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Rencontre avec David Alquezar Claramunt

02 Fév Rencontre avec David Alquezar Claramunt

David Alquezar Claramunt est premier vice-président du Consell Comarcal de l’Anoia, en charge de l’économie et du tourisme. Il nous raconte la naissance de la destination « Anoia, Terra de Castells », qui propose en trois routes thématiques, la découverte du patrimoine médiéval de la comarca (région).

Cap Catalogne : Bonjour David, l’Anoia présente désormais, sous l’appellation ombrelle « Terra de Castells » (terre de châteaux) trois routes thématiques qui fédèrent municipalités, offices de tourisme, professionnels de l’hôtellerie et de la restauration, commerçants, artistes… Comment est née cette initiative ?

David Alquezar Claramunt : Nous nous sommes rendu compte que l’Anoia se limitait souvent, pour les gens, à son passé industriel, notamment les peausseries, les tanneries et le papier qui ont fait le rayonnement d’Igualada et qui jusqu’à présent étaient dominants dans l’argumentaire touristique. Nous avons fait le constat du caractère limitatif de cet état de fait et nous avons réfléchi à d’autres ouvertures sur la réalité de notre comarca. Or, il n’y a chez nous pratiquement pas de village qui n’ait un château, une tour de guet, une tour de défense ou des fortifications, généralement construites entre le Xe et le XIe siècle. Nous sommes une terre de marche, une frontière entre la vieille Catalogne et la Catalogne nouvelle, reconquise sur les Maures. Alors, en 2013 nous avons décidé de diligenter un inventaire de ce patrimoine et nous avons recensé 45 sites. Après avoir étudié leur accessibilité et leur intérêt historique et touristique, nous en avons retenu 25. C’était la première étape.

CC : Ensuite, il a fallu trouver du contenu…

DAC : Oui, nous avons publié des livres sur les tours et les châteaux, et nous avons choisi trois personnages clés de l’histoire de la Catalogne qui ont un lien particulier avec notre comarca, trois grands comtes-rois. Le fondateur, bien, sûr, Guifred le Velu, puis le plus grand, Jaume Ier et enfin Pere le Cérémonieux. Chacun d’entre eux croise des personnages qui, tous, correspondent à un château ou à un autre élément patrimonial. Par exemple, Ermessende de Carcassonne est liée à Igualada, Géraut de Jorba à son château… En suivant l’histoire de notre petit territoire, incorporé très tôt aux comtés de Guifré, mais resté incertain pendant plus de 150 ans, on découvre tout son patrimoine historique et architectural. Évidemment, les trois routes font l’objet d’une application sur smartphone et iphone et d’une signalétique particulière. Et bien sûr, les personnages choisis n’ont pas toujours agi au sein de l’Anoia, on peut découvrir des Almogavares qui ont participé à la conquête de la Grèce !

CC : Ces routes ont un nom ?

DAC : Oui : « L’héritage de Guifred le Velu » (840- 897), « À l’ombre du roi Jaume Ier »  (1267-1327), et « Au service de Pere le Cérémonieux » (1319-1387). On passe de l’époque troublée de la naissance de la nation catalane à partir du comté de Cerdagne, aux périodes gothiques conquérantes et prospères, quand la Catalogne était une thalassocratie méditerranéenne puissante. On voit comment nos châteaux passent d’un rôle militaire de défense et de guet, à un rôle plus administratif de résidence des seigneurs et hobereaux. Et tout ça, sur un mode ludique, en alliant plaisir de la promenade et visite didactique.

CC : Je suppose que les municipalités participent ?

DAC : Oui, nous organisons des réunions, des tours de table pour que tout un chacun fournisse du contenu, fasse des suggestions, améliore l’offre. C’est un pari collectif, qui concerne le développement touristique de toutes nos villes et nos villages. Tout le monde, à son niveau, s’est investi pour créer un discours, un story-telling, sur-mesure, intelligible et attrayant pour un public intergénérationnel et familial. C’est un concept en mouvement, on peut rajouter des informations, rajouter à terme des lieux, c’est une façon dynamique de se réapproprier notre propre histoire et pour le Conseil Comarcal, cette quête de cohérence territoriale est primordiale.

