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Benifallet, au fil de l’eau

30 Mar Benifallet, au fil de l’eau

Bienheureuse Benifallet ! Perchée sur les berges de l’Ebre, animée par le flux d’une nature à l’incroyable richesse, la cité conjugue art de vivre et loisirs. Baignée par le parfum des orangers, traversée par une fabuleuse voie verte et couronnée d’une série de surprenantes grottes souterraines, Benifallet vibre au fil de l’eau, au rythme de ses terrasses de bars et restaurants d’un autre temps. Immersion dans ce village du Baix Ebre, pas si sage qu’il n’y paraît… 

Drôle de rencontre. On la prendrait presque pour une vagabonde, une naufragée. Accrochée sans esthétique particulière sur un promontoire des berges de l’Ebre. Benifallet ne sait pas mentir. Il suffit de prononcer son nom pour entendre ses origines itinérantes. Car Benifallet vient de « Beni Alkhalahet », fils d’Alkalahet et rappelle la conquête des Maures au XIIe siècle. De l’invasion des Arabes, le vocabulaire catalan se souvient à travers d’innombrables toponymes comme Benidorm par exemple  dont le nom d’origine arabe provient de la famille arabe qui la fonda, les Benidarhim. Béni soit son nom. Benifallet, elle s’est inventée sa propre religion. Celle d’un village de 700 habitants niché-perché au bord du plus long fleuve d’Espagne. L’eau à cœur, Benifallet fait figure de débrouillarde, de celles qui savent parfaitement naviguer à contre-courant. Benifallet a tordu le cou à l’image du Baix Ebre, longtemps considéré comme milieu hostile, immobile, apathique et marginalisé.

La Jota , la danse traditionnelle qui descend du fleuve…

Benifallet s’est posée là, au pied de la Serra del Cardó avec son entrelacs de ruelles, ses maisons sans prétention. Sans flonflon ni trompette. Pas d’architecte de renom, pas d’édifices emblématiques. Peu importe, Benifallet se fiche bien des titres et des plaques officielles et compte bien plus sur ses habitants, les Benifalletencs. Ce sont eux qui naturellement, avec les moyens du bord, donnent la température et l’âme d’un village désormais devenu touristique aux beaux jours. à Benifallet, que l’on soit « du haut », du quartier des Roques et ses ruelles en pente ou que l’on soit « du bas », on danse la jota et non pas la sardane, considérée à partir du début du XXIe siècle comme la danse nationale de la Catalogne. Chez « Can Pepo », l’hôtel-restaurant tenu depuis plusieurs générations par la famille Vallespi, on ose demander ce qui fait l’identité des habitants de Benifallet et la réponse fuse : « la Jota, par dessus tout ! » De père en fils, de mère en fille, n’est pas Benifalletenc qui ne sait sautiller cette danse folklorique. On dit d’elle qu’elle descend du fleuve de l’Ebre, de l’Aragon vers la Catalogne. Idée curieuse d’une danse qui se propagerait par un fleuve… Le fait culturel serait donc un produit de la terre qui emprunterait les fleuves et contournerait les monts. La Jota se danse en files ou en ronde. Les danseurs élaborent ensemble des variations à partir du pas de base : un mouvement latéral de translation, de droite à gauche. Le buste est ouvert, les bras au niveau des épaules, les claquements de doigts marquent le rythme ternaire. Parfois chantée par des « versificateurs » sous forme de couplets de quatre à huit vers, la Jota embrase les fêtes patronales. Lors de la « Festa Major » de Benifallet aux alentours du 11 septembre (jour de la fête nationale catalane), chanteurs et danseurs inondent les rues et rendent hommage aux autorités ou improvisent des sérénades aux jeunes filles. Chants de taverne au contenu satirique et grossier, chants d’amour, d’exaltation de la patrie, chants de sérénade ou de nostalgie consacrés à la région. Ou encore chants revendicatifs dénonçant les difficultés du monde agricole. La Jota s’inscrit depuis 2011 en majuscule et en fontaine sur le rond-point d’entrée. Une immense sculpture de marbre met ainsi en scène un homme et une femme dansant la traditionnelle Jota. Joie de vivre et légèreté. Seulement 700 habitants à Benifallet et une dizaine de restaurants et de cafés. Soit un restaurant pour 70 habitants. Incroyable ratio ! Là encore, pas de tape à l’œil. En terrasse, gens du village et touristes trinquent en chœur à la belle saison.

