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RETOUR AUX ORIGINES

30 Juil RETOUR AUX ORIGINES

La géologie singulière du Pallars Jussà en fait un véritable livre minéral, un mille-feuille qui nous montre sa tranche au gré des reliefs, capable de guider les scientifiques à rebours jusqu’aux origines.

Dès les années 60, des collectifs de géologues passionnés y ont entamé des travaux de recherche. Les compagnies pétrolières n’ont pas tardé à leur emboîter le pas, si bien que toute l’année, carottages et explorations du sous-sol se poursuivent. Le sous-sol est encore bien loin d’avoir livré tous ses secrets. Cet engouement soutenu a favorisé une prise de conscience globale du caractère exceptionnel de ce patrimoine géologique et a conduit la comarca et ses voisines (la Noguera, l’Alt Urgell et le Pallars Sobirà) à poser leur candidature au prestigieux label de Géoparc Mondial de l’Unesco.

Un ciel profond

Bingo ! Le Pallars Jussà est d’ailleurs la seule comarca dont la totalité du territoire a reçu la précieuse distinction. Le Géoparc Conca de Tremp-Montsec se divise donc en quatre grandes catégories : les lieux qui présentent une spécificité géologique, les vestiges paléontologiques, les ressources minières et enfin, les gisements archéologiques. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les pierres du Pallars Jussà ont des choses à dire ! Elles nous parlent de tumulte, de volcans, de soulèvements de montagnes et d’anciennes mers du crétacé, de dinosaures dont elles gardent les empreintes caractéristiques et les œufs fossilisés, d’hommes érigeant des dolmens et peignant sur les parois des grottes, de barrages énormes qui barrent depuis cent ans fleuves et rivières. Silencieux, strié d’itinéraires balisés qui permettent de le découvrir et de le décoder, ce monde est le trésor le plus précieux de la comarca. « En fait, le Géoparc est un outil de préservation et de développement économique local. Il garantit que les sites resteront intacts et permet de mettre en place des politiques de divulgation et de transmission pour les générations à venir. Grâce à ce dispositif, les gens d’ici ont pris conscience de leur patrimoine naturel et de la plus-value touristique qu’il constitue à terme » explique Ramon, acteur touristique. Le Géoparc Conca de Tremp-Montsec est le second Géoparc catalan après celui de la Catalogne Centrale qui englobe notamment les magnifiques montagnes de Montserrat. Les excursions possibles sont innombrables que l’on aime l’archéologie, l’escalade, la spéléologie, ou la simple contemplation de paysages qui respirent l’éternité.

La chanson des eaux

Cette pureté originelle a un autre épicentre, la chaîne calcaire du Montsec, majestueuse et belle dans son aridité solitaire. C’est sur elle que la lumière des étoiles, la nuit venue, est la plus puissante. à cela deux explications, la qualité de l’air, extrêmement pur sur ce premier piémont pyrénéen, et l’absence totale de pollution lumineuse, ce qui lui a valu d’être labellisée Parc astronomique, et de bénéficier du label Starlight, lié à l’Unesco. Un planétarium multimédia 3D numérique doté d’une coupole de 12 mètres de diamètre domine la montagne : c’est l’Ull del Montsec (l’œil du Montsec). Le jour, on peut y découvrir un film « We are stars » (nous sommes des étoiles), qui démontre que quasiment toute la matière qui nous entoure est née des étoiles. La nuit, la coupole s’ouvre et un animateur spécialisé fait découvrir au public les plus beaux objets célestes dans des conditions optimales de clarté et de précision. Un voyage extraordinaire dans le ciel haut. Charles vient régulièrement de Toulouse pour faire des observations « Je fais des études de physique et je souhaite me spécialiser en astronomie. Je n’ai jamais vu un ciel plus clair. Je suis venu suivre plusieurs éclipses ici, ce sont des moments que je n’oublierai jamais ». A l’apparente inertie du minéral, au silence bruissant du ciel répond la chanson des eaux. Le Montsec est littéralement coupé par la Noguera Ribagorçana qui y creuse les gorges de Mont-Rebei, si exceptionnelles qu’elles sont gérées comme un équipement culturel par la Fondation Catalunya La Pedrera. Les eaux sont partout.

Torrents et étangs marquent les paysages. Pendant des siècles, le transport fluvial sur la Noguera Palleresa, et notamment le bois descendu en radeaux jusqu’à Lleida ou même Tortosa par les fameux raiers, a rythmé la vie des vallées. à la fin du XIXe siècle, en pleine révolution industrielle, la nécessité de pourvoir en électricité la métropole de Barcelone en pleine expansion industrielle, a réveillé d’autres appétits nourris par la présence des torrents. La Centrale Hydroélectrique de Capdella, à la Vall Fosca, la petite Suisse du nord de la comarca, a été la toute première de l’Etat espagnol. « On ne peut pas comprendre les Pyrénées Catalanes sans évaluer la révolution qu’ont constituée les barrages. Ils ont signifié un afflux de travailleurs venus d’ailleurs, la naissance d’une culture ouvrière dans un monde jusque-là vraiment paysan. Ils ont modifié l’économie autant que les paysages et ils continuent puisqu’ils sont devenus un indubitable atout touristique. » explique Bepeta, l’ancienne institutrice du haut de ses quatre-vingts ans. Dans la foulée de celui de la Vall Fosca en effet, d’autres barrages ont été construits comme celui de Sant Antoni ou celui de Terradets, donnant naissance à des lacs énormes, longs de plusieurs kilomètres, que la présence dense de particules minérales en suspension pare de belles teintes turquoise. Les lacs ont puissamment modifié les paysages, englouti quelques villages et favorisé la naissance d’écosystèmes particuliers riches d’une flore dense de roseaux dressés, et d’une faune riche de truites, de loutres, de grenouilles. Certaines centrales comme celle de Talarn ou celle de Capdella, sont ouvertes au public et permettent une plongée passionnante dans les entrailles de la terre. Comme dans le seigneur des anneaux, le Pallars-Jussà offre ses trois mondes à la soif d’aventure des heureux visiteurs et au bonheur simple des gens qui ont la chance insigne d’y vivre.

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