CC : Financièrement, les frais sont supportés par qui ?

DAC : Évidemment les villes apportent leur contribution, mais la plus grande part revient au Consell Comarcal soutenu par la Diputació de Barcelona. Encore une fois, il s’agit d’un enjeu collectif.

CC : Il y a des visites guidées ?

DAC : Oui, nous avons dû trouver une entreprise capable de discuter avec nous du contenu des visites, de s’adapter à nos attentes, de façon à souligner la cohérence de la démarche. Il était très important de ne pas avancer en ordre dispersé sous peine de diluer le propos et de lui enlever de la force. Nous avons choisi Anoia Patrimoni, une entreprise locale. Cinq châteaux sont déjà concernés par ces visites et quatre autres sites intégreront bientôt ce réseau.

CC : Ces visites sont prévues en plusieurs langues ?

DAC : Bien sûr, elles existent, outre le catalan, en castillan, en français et en anglais.

CC : Évidemment, visiter un château ou une tour, cela signifie aussi faire travailler les structures hôtelières et de restauration…

DAC : Oui, bien sûr. Quand on vient visiter un site, on mange sur place, on en profite pour voir d’autres sites, et souvent on dort aussi à proximité. à ce niveau, dans l’Anoia, l’offre est globale. Nous avons des hôtels et des zones de camping, mais nous excellons vraiment dans le tourisme rural, notamment dans l’Alta Segarra, au nord de la comarca. C’est un mode d’hébergement qui plaît beaucoup au public familial et citadin et qui se prête particulièrement aux courts séjours de week-end.

CC : Justement, d’où viennent les touristes ?

DAC : Quand on regarde une carte, on voit que la première zone rurale au nord de Barcelone est l’Anoia. Avec la crise, les gens se sont rendu compte qu’ils n’ont pas besoin de s’éloigner beaucoup pour vivre des expériences enrichissantes. Ils préfèrent multiplier les courts séjours, prolonger une visite avec un excellent repas, bref, nous sommes très tendance ! D’autant que ce type de tourisme est opérant quasiment toute l’année. Un tourisme de proximité, c’est d’abord un tourisme qui surfe sur le bouche à oreille, c’est la meilleure communication qui soit. À cet égard, nous notons une progression constante de la clientèle venue de l’agglomération barcelonaise.

CC : Mais vous avez aussi des étrangers ?

DAC : Oui, pas mal de visiteurs viennent d’autres points de Catalogne ou du reste de l’état espagnol, et nous avons aussi une grosse clientèle européenne qui aime la nature, la randonnée, le VTT, et profite de notre proximité naturelle avec Barcelone. Évidemment, nos routes permettent aussi de découvrir les richesses naturelles de l’Anoia, la beauté de ses paysages, sa ruralité tranquille. En fait, nous voulons réussir à allier durablement tourisme vert, tourisme culturel, tourisme sportif et tourisme familial, bref, rendre l’Anoia désirable, tout en assurant des retombées à un maximum d’acteurs économiques.

CC : La durée des séjours est également en hausse ?

DAC : Pour l’instant, nous parions sur une inter-saisonnalité basée sur les week-ends et les ponts, et c’est très prometteur parce que ça correspond aux nouveaux modes de consommation touristique nés de la crise et de la frilosité des gens à partir loin, certainement liée en partie au terrorisme. Mais bien sûr, l’été, les séjours sont plus longs et nous profitons à plein de l’essoufflement de l’héliotropisme. L’Anoia est avant tout un territoire authentique. Historique, rural, industriel, mais authentique avant tout. C’est ce qui séduit les gens, qui les retient et qui les pousse à revenir. Avec les routes de « Terra de Castells » nous donnons à la comarca la perspective historique qui lui manquait.           anoiaturisme.cat/terra-de-castells

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