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LE XATIC : L’INDUSTRIE, C’EST PAS SORCIER !

29 Juil LE XATIC : L’INDUSTRIE, C’EST PAS SORCIER !

Quoi de plus passionnant que les activités humaines au fil des âges ? Pour tout savoir du passage de l’artisanat à l’industrie, de la recherche à ses applications concrètes, la Catalogne a un joker, le Xatic, un réseau de musées, entreprises ou centres d’interprétations, réparti sur l’ensemble du territoire. Ludique et passionnant.

Au XIXe siècle, la Catalogne est la seule région du sud de l’Europe à connaître une vraie révolution industrielle qui va la propulser dans la modernité, changer ses structures sociales, décider de son destin artistique et culturel, déterminer durablement sa population, et ce, sans disposer au départ de matières premières ni de sources d’énergies. Bien que ne disposant pas d’un empire ou d’une flotte, la Catalogne a entamé sa révolution en même temps que l’Angleterre et ce pour plusieurs raisons.

Le goût de l’effort

Traditionnellement la Catalogne s’est toujours tourné vers le nord de l’Europe et souvent a eu tendance à importer les produits qui lui étaient les plus utiles. Ensuite l’activité industrielle était vitale pour l’ensemble de la société, à commencer par les banquiers comme Manuel Girona qui fut le fondateur de la première banque de Barcelone, les frères Bonaplata qui installèrent la première industrie à vapeur de toute la péninsule ibérique, ou encore par le rôle de la chambre de commerce qui a crée des écoles techniques pour suppléer  le manque d’universités…. Enfin c’est surtout l’esprit d’entreprise naturel qui a conduit des paysans à installer des machines à tisser mécaniques chez eux. Au XVIIe siècle, les fortunes amassées par le commerce de l’eau de vie servaient à acheter des esclaves, du coton, du cacao du tabac ou du sucre, mais certains marchands installés à Cuba investissaient déjà dans des machines, achetaient des matières premières, et ouvraient des usines en Catalogne. Le coton était alors acheté en Géorgie ou en Alabama, débarqué à Barcelone puis halé le long du Llobregat avant d’arriver à Berga ! Au XVIIIe, après presque deux cents ans de purgatoire, la Catalogne n’a plus l’interdiction de commercer avec les Amériques : tout s’emballe.

L’énergie libérée

La laine, le fer et le papier voient leur production accélérér tandis qu’apparaissent des usines de coton imprimé. Et c’est du coton que vient l’impulsion novatrice. D’autant que la population augmente, sur la côte et dans les campagnes où se développent caves viticoles et distilleries.  Les bénéfices de l’agriculture sont réinvestis dans l’industrie naissante tandis que les premières machines sont importées d’Angleterre. On pallie le manque de charbon par le développement de l’industrie hydraulique : la Catalogne moderne est née, et avec elle une riche bourgeoisie industrielle porteuse d’une renaissance artistique, culturelle et politique, la Renaixença. Plus qu’ailleurs, sans doute, le patrimoine industriel de la Catalogne est une grille de lecture sociale, culturelle, artistique, qui a donné lieu au développement de musées, de centres d’interprétation, de mines ouvertes au public, d’anciennes usines chargées de perpétuer la mémoire de l’épopée industrielle.

Cap sur la modernité

En 2006, autour du Musée de la  Science et de la Technique de la Catalogne, situé à Terrassa, se crée un réseau puissant et diversifié, le Xatic (réseau du Tourisme Industriel de Catalogne), qui regroupe une quarantaine de communes et plus de cinquante structures. Objectif : définir une ligne d’actions communes qui soit un véritable outil de communication destiné à attirer de nouveaux visiteurs et créer, autour du tourisme industriel, des activités économiques et culturelles destinées à toute la famille. Parcourir des galeries de mines, admirer l’architecture moderniste d’une colonie ouvrière, assister à toutes les étapes de l’élaboration du cava, visiter une usine à papier, tout est possible. 10 ans après, force est de constater que la mayonnaise a pris puisque le Xatic annonce 1, 4 million de visiteurs !

C’est pas sorcier

Il faut dire que le Xatic met le paquet pour rendre les visites passionnantes et ludiques. Rien de rébarbatif, bien au contraire, une sorte de « C’est pas sorcier » à l’échelle d’un pays vous attend. à commencer par les Centres d’Interprétation, conçus pour contextualiser en termes d’histoire et de géographie la production abordée, de façon à offrir une grande fresque globale, et des outils de compréhension des enjeux économiques et politiques. Cerise sur le gâteau, les bâtiments transformés en musées sont souvent des merveilles architecturales : vieilles maisons gothiques, édifices modernistes dus aux crayons de Josep Puig i Cadafalch, Lluis Muncunill, Antoni Gaudí, Ignasi Oms i Ponsa ou encore Domenech i Montaner.

