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Rencontre avec Pierre Camps

01 Août Rencontre avec Pierre Camps

Pierre Camps, c’est un peu l’ambassadeur assumé de la Côte Vermeille, certainement aussi un de ses amoureux les plus fervents. Il trouve souvent, pour la célébrer, des accents de poète…

Cap Catalogne : Bonjour Pierre Camps, présentez-vous à nos lecteurs…

Pierre Camps : Je suis un Colliourenc pur jus, fils d’un pêcheur-paysan comme beaucoup de gens d’ici, un pied dans la vigne, un pied dans la mer. J’ai eu une enfance buissonnière très heureuse dans la nature et une adolescence marquée par le rugby, qui m’a permis de faire miens les autres villages de la côte et de sceller des amitiés que le temps n’a fait que renforcer. J’ai été pilier, seconde ligne, puis flanqueur, ce sont des postes qui demandent de la détermination et du partage. J’aime la notion d’équipe, mais je ne tourne pas le dos aux sports plus solitaires comme la marche en montagne. Je suis un passionné des Pyrénées. Mais voilà, l’appel de la mer a été plus fort que tout, ce qui, dans une famille terrienne et ancrée, n’a pas toujours été facile.

CC : Vous avez donc quitté votre Côte Vermeille chérie ? 

PC : Je me suis engagé dans l’infanterie de marine dont la base se trouve à Fréjus, et je peux dire que j’ai bourlingué un peu partout. D’ailleurs, on trouve des Catalans absolument partout, c’est incroyable. Je n’ai pas voulu être officier car cela signifiait passer trop de temps en métropole. Moi, je voulais voyager, et aussi je voulais être proche de mes hommes, j’ai donc terminé ma courte carrière (à 44 ans) au grade d’adjudant-chef.

CC : Et vous êtes revenu… 

PC : Oui, finalement après l’appel du large, j’ai connu l’appel de la terre, logique pour un Colliourenc ! Et j’ai retrouvé mes amis de tous horizons, mes potes de rugby, Pierrot Aylagas, Michel Moly, et j’ai été élu auprès de Jacques Manya. Des personnalités très différentes, bien sûr, mais toutes très attachantes.

CC : Vous avez aussi retrouvé la Côte Vermeille. 

PC : Vous savez, j’aime tous les villages de cette côte. Collioure bien sûr, mais aussi Port-Vendres qui était un peu notre port et qui a su tirer son épingle du jeu, Banyuls avec son labo et ses spots de plongée et le côté plus miniature et authentique de Cerbère. Nous avons une côte magnifique, rocheuse, sauvage, une quintessence de Méditerranée. Une côte où il fait bon vivre et qui est hautement attractive avec son alliance de montagnes minérales et de mer.

CC : Pensez-vous qu’il faille infléchir le modèle touristique actuel ? 

PC : Nous avons déjà beaucoup travaillé et nous avons changé notre image en la tirant vers le haut, sans perdre cet accueil populaire qui nous distingue de destinations plus chères comme la Côte d’Azur. L’hôtellerie de plein air est montée en gamme, l’offre hôtelière flirte avec l’excellence en proposant de nouveaux fleurons qui allient luxe et tradition, et nous avons fait de gros efforts de classement de nos meublés. Côté restaurants, l’offre est presque illimitée et va de la bonne restauration rapide typée, comme les tapas, aux grandes tables étoilées, sans jamais renier son accent catalan. La Région et le Département organisent des campagnes qui nous permettent de communiquer efficacement sur nos atouts naturels. Je pense que le tourisme se porte bien sur la Côte Vermeille, entre l’offre sportive très large, notamment en matière de sports nautiques, et l’offre culturelle de premier plan, qu’il s’agisse de nos festivals, des collections impressionnantes de notre musée ou de l’empreinte de Maillol à Banyuls. Impossible de s’ennuyer sur nos terres !

