28 Sep La loi des pierres
Outre ses beautés naturelles, la Costa Brava est un haut lieu de l’histoire occidentale : à la fois point d’entrée des Grecs et des Romains dans la Péninsule ibérique, territoire à fort rayonnement médiéval et ultramarin, zone de villégiature aristocratique, elle affiche un patrimoine unique et passionnant.
Presque tous les villages et ports de la Costa Brava dressent face au large des maisons à dominante blanche, parfois chaulée, qui leur confèrent d’emblée un caractère méditerranéen marqué : c’est le cas de Port Bou, de Port de la Selva ou de Llançà qui tous, ont su garder leur physionomie de petit port de pêche malgré l’afflux touristique. Bien sûr, la palme de l’originalité et de la beauté revient à Cadaquès avec ses rues pentues revêtues d’une calade de galets, ses volets bleus, ses airs majorquins et ses jolies maisons modernistes. L’échancrure des criques bordées de maisons, le charme des plages minuscules, la démesure de l’église perchée au fabuleux retable baroque, tout fait de cette petite ville l’épicentre d’une vie bohème et cosmopolite qui ne cède pourtant rien de sa catalanité tranquille. Dalí, Garcia-Lorca, Luis Buñuel, Man Ray, André Breton, Max Ernst ont déambulé dans ces rues. Autres ports bourrés de charme, l’Escala avec ses maisons juchées sur la falaise et bien sûr, la carte postale par excellence, Calella de Palafrugell. Vous allez adorer ces maisons blanches campées sur des arcades basses sous lesquelles on hissait autrefois les barques de pêche bien à l’abri des coups de vent et de mer. Elles évoquent malgré elles d’autres suds, comme la Grèce ou même Djerba. C’est un des sortilèges de la Costa Brava que de rêver en permanence à d’autres rivages ! Un peu partout les « indians », ces catalans partis faire fortune à Cuba ou dans le reste de la Caraïbe au cœur du XIXe siècle sont revenus passer leurs vieux jours dans le pays de leur enfance. Ils y ont construit de belles demeures à colonnades d’inspiration coloniale, ornées de jardins enchantés et de fresques exotiques, apportant à cette terre de dur labeur une indolence sereine. à Begur, par exemple, ils ont marqué le paysage urbain au point de faire partie intégrante de l’identité locale. Au début du XXe siècle, un peu partout, les marins attachés à la pêche au lamparo ou à la traîne ont vu arriver de nouveaux voisins, des citadins en mal d’espace, d’iode et de bains de mer qui ont souvent bâti de belles demeures de villégiature dans les styles prisés à l’époque, à savoir le Modernisme et son exubérance ou le Noucentisme, plus mesuré et plus symétrique. Ces constructions nouvelles ont souvent rencontré des noyaux médiévaux de toute beauté comme à Sant Feliu de Guíxols avec la Porta Ferrada ou la Loge de Mer, ou à Tossa, qui reste la seule ville fortifiée directement côtière encore enserrée dans ses remparts, riche de sa maison du gouverneur et de ses trois tours imposantes. Beaucoup de collines sont surmontées de ruines de châteaux qui sont autant d’occasions de promenade tandis que de très nombreux ermitages ou restes de couvent émaillent les montagnes. à tout seigneur tout honneur, les ruines grecques et romaines d’Empúries, situées au milieu des pins et en bord de plage, vous séduiront par leur pouvoir d’évocation. Pourtant c’est sans doute au charme des canaux vénitiens d’Empuriabrava, la plus grande ville lacustre d’Europe que vous succomberez le plus volontiers, envoûtés par ce mode de vie entre le ciel et l’eau. Cette profusion ne s’arrête toutefois pas à la côte proprement dite.
A l’intérieur, juste un peu
à l’intérieur des terres, à quelques encablures à peine de la mer, des villages magnifiques s’élèvent, connus sous le nom générique de « carré d’or ». Il s’agit de Pals, de Palau-Sator, de Monells et de Peratallada, tous entourés de remparts, tous organisés autour de rues piétonnes dont les murets discrets peinent à contenir les fleurs multiples de jardins suspendus, tous dotés de belles demeures patriciennes qui laissent encore transparaître leur gothique originel, d’ogive en fenêtre géminée, de places larges à arcades en balcons-galeries. à Pals, le château couronne le tout et sa terrasse offre une vue incroyable sur les rizières et la mer. En réalité ces stars ne sont que l’écume remarquable d’une vague plus profonde car tous les villages de cette deuxième ligne côtière sont bourrés de charme et se laissent volontiers effeuiller jusqu’au cœur de leur naissance médiévale comme le très beau village de Perelada avec son château aux tours tapissées de lierre, son jardin aux élégantes pièces d’eau, son reste de cloître et son incroyable bibliothèque. N’hésitez pas à pousser jusqu’à Castelló d’Empúries, une magnifique concentration de bâtiments médiévaux. Parfois, l’histoire s’amuse à jouer les trompe-l’œil comme à Torroella de Montgri : si le château haut perché semble imposant, il s’agit en réalité d’un quadrilatère vide parce qu’inachevé qui n’a à vous offrir qu’une très belle vue sur les îles Medes. En revanche ne ratez pas, au même endroit, la cour gothique du Palau Solterra. Parmi les merveilles insolites, ne vous privez pas de la Citadelle de Roses, un incroyable tout en un qui allie plusieurs occupations historiques du IVe avant JC, date de la fondation de la colonie grecque de Rodes jusqu’à nos jours. Les remparts renaissants encerclent des ruines hellénistiques et wisigothiques ainsi que le monastère roman et le premier noyau urbain.
Dans le vert et dans le bleu
Enfin, les XVIIe et XVIIIe siècles sont représentés par l’architecture militaire : une visite synthétique et passionnante idéale en famille ! Plus insolite encore, l’exploration du site ibère d’Ullastret, une plongée saisissante dans le monde encore méconnu des premiers occupants de la Catalogne et de leurs incroyables connaissances en architecture défensive et en agriculture, tout autant que la découverte de leur rapport à la mort à travers les sépultures de la nécropole. Le site offre de quoi crapahuter et se perdre en conjectures ! Il vous reste pourtant à découvrir le lieu le plus remarquable de toute la côte, la fabuleuse abbaye romane de Sant Pere de Rodes, suspendue à flanc de colline au-dessus de Port de la Selva. L’ensemble regroupe l’église romane et son clocher lombard, les cellules des moines, le réfectoire et les deux cloîtres superposés (roman et gothique) ainsi que des dépendances. Il s’agit d’un exemple remarquable d’art roman autochtone, synthétisant des courants carolingiens et préromans. Le très beau bas-relief signé du Maître de Cabestany qui orne le portail reste sans doute un des éléments les plus notables dans sa perfection souveraine. Doté d’une tour de défense, le monastère est couronné d’un château, le castell de Sant Salvador, situé au sommet de la colline. Vous pourrez vous restaurer sur place en dégustant des produits du cru et avec un peu de chance, assister à un concert ou à une conférence. Un peu partout, s’ouvrent à vous de remarquables vues sur les baies de Llançà et du Port de la Selva. La rencontre d’un site naturel exceptionnel et d’une œuvre humaine hors norme donne naissance à une véritable rose de pierre perdue dans le vert et le bleu. Et ce ne sont là que quelques jalons destinés à guider vos pas : sur la Costa Brava, l’émerveillement est partout, il suffit d’avancer les yeux grand ouverts.
Pas de commentaire