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Terres de Mestral

30 Mar Terres de Mestral

Au sud de Tarragone, entre le Delta de l’Ebre et le Cap Salou, coincé contre la mer par la Serra de Llaberia, s’étend un pays étrange qui a pris le meilleur de la mer et de la montagne, et gardé de son histoire mouvementée un patrimoine somptueux. Les Terres de Mestral ont un sacré caractère !

Quatre villages se partagent cet espace enchanté qu’habitaient déjà les Ibères. Côté montagne, Pratdip, Tivissa et Vandellós, côté mer,   l’Hospitalet de l’Infant, ce  dernier formant avec Vandellós une seule et même commune. Le Mestral, version locale de la Tramontane qui arrive du couloir formé par la majestueuse vallée de l’Ebre, les unit dans la même caresse fraîche et douce depuis la nuit des temps.

Parfum des lauriers

à 270 m d’altitude, tout près de la mer, s‘élève le petit village médiéval de Vandellós dont le nom signifie « vallée des lauriers », entouré d’un relief de cavernes et de grottes, son bâtiment emblématique, Ca La Torre, est une tour du XVIe siècle qui abrite un centre d’interprétation sur l’histoire de la Commune et de ses alentours, bordés de magnifiques jardins. Tout autour, de grands mas et des hameaux, dont celui de Castelló, abandonné mais entretenu comme un décor de théâtre, et celui de Masbosquera qui abrite une belle tour de l’horloge. Un peu plus loin, le clocher de l’église romane de Masriudoms prend des airs de donjon défensif pour veiller sur les lavoirs d’une adorable petite place. Le tout est niché dans les pins et la garrigue. L’olivier, roi de ces paysages secs où l’accompagnent les amandiers, a donné naissance dans un ancien moulin, à un centre d’interprétation de l’huile, situé sur la route de Mòra d’Ebre, qui vous éclairera sur le mode de vie des paysans de la vallée. Ici, tout un système de bunkers et de tranchées, peu à peu colonisé par le thym et les genêts, balafre la montagne dans le secret des arbres.

Tous les visages de la mer

Il s’agit d’une ligne de défense de l’armée républicaine, censée repousser un débarquement des troupes franquistes à l’Hospitalet qui n’a finalement jamais eu lieu. Des fragrances iodées flottent dans la brise, accompagnant le chant des cigales. La mer est toute proche. Elle impose sa loi à la très jolie baie de l’Almadrava avec ses maisons chaulées et ses falaises rouges, creusées de petites grottes et d’anfractuosités aux belles couleurs de rouille où viennent s’engouffrer les flots avec un bruit de baiser. L’anse tire son nom d’un instrument de pêche réservé notamment au thon, familier de ces côtes. La mer lèche vers le nord de longues plages blondes et sableuses qui annoncent la jolie station de l’Hospitalet de l’Infant.

La mer en pente douce

Cosmopolite, suréquipée, la belle joue résolument la carte de la modernité. De grandes avenues égrènent des villas cossues aux murs blancs, entourées de jardins méditerranéens, souvent des résidences secondaires. Des hôtels, des campings étoilés, des boutiques chics et des restaurants proposent, à parts égales, cuisine locale et internationale, et assurent aux heureux estivants une vie de vacances et de rêve qui correspond aux plus hauts standards internationaux, sans pour autant se prendre au sérieux. L’Hospitalet ne s’est pas endormi sur les lauriers de Vandellós, elle a créé son propre style ! D’ailleurs, la ville possède un sublime élément patrimonial, un hôpital voulu par l’Infant Père, fils de Blanche d’Anjou et de Jaume II.

Simplement sublime

Il avait pour mission de soigner et accueillir les pèlerins en provenance du redoutable col de Balaguer, seul passage terrestre entre la Catalogne et le pays valencien pendant des siècles. L’hôpital est mentionné dans un parchemin conservé aux archives ducales de Medinaceli daté du 8 novembre 1344. La bâtisse est là, exemple admirable d’architecture civile gothique, malgré ses airs de forteresse. Magnifiquement restauré, le bâtiment est devenu l’une des attractions majeures de la ville qu’il relie symboliquement à son arrière-pays de montagnes et de cols et à laquelle il donne son nom. Les deux kilomètres de plages alanguies de l’Hospitalet se terminent au sud par des dunes vierges. La station est un paradis pour les amoureux du paddle, du kayak ou de la plongée, mais aussi pour tous ceux qui aiment les promenades en bord de mer. à l’embouchure du Llastres, une zone de lagunes, reliée par un pont de bois à la plage de Miami Platja, accueille un peuple bruissant d’oiseaux, de roseaux et d’ajoncs, tandis que la grotte del LLop Mari (du loup marin) s’ouvre à fleur de falaise pour avaler les plus téméraires.