CC : Techniquement, aussi, le territoire a fait des progrès… 

PC : Nous sommes adossés à l’Office Intercommunal et nous avons sur place un personnel extrêmement qualifié, multilingue, fin connaisseur de l’offre et en capacité de maîtriser tous les outils informatiques de communication et de médiation. Notre site internet est moderne et performant.

CC : Il faut dire que les accès sont excellents. 

PC : C’est exact. La Côte Vermeille est désenclavée par la quatre voies qui va désormais jusqu’à Paulilles et c’est un atout maître pour attirer les visiteurs. À l’exception des fêtes de la Sant Vicens, on ne connaît plus les interminables queues d’autrefois.

CC : Impossible de ne pas poser au vigneron que vous êtes une question de fond sur l’avenir des crus de Collioure et Banyuls…

PC : Là, ça se corse ! D’abord, le climat change, et la crainte, in fine, c’est que nous ayons beaucoup moins de raisin. À mon sens cela signifie que les petites caves particulières, rompues à l’élaboration de petites productions d’excellence s’en sortiront par le haut, mais je crains que ce ne soit exactement le contraire pour les caves coopératives, qui vont avoir du plomb dans l’aile. C’est une évolution inéluctable.

CC : Pourtant, il y a aussi, même si c’est à la marge, des produits dérivés comme les marcs ou les excellents vinaigres de Cosprons. 

PC : C’est vrai en ce qui concerne l’apport de visibilité, mais cela, hélas, ne résout pas le problème majeur de notre territoire. Pour moi, c’est l’emploi des jeunes. Bien sûr, le tourisme et la restauration prennent leur lot de saisonniers, mais nous peinons à stabiliser des emplois fixes, capables d’encourager les jeunes à rester. Bien sûr, Port-Vendres a créé son troisième quai, mais peu de jeunes d’ici ont été concernés. Et puis, nous sommes confrontés au problème de la surconstruction alors même que les réserves en eau sont extrêmement menacées, avec une nappe phréatique qui, à terme, sera en totale porosité avec l’eau de mer. Il y a matière à être inquiet.

CC : Vous pensez que dans notre approche touristique nous mettons notre culture catalane assez en valeur ? 

PC : On le fait beaucoup plus qu’avant. Quand il y a des sardanes, on y compte pratiquement davantage de gens venus de l’extérieur que d’autochtones. Je rêverais qu’il y ait des écoles catalanes partout parce que j’ai bien conscience qu’il existe un bassin d’emploi au sud et que nous recevons beaucoup de Catalans, cela fait partie des pistes à explorer pour l’avenir.

CC : Pierre Camps, donnez-moi trois mots qui incarnent pour vous la Côte Vermeille et éveillent le désir d’y venir ou d’y revenir. 

PC : D’abord, je crois, le mot « contraste ». Le contraste entre la montagne et la mer, leur rencontre, le fait que tout, toujours, au rythme des vagues, soit à la fois permanent et en mouvement. Et puis « odeurs ». Les senteurs de thym et de fenouil, les fragrances d’iode et de sel, tout ce tourbillon méditerranéen si caractéristique et porteur de couleurs chaudes et tranchées. Enfin, bien sûr, et c’est, sans doute, le plus irremplaçable, les gens d’ici. Leur ADN de terre et de mer, leur accent rocailleux, cette façon inexplicable qu’ils ont de s’adresser à moi-même quand ils se taisent parce qu’ils font partie de ce que je suis.

CC :  En fait vous n’êtes parti que pour mieux revenir ?

PC : Partir, c’est un peu regarder un paysage depuis la mer, puis revoir le même depuis la terre. On prend la mesure de ce que l’on perd, mais on ramène des éléments de comparaison. Disons que je suis un bateau qui est revenu à son port d’attache et qui a jeté l’ancre au plus profond. Vous avez raison, ici, c’est la plus belle terre du monde, parce que c’est la mienne.

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