01 Déc Palafrugell, Terre de mer !
Palafrugell est une fleur au pistil urbain et affairé, dont les pétales s’étendent pour moitié vers la mer, pour moitié vers la terre. La ville regroupe en réalité deux autres villages intérieurs, Llofriu et Ermedàs ainsi que trois villages côtiers, Llafranc, Calella et Tamariu. Cette palette de paysages, de saveurs et de lumières incomparable fut la patrie du grand écrivain, Josep Pla, et raconte, à l’ombre des Gavarres, une belle histoire de liège et de mer.
La ville, imposante et étendue, laisse le soin de raconter son histoire à la coexistence de corons ensoleillés et pimpants composés de petites maisons ouvrières chaulées et de belles demeures cossues aux grands volumes, alternant décorations modernistes et structures noucentistes. L’histoire d’une élite d’industriels issus de générations de petits artisans, laborieux, entièrement dévolus à la récolte et la transformation du liège. Avant le grand incendie survenu dans les années trente, des suberaies peuplaient les pentes douces des montagnes des Gavarres et les usines de bouchons locales employaient plusieurs milliers de travailleurs. La terrible crise de 1929 puis la guerre d’Espagne ont eu peu à peu raison de cette industrie. D’ailleurs, à l’entrée du village, une grande sculpture, s’élève, composée de quatre colonnes en forme de chaîne dont les maillons dessinent le mot « suro », liège en catalan, en hommage à ce glorieux passé. Le centre-ville est émaillé de places prises d’assaut par les terrasses de café et de restaurants, tandis que trois marchés locaux rendent justice à la production de ces terres fertiles et maraîchères, autant qu’au travail patient des pêcheurs représenté par des stands ruisselants aux effluves d’iode. Palafrugell parie sur le travail et ça se voit ! Les nombreuses boutiques, quelques 300 commerces, confirment l’impression de fourmilière prospère et conviviale que donne la population, à la fois active et jeune. Au fil de vos déambulations, n’hésitez pas à visiter l’ancien château d’eau Can Mario, la Vila Casas, musée de la sculpture contemporaine, une véritable forêt de 220 œuvres d’art, ou encore le fabuleux musée du liège installé dans une ancienne usine moderniste, deux musts culturels de la ville, entre la bonne dizaine de joyaux patrimoniaux qu’elle compte. Côté terre, Palafrugell est flanqué de deux miniatures rurales au charme fou, deux petits hameaux qui semblent tout droit sortis d’un décor de « pessebre » (crèche) tant le temps parait s’y être arrêté et tant ils respirent la sérénité. D’abord, le petit noyau médiéval de Llofriu avec sa petite église Sant Fruitós et son joli cimetière où repose le grand journaliste et écrivain Josep Pla. Le beau mas familial dans lequel il s’est éteint trône encore à proximité.
Les chemins de la mer
Le village est entouré de terres agricoles où paît le bétail et de champs cultivés qui tapissent le pied du massif des Gavarres. Tracteurs bourdonnants, agriculteurs au travail et chiens de berger y tracent d’immémoriales chorégraphies. Le hameau d’Ermedàs, à l’autre bout de la ville, est une oasis champêtre formée de mas et de granges, surveillée par une vieille tour de défense circulaire qui contemple le chemin vers la mer. à perte de vue, des allées et des petites routes serpentent et offrent aux cyclistes 20 km de bonheur sur une belle voie verte. Les montagnes aux formes rondes, féminines, qualifiées par Josep Pla d’éléphantesques, se laissent traverser par un réseau serré de sentiers dont la plupart débouchent sur des points de vue saisissants sur la côte et la plaine, qui sont autant de combats entre le bleu du ciel et celui des flots, à arbitrer de tous vos yeux. Dix tours de guet hérissent la ligne de côte, vestige de la lutte acharnée des habitants contre les razzias barbaresques ! Côté mer, Palafrugell se décline en trois magnifiques petits villages encerclés de criques profondes, et reliés par 10 km d’un chemin de ronde fabuleux. Pas moins de dix-huit baies et quatorze plages vous attendent, agrémentées de onze miradors qui sont autant de points d’éblouissement. Nous sommes au milieu de la Costa Brava, exactement : son caractère sauvage reste entier. Certaines criques ne sont accessibles que par mer, et on y trouve encore les cabanes où les pêcheurs rangeaient leurs filets comme à Aigua Xelida. Une jolie façon d’entrer dans la légende de ce monde à part qui ressemble à un archipel. Commencez donc par Llafranc, c’est un enchantement. Imaginez une toute petite crique encadrée de falaises, illuminée par des maisons toutes blanches, et