28 Sep La Costa Brava, la belle indomptée
C’est un des lieux terrestres où Dame Nature semble avoir marqué une pause pour dispenser ses bienfaits. La terre et la mer s’y livrent un combat aux allures de joute amoureuse, veillées par des pins échevelés qui dansent sous le vent la chanson de la Méditerranée. La Costa Brava est un paradis !
Bien sûr, penser à la Costa Brava, c’est penser à la mer et au plaisir des eaux. Pourtant, cette vision estivale s’avère plus que réductrice : c’est en automne, quand les torpeurs ont disparu, quand la caresse du soleil se fait douce, quand le regard apprécie le vert immuable des montagnes et la profondeur inégalée du bleu du ciel, que la côte donne le meilleur de sa beauté. C’est ici que les Pyrénées descendent enfin de leur piédestal pour saluer l’aube en s’abîmant dans les flots. Ce dernier geste de pierres et de tours a pris un joli nom pour annoncer les toutes premières lueurs du jour : l’Albera. Le velours des chênes verts se teinte du bleu gris des oliveraies, puis des verts tendres de la vigne parfois ocellés de rouge par le carignan. Les drailles tracent, presque furtives, vers la promesse bleue de la mer.Sonnailles des troupeaux de vaches autochtones et sauvages, odeurs de garrigue, restes disséminés de dolmens et d’habitats disparus, les pas des promeneurs semblent rejoindre une haute mémoire, mais aussi, plus proches de nous, les chemins de l’exil républicain et les espoirs des juifs fuyant le nazisme. Les rochers silencieux qui jalonnent ces routes sont autant de sentinelles mutiques pétries de ces humanités croisées, auxquelles répondent des paysages d’éternité au caractère bien trempé. Le Cap de Creus s’élance comme un vaisseau de pierre bien calé sur son erre, creusé de calanques profondes, plissé en mille collines minérales qui se laissent la plupart du temps, descendre, grimper et accoster malgré cette intimidation bravache. Attention, gardez un œil ouvert : à la fois presqu’île d’un Finisterre et domaine sous-marin unique, le Cap est connu pour ses humeurs imprévisibles. Tous les marins le savent, on peut le passer à voile ou en moteur, parfois au péril de sa vie selon les envies de la Tramontane ! La route qui relie Cadaqués à ce cap terminé par un phare est une authentique merveille de criques fermées d’îlots et de plages secrètes qui accueilleront en majesté vos pérégrinations automnales. L’accès aux sept criques de la ville blanche par voie terrestre via un col abrupt est une pure merveille.
De terre et de mer
Plus au sud, quand les montagnes s’abaissent, s’élance le demi-cercle parfait de la baie de Roses, classée parmi les plus belles du monde à l’égal par exemple de la célèbre baie d’Along, ourlée de chemins de rondes, crantée d’embouchures et striée de deltas. C’est ici qu’ont choisi de reposer, dans un bleu plus profond encore que le leur, les eaux de la Muga du Fluvià et du Ter, après avoir marqué le pas en grandes lagunes plantées de roselières et d’ajoncs, bordées de merveilleux bois de rivières composés d’ormes, de peupliers et de frênes. Quelques iris jaunes ou bleus pointent leur nez. Ce parc naturel embrasse l’une des plus belles zones humides du pays et porte un nom éloquent : les aiguamolls, ce qui signifie littéralement, « les terres détrempées ». Des milliers d’oiseaux, d’insectes, de poissons, de loutres, de cigognes, ou encore de martins pêcheurs y ont élu domicile et font de toute promenade une succession d’aquarelles mouvantes à contempler ou immortaliser. Sur la baie de Roses elle-même s’ouvrent des criques plus petites qui en festonnent les contours en formant parfois, dans les zones rocheuses, de petites falaises comme autour de l’Escala. La côte, hérissée de tours génoises qui rappellent les temps maudits des razzias barbaresques, se laisse parcourir le long de sentiers balisés en offrant des vues magnifiques sur le large et des accès parfois vertigineux au bord de l’eau. Déjà se dessine l’étrange silhouette du Montgri, une énorme masse calcaire aux rares touffes de thym surmontée d’un grand château crénelé. Selon l’angle de vue, cette masse montagneuse étrange peut évoquer un évêque gisant dont la mitre se prolongerait ou encore un corps de femme allongée aux seins pointés vers le ciel.
En pente douce…
C’est là que les jolies îles Medes, désormais dépeuplées, ont choisi de parer la mer de leur chapelet minéral et de leurs coraux, si beaux qu’ils délimitent une réserve sous-marine extrêmement prisée des plongeurs et de tous ceux qui aiment inverser les perspectives en s’offrant de belles séances de cabotage. Les possibilités d’activités sportives sont infinies, des séances de kayak sur le Ter aux excursions dans les montagnes, des séances de pêche au snorkelling, de la plongée en bouteille à l’escalade, du VTT aux pistes cyclables, tous les possibles sont ouverts, l’eau et la terre vous attendent. Un peu plus au sud encore, le relief s’apaise en maraîchages et champs d’ajoncs avant de faire place à de belles rizières, version domestiquée des terres inondées des aiguamolls. Le riz de Pals, célèbre dans toute la péninsule pour ses grains translucides, y prend racine. Cette plaine douce se décline à l’intérieur en longues routes longilignes qui regardent au sud, la ligne sombre du cap de Begur écarter ses fins doigts de pierre, bagués de pinèdes aux corolles rondes, dans l’infini du large. Les criques se succèdent, serrées, jusqu’à la baie de Palamós et les falaises mythiques de Sant Feliu de Guíxols, haut lieu d’escalade pour des intrépides venus de toute l’Europe. Alors, tout s’accélère, comme si une main géante décidait de plisser le paysage. Les calanques se creusent comme des fjords, les branches des pins se penchent dangereusement dans leur désir de frôler la mer, les falaises se hissent comme autant de hunes surplombant les flots, la route côtière se perd en méandres et arabesques qui imitent les vagues toutes proches. Un monde parfaitement sauvage, encore, qui mène aux tours de Tossa et à ses plages uniques nichées sous les remparts ou creusées dans les falaises en piscines parfaites, avant de se prolonger jusqu’à Lloret de Mar où enfin, de longues plages blondes se dessinent, encore encadrées de criques rocheuses. La Costa Brava termine sa course à Blanes, dans le vent de fleurs des jardins suspendus de Sainte Clotilde, Marimurtra ou Pinya de Rosa, exactement au beau milieu de la baie et de la longue plage, sur le rocher sombre de Sa Palomera que le journaliste Ferran Agulló a défini comme son point de naissance. Derrière cette ligne côtière, obstinément doublée de chemins de rondes incroyables, les montagnes sont partout et offrent leurs pentes boisées à vos itinérances : la Costa Brava se paye le luxe de ne jamais choisir entre la mer et la montagne, entre ses plages de sable et ses criques rocheuses, entre ses caps valeureux et ses lagunes indolentes, attentive à offrir mille visages sans jamais se perdre, à vous ouvrir mille chemins où vous retrouver.
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