
03 Avr Brasserie Cap d’Ona, le « bressol » brassicole du 66
Elle est le « bressol », comprenez le berceau de toutes les brasseries artisanales des Pyrénées Orientales. Fière pionnière de la mousse qui fait mouche, la brasserie Cap d’Ona surfe aujourd’hui en haut de la vague. Grâce à sa gamme de bières d’excellence, Cap d’Ona s’illustre sur les plus hautes marches des podiums internationaux. La brasserie désormais installée à Céret reste profondément attachée à ses racines, à son environnement et à ses ressources locales. Un véritable engagement et un original savoir-faire qui font de chaque gorgée une déclaration d’amour au Roussillon.
Je suis mousse et mystère. Je suis née du feu et de la terre. D’un froment d’or et d’une eau claire Je suis bière, et particulièrement fière… Surtout parce que je porte le nom de Cap d’Ona, qui signifie en catalan « le sommet mmmde la vague ». Naturellement inspirée ! Cap d’Ona, c’est un roc, c’est un cap, c’est la crique-phare de Banyuls-sur-Mer. Vous voulez mes coordonnées ? Les voici : 42°29’08’’ N, 3°07’57’’ E. Car oui, j’ai largement de quoi vous déboussoler ! Le jeu de mots est facile, je vous l’accorde : je suis passée de la crique à la Kriek. Cerise sur le gâteau : j’ai récemment établi mon royaume à Céret, capitale bien connue du petit fruit charnu à noyau. C’est ici, au pied du féérique Château d’Aubiry, que mon histoire brassicole continue de s’écrire. Rembobinons un instant. Moi, la petite bière Cap d’Ona, je suis née il y a 25 ans dans les cuves argelésiennes d’une brasserie pionnière des Pyrénées-Orientales. Le premier bébé-bière était évidemment au Banyuls. C’est sous le regard et la paume d’un maître aussi passionné que patient, que j’ai vu le jour. C’est à lui que je dois tout. Lui, c’est Gregor Engler. Ni son nom ni son prénom ne sonnent catalan, et pour cause : Gregor est originaire de Lorraine. Et, comme par hasard, son grand-père était brasseur. Ah, la lignée, ah, la transmission… Sous la crinière aux reflets argentés, le regard bohème de Gregor Engler dit instantanément l’esprit libre et aventurier. L’âme d’un amoureux de la voile qui a jeté l’ancre en Pays Catalan dès son plus jeune âge. L’audace a fait le reste. Et la famille Cap d’Ona a bien moussé.
Une reconnaissance mondiale pour un ancrage local
Nous sommes aujourd’hui une quarantaine de variétés de bières Cap d’Ona. Grâce à Gregor et ses deux acolytes brasseurs, Julien et Emilien, nous sommes sacrément bien gardées ! Sans oublier Elodie Pujol-Engler, la femme-fée dont l’adage serait : « Le plus grand territoire à découvrir est sous le chapeau ! » Le chapeau, c’est sa marque de fabrique. Le territoire, l’une des clés de Cap d’Ona. Car c’est en terre nord-catalane, et nulle part ailleurs, que se trouve la source… C’est bien connu, pas de bière sans eau ! Elle représente 90 % de la composition de la bière et est l’un des quatre ingrédients essentiels à sa fabrication. Chez Cap d’Ona, elle vient directement du Tech, qui jaillit au cœur du massif du Costabonne sur la commune de Prats-de-Mollo à 2345 mètres d’altitude. C’est l’eau la plus pure du département des Pyrénées-Orientales ! Viennent ensuite les céréales. Nous, les bières Cap d’Ona, avons la chance folle de pouvoir intégrer dans notre recette le fameux seigle de Cerdagne, fourni par « La Jardinerie d’Altitude » d’Osséja, un négociant qui nous abreuve également d’orge, de blé, d’épeautre, de millet et de sarrasin cultivés en agriculture biologique. Lors du prestigieux concours des World Beer Awards 2022, en Angleterre, la Wood Aged Brune, concoctée au seigle de Cerdagne et vieillie en barrique pendant un à trois ans, a été élue Meilleure Bière du monde ! Quant au houblon, autre ingrédient clé qui permet d’obtenir l’amertume idéale lors du brassage, il n’est malheureusement pas catalan. Cette plante grimpante dont les cônes sont utilisés pour aromatiser la bière est très gourmande en eau.
