie de ses paysages, de leur naissance géologique à celle de nos ancêtres pendant des millénaires. Il vous restera à vous asseoir sur la place devant un vermouth bien mérité. Est-ce le reflet un peu magique des pierres qui rougeoient ou la beauté du cercle de montagnes ? Soyez certains que Prades se fera une jolie place dans vos souvenirs.

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