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PUIGCERDÀ

05 Déc PUIGCERDÀ

Dès que la montagne dévale des hauts de Saillagouse vers la belle plaine cerdane cerclée de part et d’autre de montagnes bleues, on la devine à l’horizon, attentive, postée depuis des siècles pour protéger cette haute terre, attendant de pied ferme les eaux en marche du Segre et du Carol. Il faut le dire, Puigcerdà en impose !

puigcerda2Une vraie ville

Si vous êtes de ceux qui aiment adosser les sports d’hiver à des activités culturelles ou ludiques, et quitter le soir venu, le tourbillon des stations, Puigcerdà est faite pour vous ! Avec son centre ancien, son lac, ses marchés, son petit peuple vibrant d’énergie et d’activités, et la gamme très étendue de ses services, elle a tout d’une ville. D’ailleurs, bien que la frontière soit censée séparer la Haute-Cerdagne (française) de la Basse-Cerdagne (espagnole), Puigcerdà est bel et bien la capitale partagée de ce haut plateau catalan !

Aprement disputée

Ce ne fut pourtant pas toujours le cas. Dans un premier temps, cet honneur échut à Hix (Bourg Madame), jusqu’à ce qu’en 1178, le roi Alphonse II ne rachète des terres aux moines de l’abbaye de Cuixà pour bâtir une place forte. Puigcerdà était née et appelée à devenir la principale cité de ces hautes terres. A la fin du XIIIe siècle, pendant l’éphémère Royaume de Majorque, de grands incendies ravagèrent les forêts. Le roi Sanç de Majorque décida alors d’aménager un lac pour lutter contre le feu et irriguer les parcelles, donnant ainsi à Puigcerdà sa physionomie unique.

Soumise à rude épreuve

Pour autant, Puigcerdà n’en avait pas fini avec les rigueurs d’une nature peu clémente à son égard ! Elle fut partiellement détruite par le terrible tremblement de terre de 1428 qui ravagea la Garrotxa et les comarques voisines. Elle n’en avait pas fini avec l’histoire non plus, qui en fit, eu égard à sa situation frontalière, un enjeu majeur de la guerre de succession d’Espagne. Cocasserie de cette même histoire, elle fut sous Napoléon Bonaparte l’éphémère préfecture du département du Sègre ! Enfin, elle fut plus tristement un haut lieu des exactions républicaines et franquistes pendant la guerre d’Espagne avec une confrontation particulièrement sanglante entre anarchistes et nationalistes !

Sous le signe de Cuixà

Témoin de ce passé agité, l’église paroissiale, restée l’emblème absolu de Puigcerdà, n’a cessé de subir le rebond de ces séismes naturels et historiques. Détruite en 1936, il n’en subsiste que la tour du XIIe siècle qui trône sur la grande place, adossée au couvent de Sant Domènec, ancien rival du monastère de Cuixà. Il ne reste plus guère de ce dernier que l’église à nef unique, et dans une chapelle latérale, une fresque gothique représentant l’arbre de la vie. La galerie du cloître, récemment restaurée, donne une idée de la splendeur originelle de l’édifice aujourd’hui mi-bibliothèque, mi-maison de retraite.

Camaïeu de gris

L’architecture de Puigcerdà est un véritable camaïeu de gris, organisé autour d’une série de places et de placettes, coincées entre l’église et les eaux écumantes du Segre en contrebas. La place de la mairie, initialement gothique, reconstruite dans les années 60, surmonte une salle voûtée datant de 1760, probablement destinée à traverser les remparts en toute discrétion. A côté de l’ascenseur panoramique, notez le beau lavoir de pierre grise, témoin du rude quotidien cerdan avant que la fée électricité ne le révolutionne.

puigcerda3Villégiature prisée

Les rues étroites, joliment pavées, sont bordées de belles maisons cossues, qui racontent encore leur mémoire paysanne, celle d’un temps où le rez-de-chaussée abritait souvent l’étable. Il faut aller au bord de l’étang, sur les hauteurs de la ville, pour voir des villas opulentes aux riches jardins, construites au début du siècle, avant la guerre d’Espagne. Ces imposantes bâtisses tantôt noucentistes, tantôt modernistes parlent de vacances et d’oisiveté, et se nichent dans des jardins exubérants.

Faussement oisive

Attention toutefois, l’impression de farniente est trompeuse, elle ne correspond guère qu’aux nombreux propriétaires de résidences secondaires, souvent barcelonais, venus chercher la sérénité tranquille du paysage. En fait, Puigcerdà est commerçante jusqu’au bout des espadrilles ! Tous les dimanches, son marché, énorme, qui tient à la fois des comices et des bazars orientaux, occupe la Plaça Major aux beaux couverts de granit. Il attire une foule transfrontalière et refait du gros bourg le poumon économique de toute la Cerdagne.