Dans la philosophie de Cap d’Ona, lancer la production de houblon dans un Roussillon assoiffé serait contre-nature ! Alors on se sert dans l’Est de la France, le berceau de Gregor. Dans le processus de confection, ne pas oublier la levure. C’est grâce à elle que la fermentation prend forme, permettant au sucre du moût de se transformer en alcool et en dioxyde de carbone. On lui doit la constance du parfum d’un brassage à l’autre ! Le brassage, parlons-en. Nous, la compagnie des bières Cap d’Ona, avons la chance d’être aussi bien brassées qu’embrassées par notre grand maître Engler et ses deux disciples ! Surtout depuis que nous nous sommes offerts notre toute nouvelle cuverie à Céret. Le magicien, l’orfèvre, reste Gregor ! C’est de sa tête que naissent les recettes secrètes. Brasser une bière artisanale Cap d’Ona, c’est un peu comme composer une symphonie. Derrière chaque gorgée se cache un processus minutieux, entre tradition et créativité. Et chez Cap d’Ona, tout ce processus peut être vu d’en haut, d’une passerelle suspendue au-dessus des cuves. Commençons par le maltage, la naissance des arômes. Après trempage, germination et séchage, le malt est prêt à libérer ses arômes et ses sucres fermentescibles. C’est ici que se jouent les premières nuances de goût, entre notes biscuitées, caramel ou torréfiées. On passe ensuite au concassage pour libérer le cœur du grain. On brise l’enveloppe du malt sans en faire de la farine. Cette étape permet l’extraction optimale des sucres lors de l’infusion. Place ensuite à l’empâtage. Que es això ? C’est l’alchimie des enzymes. Les grains concassés sont mélangés à de l’eau chaude dans une cuve d’empâtage à différentes températures. C’est le moment-clé où se dessinent le corps et la douceur de la bière. Viennent alors la filtration et le rinçage, soit l’art d’extraire le moût qui est filtré pour séparer les résidus solides, appelés drêches. Actuellement, ce sont plus de 100 tonnes de drêches qui sont gracieusement redistribuées aux éleveurs des Pyrénées-Orientales pour les aider à nourrir leurs élevages. Un rinçage à l’eau chaude permet d’extraire un maximum de sucres, garantissant une fermentation optimale. Arrive l’ébullition ou l’heure du houblon. Porté à ébullition, le moût est agrémenté de houblon, qui donne amertume, arômes et fraîcheur à la bière. Les ajouts successifs permettent de jouer sur l’intensité et la complexité des saveurs. Secret bien gardé par Maître Gregor sur sa cuve perchée. Après l’ébullition, le moût est refroidi. Il est ensuite ensemencé avec des levures, qui vont transformer les sucres en alcool et en gaz carbonique. Cette étape peut durer jusqu’à plusieurs semaines, au nom du profil aromatique de la bière.
Au nom des sacro-saints fruits du Roussillon…
Là encore, Gregor ne livrera pas la partition exacte… Il laissera le temps faire son œuvre. Certaines d’entre nous requièrent plusieurs mois de maturation pour atteindre leur plein potentiel. Et c’est seulement là que nous prenons vie ! Embouteillées, nous sommes parfois accompagnées d’une refermentation en bouteille pour une pétillance naturelle. Après quelques semaines de patience supplémentaire, vous pourrez enfin nous porter à vos lèvres impatientes ! Vous l’aurez compris, derrière chaque verre se cache un savoir-faire, une passion, et une histoire. Et d’histoires, Cap d’Ona en regorge… L’histoire de cœur qui fait de nous des bières pas comme les autres, c’est celle de nos fruits. Notre « Super Gregor » et sa bande se sont distingués en créant des bières rares à base de fruits frais bio locaux.
Un singulier savoir-faire d’orfèvre
La première bière fruitée d’entre nous a puisé dans les cerisaies de Céret, chères au cœur du grand-père d’Élodie. Une bière naturellement rosée, une bière éphémère au fruit de saison. Aucun arôme, aucun sucre, aucun sirop. Rien d’artificiel. Du vrai, du bon, du local. Comme les abricots de la ferme Sibio à Thuir, ou encore ceux du Lycée agricole de Théza. Comme les pêches cultivées à Millas par Adama Dajon Sambou, ou encore le muscat du Mas Lavail à Maury. Cap d’Ona s’est mis un point d’honneur à bien payer leurs fruits aux agriculteurs, et par ricochet, les aider à vivre et parfois à survivre… Un cercle vertueux quasi philosophique qui s’appuie sur « un kilo de fruits bio de saison pour un litre de bière » ! Une équation rare qui se distingue des productions industrielles. Pour Élodie Pujol Engler, « Chacun peut penser ce qu’il veut. On a commencé avec 500 hectolitres de Blonde Ambrée et Banyuls. Aujourd’hui, nous sommes à 4000 hectolitres pour 35 bières. Nous serions industriels si nous produisions seulement de la Blonde en grande quantité. Nous, nous restons artisanaux, car nous nous sommes diversifiés en permanence avec le souci de la nature. On revendique le terroir et les saisons. On ne va pas faire une bière à la prune ou à l’ananas parce que chez nous, on n’en a pas ! » Bien plus qu’une simple adresse, Cap d’Ona relève du voyage éco-responsable et sensoriel. Chaque bière est une promesse de découverte, une invitation à savourer l’instant présent et à célébrer la richesse de notre terroir nord-catalan. Avec envie et poésie.
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