Humour toujours et bonne humeur au détour des ruelles ! 

A table, la cuisine catalane, goûteuse et généreuse déborde des assiettes. En dessert, le « pastisset » est une obligation. On ne quitte pas Benifallet sans avoir goûté à cette pâtisserie en forme de demi-lune fourrée de confiture de cheveux d’anges (courge). Il n’est pas rare de devoir patienter devant la boulangerie « La Campana » pour s’offrir ces délicatesses plein sucre ! à Benifallet, on sait se rendre la vie douce et colorée. Ici, les marches des escaliers ont été recouvertes d’éclats de céramiques multicolores pour dire le partage, le monde, l’amour en plusieurs langues. Idem sur les plaques de noms de rue fabriquées artisanalement. Mais c’est rue du Dr Sastre que le visiteur s’obligera avec joie à déchiffrer de jolies « rajoles », ces carreaux de faïence aux couleurs du blason de Benifallet, assortis de petites phrases truffées d’humour… « De la place jusqu’au fleuve, tu sauras tout sur chaque voisin de cette rue. » à la manière d’une chasse au trésor, on apprend ainsi qu’ici vit un « llaguter » (capitaine de barge) qui aujourd’hui a dû quitter son métier pour se consacrer à ses pêchers « dont il retire bien plus de bénéfices ! » Insolite galerie de coiffeurs, d’agriculteurs, d’artistes, de boulangers. à Benifallet, on soigne son cœur de ville, son église construite en 1635, ses pressoirs à huile d’olive et ses superbes lavoirs encore en activité. Au fil de l’eau, le long des champs d’arbres fruitiers, dans le délicieux parfum des milliers d’orangers, Benifallet puise sa force dans les remous de l’Ebre.

Au fil de l’Ebre, balade dans le sillage des « llaguts »

L’Ebre, la colonne vertébrale, le fleuve fort, la boussole et le métronome touristique. Aujourd’hui, le llagut vert et blanc aux couleurs de Benifallet, comprenez la barge typique du fleuve invite le visiteur à une superbe descente de l’Ebre. Réplique parfaite des barges qui jusqu’en 1987 transportaient 30 tonnes de  marchandises en aval et 16 en remontant, le Llagut Benifallet peut accueillir une cinquantaine de passagers. Invités à traverser les régions du Baix Ebre, de la Terra Alta et de la Ribera d’Ebre durant plus d’une heure. Excursion idéale pour admirer la singulière géographie du secteur : la Roca Forada, la Serra et le Couvent de Cardó, l’île de Cataula et del Nap, la finca de Xesa, le Carmull, la Roca Folletera et la Roca dels Penjats. Pour une immersion plus active et sportive, la base de loisirs Benimocions propose des sorties en kayak, en River Sup, Big Sup ou encore en canoë à moteur entre Benifallet et la pépite templière de Miravet, lovée à flanc de falaise. à l’aventure toujours, les circuits peuvent être combinés avec une excursion vélo ou Segway sur la voie verte. Une autre option s’inscrit dans le parc aventure, au cœur de la forêt en surplomb du fleuve. Au menu : une tyrolienne de 142 mètres de long, des ponts de singe et autres chemins aériens suspendus entre les arbres. Pour calmer les ardeurs et faire retomber l’adrénaline, les grottes voisines auront l’art et la manière de plonger le visiteur dans un silence souterrain absolu. Il n’est plus beau bouquet final que d’entrer dans la dernière des salles de la grotte Meravelles : la salle des musiques. Là où les stalagmites et les stalactites ont inventé une partition de formes féériques. Il suffit de promener ses doigts sur cet ensemble unique pour que les notes d’une musique naturellement magique résonnent. En écho à l’âme profonde de Benifallet, définitivement bénie des Dieux.

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