Noble et climatique

Au début de la rue Font d’En Llanes, l’ancien hôtel Europa accueillait au début du siècle dernier, la jet-set en mal de climat vivifiant, comme l’immense architecte Gaudí ou l’infante Isabel, princesse des Espagnes, conférant ainsi à Puigcerdà un statut de station climatique envié. Dans la rue Querol, ne manquez pas la maison Can Deulefeu de style gothique. Sur la place Cabrinetty toujours, on admire la maison des Cadell dont la façade est sculptée d’une croix de Sant Jordi. Et aussi le manoir des Descatllar qui a successivement abrité le cercle agricole, un cinéma, et même une coopérative ! A Puigcerdà l’histoire se lit à fleur de pierre.

Le commerce est roi

Les boutiques aux devantures surgies du passé, ornementées d’émaux, de vitraux, de comptoirs anciens disputent le devant du trottoir à des enseignes franchisées. Même chose pour les restaurants : de vénérables maisons cerdanes cohabitent avec des lounges dernier cri et des fast-foods. Entre nostalgie et modernité, Puigcerdà ne claudique pas, au contraire ! L’hiver, elle est devenue le contrepoint nécessaire aux stations toutes proches, au nord comme au sud, et joue à merveille son double rôle de destination urbaine et catalane, loin des ambiances internationales des sports d’hiver.

Le jardin du lac

Autour du lac, dans le lac même, s’étend le parc Schierbeck, du nom de l’ancien consul de Danemark à Barcelone, à qui l’on doit le dessin gracieux des allées. C’est un havre de paix. Même en ces températures hivernales, les bancs ensoleillés sont propices à la lecture et à la méditation et le tour du lac, dont la surface gelée capte les irisations rosées du soleil, reste une promenade prisée des habitants et des visiteurs comme l’atteste l’animation de la rue Pons i Gasch qui le relie au centre-ville.

Un casino-théâtre

Construit à la fin du XIXe siècle, puis reconstruit en 1906, suite à un incendie, le Casino Cereta est un des bâtiments les plus distinctifs de Puigcerdà. Il s’agit de deux grands blocs séparés par une gloriette, respectivement le théâtre, et le casino avec ses bars, sa salle de billard, sa bibliothèque. Cette partie abrite aujourd’hui des expositions. Ne manquez pas les plafonds à moulures et le lustre monumental du salon octogonal. Le rideau original du théâtre, sauvé des flammes, est conservé au Musée cerdan. On le doit au même atelier pictural que celui du Liceu. La façade ornementale présente des masques et des visages de la Commedia dell Arte.

puigcerda4Tout sur la Cerdagne

Le musée Cerdan, situé dans l’ancien couvent des Carmélites vous apprendra tout de la Cerdagne et de son histoire par le biais de collections très variées qui vont des fossiles à la préhistoire, des Romains à la mémoire juive, des fonds ethnologiques aux collections d’art plastique. Tant que vous y êtes, poussez jusqu’à la Plaça dels Herois où se trouvait autrefois l’ancien cimetière de la ville, et où s’élève aujourd’hui une stèle dédiée aux morts des guerres carlines.

Mettez vos pas dans ceux de la ville

Pour vous guider dans la ville, des pas sont dessinés sur le sol et mènent d’un lieu à l’autre. Dans le centre historique, ces pas sont jaunes, et à l’extérieur de celui-ci, orange. Madrée comme un paysan cerdan, la municipalité a trouvé un pictogramme à la fois parlant et international… Laissez-vous donc mener jusqu’à la gare, épicentre, avec sa jumelle de Latour-de-Carol, de la ligne transpyrénéenne Barcelone-Toulouse. L’air de rien, elle a largement contribué à désenclaver Puigcerdà et à l’ouvrir notamment vers les hautes vallées ariégeoises.

Un centre économique

L’agriculture et l’élevage sont toujours présents à Puigcerdà. Jusqu’à une époque récente la ville possédait même la centrale laitière de Cerdagne. Si les industries traditionnelles, notamment textiles ou liées à la mégisserie, ont fortement régressé, la ville s’est offert à la fin du XXe siècle un polygone industriel implanté près de la gare, histoire de bien marquer sa confiance en l’avenir et sa volonté de prendre en main son développement et son destin. La construction de l’hôpital transfrontalier, unique en Europe, illustre pleinement ce sens de l’avant-garde.

Perchée sur sa butte, Puigcerdà ne se contente pas de veiller sur les hauts plateaux de sa belle Cerdagne : vigie autant que sentinelle, elle guette depuis près d’un millénaire les vents du progrès et de l’avenir.

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