Architecture d’art

La bourgeoisie industrielle nouvellement enrichie a passé de nombreuses commandes qui ont littéralement dopé la création artistique catalane et donné naissance à ses deux principaux mouvements, le modernisme et le noucentisme. Quel que soit votre thème de prédilection, vous allez trouver de quoi satisfaire votre curiosité. Vos talents d’explorateur seront sollicités dans les mines, vos méninges seront stimulées dans les musées, vous serez émus par les colonies ouvrières, conçues pour offrir à leurs pensionnaires une autarcie économique, culturelle et même religieuse, et surtout, vous verrez sous vos yeux, la Catalogne passer du statut marchand et agricole au statut industriel et post-industriel. Par exemple, si vous vous passionnez pour l’eau, et en particulier pour les centrales hydrauliques et hydroélectriques, un large choix s’offre à vous : le barrage de Baells, près de Cercs, la centrale de Collet qui a permis l’électrification des mines adjacentes ou encore le Centre d’Interprétation de l’eau de Tavascan avec son réseau de tunnels, de lacs, et sa chute d’eau, l’une des plus impressionnantes d’Europe. Si vous vous intéressez plus particulièrement à l’acheminement de l’eau, le parc de la Sequia à Manresa avec son centre de l’eau de Can Font et son musée technique, est une étape indispensable.

Acheminer l’eau

La maison des eaux de Montcada vous montrera comment on puisait dans le cours souterrain du Besós, et à Torelavit, vous pourrez mesurer combien l’eau courante a changé la vie des habitants au fil des décennies. Si vous avez des préoccupations écologistes, si l’avenir de l’eau vous passionne, pas de problème non plus, le Musée Agbar des Eaux à Cornella de Llobregat, Cal Boyer à Igualada ou le château d’eau moderniste de Palafrugell Can Mario, vous proposent une vision prospective passionnante, déclinée en expositions temporaires et démonstrations audiovisuelles. Nul doute qu’à la sortie, vous ne regarderez plus votre robinet avec les mêmes yeux ! Vous avez peut-être une âme d’explorateur ? En route pour les mines de Cercs dévolues au charbon ou encore celles de Cardona pour le sel, à moins que vous n’optiez pour le forage pétrolier de Riutortou ou les mines de plomb de Bellmunt del Priorat. Au programme, descente en monte-charge dans les galeries, traversée des mines en wagonnets, et bien sûr, illustration muséale à la sortie. Vous aimez le train ? Rendez-vous dans l’ancienne gare de Guardiola de Bergueda pour découvrir l’histoire du réseau ferré catalan à partir du premier tronçon Barcelone-Mataró, à bord du charmant petit train du ciment de la Pobla de Lillet.

Tous les moulins

Découvrez également le musée du train miniature d’Igualada pour jouer avec un train électrique géant de plus de 200 m². Vous pouvez même faire du vélo sur les rails de l’écorail du Cardener, autour de Manresa. Voilà qui enchantera vos enfants ! Dans un pays aux racines agricoles, les moulins, qu’ils soient mus par l’eau, le vent ou l’électricité jouent un rôle capital dans la transformation du blé. À Manresa, la minoterie Albareda et la minoterie Florinda vous attendent, à moins que vous ne leur préfériez l’écomusée de Castelló d’Empúries. à voir aussi, le centre d’interprétation de l’huile à Vandellós ou le moulin à papier de Capellades où l’on produit encore du papier à la main. Vous pourrez d’ailleurs y faire le vôtre. Au chapitre de la mécanisation et de la construction, ne manquez pas le musée de Cal Trepat, dont les machines agricoles ont changé le visage de l’Espagne et l‘espace consacré aux matériaux de construction de Santa Oliva.

Le meilleur de la nature

Vous allez craquer devant les rajoles, les céramiques catalanes à L’Espluga de Llobregat avec Cal Tinturé et la Rajoleta. Mais bien sûr, qui dit Révolution industrielle dit industrie textile, et là, vous ne saurez plus où donner de la tête entre les usines comme la Casa Alegre de Sagrera, les anciennes filatures de Sant Joan de Vilatorrada avec leur canal et leur turbine ou la CaixaForum de Barcelone, les colonies comme la colonia Vidal dans le Berguedà, celle de Cal Pons à Puig-Reig, la Torre de l’Amo de Viladomieu ou les centres de documentation sur le textile comme celui de Terrassa. Si vous aimez le monde végétal, le musée du liège de Palafrugell, les jardins dessinés par Gaudí pour la famille Artigas à la Poble de Lillet, les paysages du haut de la tour de Sant Sebastià et le centre d’interprétation du cava de Sant Sadurni d’Anoia emporteront tous vos suffrages. N’en oubliez pas les animaux et les tanneries, actives depuis le Moyen Âge comme à Granollers ou au Musée de la Peau et Cal Granotes à Igualada, ni les mulets mis en majesté au Musée du « Traginers », juste à côté.

L’énergie, nerf de la guerre

Enfin, une réflexion sur l’énergie s’impose avec une curiosité, le gazogène de Cal Pasqual d’Igualada, destiné à faire fonctionner la filature, le centre d’interprétation de l’énergie d’Ascó consacré tout spécialement aux centrales nucléaires, le musée du gaz de Sabadell, l’usine thermique hybride Roca Umbert de Granollers, alliant charbon et fuel, et enfin, la forge Lacambra et la production de cuivre, aux origines de la métallurgie. Et bien sûr, pour les plus pressés ou les moins mobiles, le siège du Xatic résume tout : Le mNACTEC de Terrassa, musée de la  Science et de la Technique de Catalogne est une mine de savoir, d’anecdotes, de visuels et d’audiovisuels. L’industrie c’est pas sorcier, mais quand même magique !

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