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Andorre à la puissance 2

06 Déc Andorre à la puissance 2

Surprenant binôme ! Sœurs de cœur et voisines administratives, les communes d’Andorre-la-Vieille et Escaldes-Engordany partagent la même énergie et la même artère commerciale. Si semblables et uniques à la fois, c’est derrière la vitrine qu’elles sont les plus étonnantes !

Du « deux en un ». L’une est capitale : Andorre-la-Vieille. L’autre fait office de cédille : Escaldes-Engordany. à toutes les deux, ces deux communes forment le poumon économique d’Andorre. Plus qu’une vitrine, plus que deux reines du shopping, une histoire partagée. Jusqu’en 1978, Escaldes-Engordany et Andorre-la-Vieille ne faisaient en effet qu’une. En vertu de la réforme des institutions, Escaldes-Engordany devenait alors la septième et dernière paroisse (équivalent des communes dans les autres pays) de la Principauté. Une indépendance déjà réclamée depuis les années 30 par Escaldes Engordany. Et les « escaldencs » de raconter avec malice et sourire qu’ils étaient considérées comme « ceux des bordes (granges traditionnelles de montagne), ceux de là-bas » alors que les habitants d’Andorre-la-Vieille étaient « ceux de la capitale ». Il n’était pas rare de se voir demander son passeport entre les deux paroisses. Juste pour la blague ! Aujourd’hui séparées par le « Carrer de l’Unió » (ça ne s’invente pas !), les sœurs de cœur et voisines administratives, sont physiquement reliées par un seul et même passage piéton de 2 kms : l’avenue Carlemany rebaptisée « Vivand » et l’avenue Meritxell dite la « Shopping Mile ». Un cordon ombilical dont l’ADN est clairement marqué par le shopping. Vivand, principal axe commerçant compte actuellement près de 200 commerces, restaurants et hôtels. Il s’agit là d’un espace piéton unique en plein air dans lequel s’inscrit « l’Illa Carlemany », élu meilleur petit centre commercial d’Europe en 2012 avec pas moins de 70 boutiques sur plusieurs étages. Et comme les deux paroisses cherchent aujourd’hui une forme de « paix », Andorre-la-Vieille accueille quant à elle « Grands Magasins Pyrénées », un immense centre commercial avec les meilleures marques internationales ! Pas facile, quasi impossible pour le visiteur de distinguer « la frontière » entre les deux communes. Entre les avenues Meritxell et Carlemany, la chaland déambule de surprise en surprise sur une artère à la propreté impeccable qui se distingue par ailleurs par un étonnant système de feux tricolores ! Pour le coup, impossible d’échapper à cette singularité. Partant du principe que les visiteurs-consommateurs sont devenus des « piétons zombies », les yeux rivés sur leur téléphone portable, une entreprise de Valencia a récemment installé un savant système lumineux au sol.

Caldea, le retour aux sources

Plus la peine de lever la tête pour voir si le feu passe au vert ou au rouge. Des leds incrustées au sol avertissent le piéton ! Une technologie qui n’existe qu’à Ibiza et Guadalajara et permet apparemment d’éviter les accidents de plus en plus nombreux à cause des téléphones mobiles…Confort et sécurité au menu ! Si l’équilibre commercial est maintenu entre les deux communes, il faut avouer qu’Escaldes-Engordany s’est offert depuis 1994 un emblème de taille qui instantanément attire le regard : Caldea ! Le plus grand centre thermoludique d’Europe (32 000 m2) possède en effet une tour pointue culminant à 80 mètres de hauteur. Conçu par l’architecte français Jean Michel Riols, à qui l’on doit entre autres le Parc Astérix, Caldea trône tout de verre et d’acier au cœur des Escaldes et attire plus de 200 000 visiteurs par an. Immanquable, Caldea représente le fleuron d’un tourisme qui non seulement cherche à se diversifier mais puise dans son patrimoine souterrain… Il suffit de pousser la balade dans la vieille ville, dans « le barri » d’Escaldes pour sentir et entendre l’eau couler sous les petits ponts pittoresques. Elle murmure, elle glougloute, elle gargouille. Elle, c’est l’eau thermale qui jaillit entre 68° et 71° à cet endroit où convergent également la rivière Valira et la Madriu. Présente depuis l’Antiquité, l’eau thermale a permis aux artisans de laver la laine et de lancer dans la foulée l’activité textile en Andorre. Durant la seconde moitié du XXe siècle, cette eau précieuse a été acheminée en cœur de village sous forme de fontaines… Et c’est bien elle, l’eau thermale qui changera définitivement le visage d’Andorre ! Lifting général ! Jusqu’alors, la principauté était centrée sur l’agriculture et l’élevage et absolument pas sur l’économie de services. Tranquille, dans son coin, coincée au cœur des Pyrénées, l’Andorre allait pourtant se faire un nom et s’inscrire en lettres majuscules sur la carte européenne. Car bien avant Caldea, Escaldes-Engordany était déjà pionnière de l’hôtellerie liée au thermalisme ! En 1929, apparaissent les premières auberges, puis tavernes. Dans les années 50, on compte pas moins de 22 hôtels sur la commune. Les voyageurs espagnols, français et européens arrivent dans ces établissements où règne l’esprit de famille et le bon accueil. Mais surtout, ils savent qu’ils pourront profiter des eaux chaudes grâce aux baignoires installées à chacun des étages des hôtels ! Hotel Carlemany, Modern, Hostal Valira, Muntanya, Marticella ou encore Paulet…