Des montagnes spectaculaires

Ne ratez sous aucun prétexte la plage del Torn, résolument naturiste, encerclée de pinèdes et vierge de toute construction, l’une des plus photographiées de la Costa Daurada avec son îlot et sa tour de guet en ruines. Depuis la butte qui la domine, ornée des ruines d’une autre tour, un paysage vaste et beau s’offre au regard. L’Hospitalet de l’Infant distille une vraie douceur de vivre. Côté montagne, le paysage devient vite âpre et singulièrement beau avec ses mesetas de granit aux airs de grand canyon, ses gorges étroites, ses terrasses ourlées de murets de pierres sèches où l’on cultivait, il y a à peine cinquante ans, l’olivier ou la vigne vierge.

Terres Sportives

Voie terrestre vitale pour le commerce du poisson, malgré l’immensité hostile de ses falaises et de ses failles, la Serra de Llaberia a été de tout temps objet de lutte entre les seigneurs féodaux et les bandits de grand chemin, qui habitent son imaginaire et sa mythologie particulière. Striée de sentiers abrupts, elle constitue un espace de rêve pour les amoureux de la randonnée, de l’escalade – elle possède de nombreuses vias ferratas – et du VTT, et à ce titre, elle est un véritable royaume du tourisme actif et familial. Première étape, le village de Pratdip, surmonté de son château en ruines, aujourd’hui transformé en mirador, qui abrite le Centre d’interprétation de la Serra de la Llaberia, un lieu passionnant où vous découvrirez, avec la vie rude des gens d’ici au fil des siècles, de bien curieuses légendes qui flirtent avec le surnaturel. Un peu plus haut sur la route, l’ermitage Santa Marina est célèbre dans toute la Catalogne : c’est ici que les jeunes filles venaient prier pour trouver l’âme sœur, selon le vieil adage : « à Santa Marina, ves-hi fadrina, que si fadrina hi vas, casada en tornaràs » ! (à Santa Marina, vas-y célibataire, tu en reviendras mariée).

Immémoriale Tivissa

Haut lieu de sources vives, l’ermitage, restauré, garde le bâtiment qui faisait office d’hostellerie, celui qui abritait les trois jets de sa fontaine, et bien sûr l’église, dont le retable baroque, réputé sublime, fut détruit pendant la guerre d’Espagne. Il est aujourd’hui remplacé par une œuvre contemporaine. Le site comporte aussi les restes de thermes du début du XXe siècle, et une très belle fontaine, de l’autre côté de la route. Un havre de paix dans la beauté des montagnes.Plus haut, au col de Fatxes, on passe sur une autre montagne, la Serra de Fatxes, pour rejoindre Tivissa, un village ravissant, bâti sur un tertre autour de sa majestueuse église dont la façade néo-renaissante masque un intérieur totalement gothique, en fait l’ancienne église, enchâssée dans la nouvelle. Devant le fronton s’ouvre une vaste esplanade qui constitue un mirador de choix sur le paysage environnant. Les rues étroites étreignent fermement la colline de leurs maisons de pierre. Les muletiers étaient si essentiels dans ces zones reculées de l’intérieur des terres que les transports à dos d’équidé ont leur petit musée. D’autant que Tivissa n’a pas dit son dernier mot !

Depuis la nuit des temps

Une vallée peuplée depuis la nuit des temps, puisque sur la commune de Tivissa on trouve plusieurs sites paléolithiques et néolithiques inscrits au patrimoine de l’humanité par l’Unesco. Les Ibères ont également laissé leur marque au Castellet de Banyoles, l’un des plus importants peuplements de Catalogne, qui contrôlait – déjà – la route entre l’Ebre et la côte.

Parfait équilibre

Des vues sublimes sur le cirque de montagnes vous y attendent, les mêmes que contemplaient il a 2 500 ans, nos lointains ancêtres. Équilibre parfait entre la mer et la montagne, les villages des Terres de Mestral sont fédérés par le vent, par un fonds mythologique unique et partagé, mais aussi par un plat emblématique vraiment caractéristique, la clotxa, une sorte de pain bagnat local qui mélange produits de la mer et du potager. Ils rassemblent, dans un espace somme toute réduit, un patrimoine naturel, bâti et immatériel unique, qui saura vous donner mille dépaysements en quelques kilomètres et rendre les Terres de Mestral inoubliables.

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