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La Vall de Boí, merveille absolue

06 Déc La Vall de Boí, merveille absolue

Le long de la petite rivière qui ouvre la vallée de son joli sourire, huit petits noyaux de population accrochent leurs maisons de granit. Certains ne comptent pas plus de 9 habitants, le plus peuplé 200. C’est la vallée la plus excentrée de la très excentrée Ribagorça, presque une autre planète.

Pourtant, c’est une vallée presque aussi célèbre que la Vallée des Rois. Ici huit églises et un ermitage roman sont inscrits au patrimoine de l’Humanité de l’Unesco comme l’expression la plus puissante de l’art médiéval catalan. Grâce à l’isolement de ces très hautes terres nul bâtisseur n’a cru bon d’altérer la pureté d’une architecture très nettement inspirée du modèle lombard, qui subsiste donc dans son homogénéité et sa pureté originelles.

Temporel et spirituel

Toutes ces églises ont été bâties entre le XIe et le XIIe siècle et sont à elles seules porteuses du modèle féodal de double hiérarchie, seigneuriale et ecclésiastique, puisque d’une part, les églises permettaient au peuple (c’est-à-dire l’assemblée) de se réunir pour prendre ou entendre des discours politiques ou des sermons religieux, et d’autre part, servaient de refuge et d’asile, en fait de château fort en cas d’attaque du territoire. Les incroyables clochers lombards ne se contentaient pas de la beauté de leur svelte silhouette, ils avaient fonction de tour de guet et même de tour à signaux ce qui explique leur alignement dans l’espace. Presque toutes ces églises se caractérisent par des constructions somme toute modestes, et de proportions assez réduites, séparées de leur clocher qui est pensé comme une tour adjacente. Nombreuses sont celles qui conservent aussi des traces de polychromie sur leurs murs quand ce ne sont pas des fresques entières, miraculeusement préservées.

Un secret bien gardé

Afin de perpétuer ce miracle, la plupart ont été relevées pour être conservées au Museu Nacional de Catalunya, et remplacées par des copies ou des vidéo-projections. Sans la mode des randonnées apparue en Catalogne à la fin du XIXe siècle avec la floraison de « l’excursionisme », les mystères de la vallée n’auraient sans doute pas été dévoilés. Pourtant, depuis l’an 2000, date de leur classement, les églises sont devenues un véritable must touristique, d’autant qu’elles sont assez facilement accessibles par voie routière à partir du nord, c’est-à-dire du Val d’Aran ! La remarquable cohésion de l’ensemble se trouve renforcée par la variété contenue des architectures et des décorations intérieures.

Toujours en service

Le plus émouvant, c’est que la plupart de ces églises sont encore en service, et témoignent donc de façon directe de la foi des habitants, depuis plus de 1 000 ans. Ici bat le cœur de la vieille Catalogne. Dans l’église de l’Assomption de Cóll, on note un appareillage différent des autres églises avec des gros pavés ainsi qu’un clocher plus trapu. Les trois bassins de pierre, à savoir les fonts baptismaux, la cuvette de l’eau bénite et celle des saintes huiles sont frappés du christianisme. à Santa Eulalia d’Erill, le clocher lombard à 6 étages est vertigineux, tandis que les bâtiments qui composent l’église gardent quelque chose de la solidité tranquille des mas paysans des alentours. La sculpture d’ensemble représentant la Descente de Croix est un chef-d’œuvre. Taüll était le siège du pouvoir seigneurial, aussi le village s’était-il doté de deux églises également belles, Sant-Climent, au plan basilical brodé d’absidioles, entouré d’un sublime cimetière de poupée, et posé devant le cirque majestueux des montagnes, et aussi Santa Maria, plus grande et plus proche des maisons. Toutes deux furent consacrées à un jour d’intervalle.

Chefs-d’œuvre en nombre

Sant Climent possède encore trois statues très bien conservées mais c’est son christ Pantokrator qui fait sa célébrité mondiale, puisqu’il est devenu l’emblème absolu de l’art roman catalan et la pièce maîtresse des collections romanes du MNAC, les plus belles et les plus importantes du monde. Autre merveille, Santa Maria de Cardet présente deux particularités, un clocher mur, construit à l’époque baroque, et surtout une crypte creusée dans la montagne, car l’église est édifiée sur une très forte pente. à Sant Joan de Boí, quatre peintures murales de toute beauté sont encore conservées. Il s’agit d’une lapidation de Saint Etienne, de musiciens, d’un bestiaire et d’un estropié. à ne pas manquer, le portail de Sant Feliu de Barruera, qui illustre le passage du roman au gothique est de toute beauté.

Inoubliable

Enfin à Durro, deux bijoux vous attendent, l’église de la Nativité et l’ermitage de Sant Quirc de Durro situé à 1 500 m, à la fois minuscule et grandiose malgré quelques apports baroques. Pour tout comprendre sur cette efflorescence unique au monde, cap sur le Centre du Roman d’Erill la Vall. Il y a des visites dont on sort comme augmenté. La Vall de Boi est de ceux-là, elle grave au fond de la rétine et du cœur le geste auguste des clochers se hissant sur la pointe des pierres vers le ciel tout proche.

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