Sacrés secrets…

Chacun a son autocollant que les clients s’arrachent pour coller sur le cuir de leurs valises. La publicité voyage. Et la gastronomie des hôtels propose alors caviar russe, poularde ou civet d’Isard. Dans le luxueux Hôtel Valira, le chef du Ritz de Barcelona prendra un temps les commandes du restaurant. Les commerces s’adaptent à ce nouveau tourisme de prestige. L’Espagne qui vit encore sous le Franquisme se rue en Andorre pour acheter les produits de consommation restreints tels que l’alcool, le parfum et même le cinéma ! Andorre sort la tête de l’eau et lorgne vers ses montagnes environnantes pour occuper la clientèle des hôtels. En 1956, l’homme d’affaires et champion de ski Francesc Viladomat installe le premier téléski au sommet de Coll Blanc, au Pas-de-la-Case. Celui-ci fonctionnait grâce au moteur d’un camion et pouvait transporter 450 skieurs par heure. À partir de ce moment, la station commence à gagner en moyenne un nouveau téléski par an. Par effet boule de neige, l’eau thermale rejaillit sur l’hôtellerie et sur le tourisme de loisir tel que le ski. Cette incroyable ascension est à découvrir jusqu’au 8 janvier par la biais d’une exposition à l’Espai Caldes, intitulée « Escaldes-Engordany : les pionniers de l’hôtellerie ». Sur ce territoire minuscule et enclavé devenu Eldorado commercial grâce à sa fiscalité avantageuse, Escaldes-Engordany ne s’est certainement pas endormie. Il faut dire que la nature y a toujours été généreuse. Ainsi, la Vallée du Madriu a-t-elle été déclarée Patrimoine Mondial de l’Unesco en 2004, dans la catégorie des paysages culturels. Paysages à couper le souffle, incroyable faune et flore font de cet espace naturel de plus de 4000 hectares un des joyaux de la Principauté. Idem pour le lac d’Engolasters, l’un des plus grands d’Andorre. Un bassin idyllique de 800 m de long sur 300 m de large tout près le la superbe église romane de Sant Miquel d’Engolasters, depuis laquelle on peut jouir d’un panorama incroyable sur le Escaldes-Engordany et Andorre la Vieille ! Si la vitrine est éblouissante au sens propre comme au figuré, le visiteur sera très certainement surpris par les pépites culturelles et autres curiosités architecturales de ces deux communes. Le vieille ville d’Andorre-la-Vieille n’est ainsi pas seulement la capitale. Elle est aussi la capitale européenne la plus haute et l’une des plus vertes et saines au monde. Et parmi les monuments incontournables, on ne manquera pas la Casa de la Vall (voir encadré) l’église romane de Sant Esteve, la Casa Guillemó ou encore la Casa Felipó. Un patrimoine historique riche que l’on retrouve également du côté d’Escaldes-Engordany avec l’église monumentale Sant Pere Martyr de style néo roman taillée dans le granit. Pour boucler la boucle et revenir à la source, le Pont de la Tosca fait office d’incontournable. Edifié en 1820 selon des techniques médiévales, il a été classé monument historique du Patrimoine Culturel d’Andorre en 2003. Vestige de l’ancien chemin rural de la vallée orientale, ce pont de pierre éblouit par son arc en plein cintre. Le point le plus élevé se trouve à 10 m au-dessus du lit de la rivière. Et s’il fallait encore insister sur les trésors cachés et les bijoux de ce surprenant binôme de communes, on prendra la pose devant la sculpture de Salvador Dalí, intitulée « La noblesse du temps ». Cette œuvre monumentale en bronze est installée sur la place de la Rotonde à Andorre-la-Vieille. Façon montre molle de 1400 kg pour 5 mètres de haut et presque 3 mètres de large, la sculpture surréaliste symbolise le passage du temps… Ce temps qu’il faudra prendre pour savourer les coulisses et les secrets de deux sacrées « paroisses » !

 

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