un port de plaisance ultra-chic, prisé des people et des artistes. Une silhouette blanche au clocher rectangulaire et à la façade impeccablement chaulée se détache, c’est l’église moderne Sainte Rose de Lima, qui donne effectivement un petit air latino à l’ensemble en soulignant son côté sud profond. La population est cosmopolite et huppée, comme les nombreuses boutiques. Tout respire une dolce vita infinie, qui donne envie de lézarder au rythme des vagues. Elles viennent fidèlement lécher les 350 m de la longue grève de sable fin. Une route sinueuse et boisée monte à l’assaut du phare de Sant Sebastià, à l’extrémité du cap éponyme. Transformé en hôtel restaurant, il surplombe une falaise à 170 mètres d’altitude dans un coin mouvementé de la Costa Brava dont la mer est le véritable protagoniste, avec un fabuleux panorama depuis la terrasse-mirador. Cet hôtel si spectaculaire prend son nom du proche phare de Llafranc et de l’ermitage de Sant Sebastià datant du XVIIIe siècle. Un peu plus loin, Tamariu se révèle une perle absolue, blottie dans les pins et les tamaris, qui décline tout un chapelet de criques précieuses aux noms évocateurs à partir de sa plage douce. Cette plage enchantée, entourée de belles criques échancrées et escarpées est accessible depuis le chemin de ronde par des escaliers taillés dans la roche. Elle doit son nom aux tamariniers qui bordent sa rivière. Sur la plage des lliris (Lys), une cabane-refuge datant de 1872, rappelle les rigueurs de la vie des pêcheurs au siècle dernier. Une petite excursion entre les pins, et vous voilà devant la Font d’en Cruanyes, une fontaine dont l’eau, mise en bouteille sur place, a désaltéré les habitants de Palafrugell et de ses environs pendant des décennies. Pourtant le visage le plus connu, le plus iconique, de Palafrugell, la carte postale absolue, c’est Calella, immortalisée par l’havanera « el meu avi » (mon grand père), écrite en 1968 par Josep Lluis Ortega, qui rend hommage au navire « El Català » coulé en 1898 pendant la guerre de Cuba et dont tout l’équipage était de Calella de Palafrugell. Effectivement, le spectacle des maisons blanches au ventre creux posé sur les galets, prêt à accueillir les barques à la rentrée de la pêche, impeccablement alignées en fond de crique, coupe littéralement le souffle et a inspiré d’innombrables peintres.
Jardins Cap Roig
Chose plus rare, les constructions ultérieures respectent ce style unique et multiplient les arcades au bord des rochers, comme si le village tou tout entier était ourlé de festons blancs brodés sur les échancrures noires des grands rochers qui délimitent la baie. Cette bichromie s’éclabousse du fuchsia des lauriers-roses qui coulent en cascades irisées le long des pentes menant à la mer. Le petit port, Port-Bo, accueille tous les ans une nuit entière d’havaneres avec les plus grands ensembles du pays. Une myriade de bateaux de toutes tailles orne la mer. La côte, tout autour, se déchire en petites anses serrées qui mènent à Cap Roig et ses incroyables jardins botaniques. Si Cap Roig est aujourd’hui surtout connu pour son festival d’été et les stars planétaires qui le fréquentent, son trésor est ailleurs : dans les roches aux reflets rouges de ses calanques bien sûr, mais aussi dans son fabuleux jardin botanique. En 1927, un couple de riches réfugiés russes blancs choisit de s’installer en Catalogne. Passionnés de jardinage et de botanique, les Woevodski créent de grandes terrasses en paliers qui abritent la plupart des essences méditerranéennes. Aujourd’hui, propriété de la fondation « La Caixa », ces jardins se visitent. Ils sont un véritable enchantement pour les yeux et un havre de paix qui ne manquera pas de séduire petits et grands. Tous ces petits villages côtiers sont devenus des destinations touristiques particulièrement prisées. La douceur des hivers permet de profiter de longues promenades sur les plages dans la douceur du soleil apaisé qui nimbe d’or la beauté des paysages, l’occasion aussi de célébrer le Carrousel de la Costa Brava (le carnaval de Palafrugell, qui changea de nom pour cause de censure franquiste, le carnaval étant alors interdit) ou encore la campagne gastronomique dédiée entre janvier et mars à l’oursin, la Garoinada. Et sinon, bien sûr, le suquet et le riz noir combleront vos papilles… Vous l’aurez compris, Palafrugell offre six destinations en une, justement partagées entre terre et mer, et surtout une foule de ces expériences qui font aimer la vie. Sur le tapis vert et bleu, c’est le six qui s’affiche.
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