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CARAMANY, DE VIN ET D’EAU

05 Oct CARAMANY, DE VIN ET D’EAU

Ce village de charme, accroché autour d’un énorme éperon rocheux, déroule un tapis d’ocres et de verts dominé par la silhouette de l’ancien château qui semble encore régner sur les vignes et l’incroyable plan d’eau, créé par le gigantesque barrage récemment construit sur l’Agly.

Nous sommes sur des terres indécises, un peu suspendues entre Occitanie et Catalogne. La langue d’ici, imagée et chantante illustre cette claudication. Ici on est français depuis 1258 soit 400 ans avant le reste du département. Presque un autre pays. De quoi rajouter au caractère excentré de la situation géographique une vraie singularité que soulignent les paysages presque lunaires par endroits. Clin d’œil à l’histoire de France, les habitants s’appellent les Carmagnols, comme s’ils voulaient de toute éternité prendre leur part de Révolution. Ça ne s’invente pas ! D’ailleurs ici l’histoire la plus lointaine s’écrit encore au burin et au pinceau. Lors de la construction du barrage sur l’Agly, en 1994, les fouilles ont permis de découvrir une nécropole néolithique au camp del Ginebre ! « Le lac a tout changé ici. D’abord il a modifié un peu le climat, il est nettement moins sec qu’avant. Ensuite, il a fait de notre village un lieu de pêche et de navigation et a attiré des touristes que nous n’aurions sans doute jamais vus » explique Dominique, agent territorial. En effet, les bords du lac sont équipés de zones de pique-nique qui font florès malgré la venue de l’automne. Ici les pêcheurs sont à la fête avec les énormes carpes des profondeurs, les randonneurs au paradis dans les collines plantées de vignes aux odeurs de thym, de cyste et de fenouil et les amoureux du VTT vivent leur nirvana sur des chemins pierreux aux dénivelés faussement cléments. Les paysages sont à la fois minéraux et doux et invitent au repos de l’âme. Le lac, pourtant dû à la main de l’homme, semble dicter la pente des collines et les appeler à lui comme un berger rassemblant d’énormes moutons bruns. Le ciel est constamment zébré de vols d’oiseaux, parmi lesquels se détache la spirale caractéristique de rapaces majestueux. à Caramany, on est au cœur de la nature et partout on en sent la puissance. Dans la force du vent, dans l’énormité de l’eau retenue, dans le ciel haut où les nuages courent. Une terre tellurique. « Caramany est une destination idéale pour les amoureux de la tranquillité et de la vie familiale. Une seule route d’accès « qui ne mène nulle part », pas de passage intempestif, juste une communion entre l’homme et la nature sublimée par le travail de la terre » précise Arnaud viticulteur. « J’aurais pu faire comme beaucoup de mes camarades de classe et partir travailler ailleurs, mais ailleurs je n’aurais jamais eu cette beauté-là ». Ici les 200 hectares de vigne regroupent une trentaine d’exploitations qui ont pour crédo une quête de qualité effrénée. Il faut dire que comme sa voisine Latour de France, Caramany jouit de l’appellation « Côtes-du-Roussillon-Villages ». Ses vins font la part belle au Carignan que l’on n’égrappe pas et dont les saveurs rêches et fortes apportent une charpente unique aux breuvages taniques. Les vins de Caramany gardent si bien la verticalité feuillue des schistes, l’obstination des granites et des gneiss, la fraîcheur cachée de pluies oubliées, qu’ils sont souvent invités aux plus grandes tables. La viticulture rythme la vie de ce coin d’Occitanie et petite par la taille, mais grande par la renommée, la coopérative produit l’appellation Côtes-du-Roussillon-Villages-Caramany. Tant d’authenticité n’a pas manqué d’attirer des artistes de tous horizons qui trouvent ici un port d’attache sans entrave et un havre de paix. Dans le village et aux alentours ont fleuri des gîtes ruraux bourrés de charme pris d’assaut en toutes saisons. Le village, minéral, pentu, a la beauté tranquille du vrai. Son plan médiéval saute aux yeux, avec la présence têtue du château, juché sur l’énorme rocher qui a donné son nom au village « Kar magna », soit « grand rocher ». Deux poutres dépassent étrangement de la façade sans aucune raison apparente. Leur positionnement singulier leur a valu le surnom de « canons de Caramany ». La très belle église Saint étienne, construire au XIIIe mérite le détour. Détail étrange, le clocher est surmonté d’une sorte de couronne de schiste, construit par les villageois eux-mêmes en 1850 ! 

Né du rocher

Dans la rue de l’église, les arcades festonnent joliment les façades, tandis que la porte de la herse du Rebelli raconte à sa façon la gloire des anciens remparts. Ne manquez pas les deux abreuvoirs ! Le premier sur la Grand Rue, présente un trompe-l’œil très réussi, l’autre se trouve au pied du pont qui enjambe le Torreng au fond de la rue de l’abreuvoir. On note au fil des rues la taille de la maison Chauvet du nom d’une riche famille de drapiers qui l’a acquise au XVIIe siècle, aujourd’hui inhabitée. Se promener dans les ruelles est un véritable plaisir. Où que l’on aille, un panorama exceptionnel s’offre au regard. Sur la route de Bélesta, un belvédère permet au regard d’embrasser la montagne de Bugarach, mystérieuse et un peu maléfique, mais également le geste droit du château de Quéribus dressé sur son éperon au-dessus de la plaine du Roussillon. « Je viens ici presque tous les jours pour prendre une photo », explique John, un photographe britannique installé ici à l’année.

Comme une procession

« C’est tellement incroyable que j’ai décidé d’éditer un calendrier avec le ciel de chaque jour ». Deux oratoires disséminés dans la campagne environnante offrent des motifs de promenade pittoresques. Le premier se trouve sur le chemin de la Daballada, (de la descente) qui conduisait autrefois au lavoir municipal et mène aujourd’hui à l’aire de pique-nique. Le deuxième se dresse encore, quoique partiellement détruit, sur le sentier qui menait du château au cimetière. à son sommet, la niche s’est effondrée. « Tout indique qu’il y avait à l’origine quatre oratoires avec pour mission de protéger la commune à chaque point cardinal comme un conjurador éclaté. ils devaient également servir de station lors des processions » raconte Sandra, férue d’histoire régionale. En effet la présence dans l’église Saint étienne d’une « cadireta », une petite chaise permettant de transporter la statue du saint patron de la paroisse et d’une croix de procession semble étayer cette hypothèse. Juste en face du château se dresse le moulin à vent du village. Il correspond à une époque où ne régnait pas encore en maître la monoculture de la vigne. La présence de champs de céréales et d’oliveraies explique sa necessité, d’autant que Caramany est largement exposé aux vents, et notamment, à la tramontane.

Un pays d’eau

Le Fenouillèdes est réputé aride. Pourtant, Caramany est alimenté par trois sources. Il faut imaginer qu’ici vivaient non seulement des hommes, et au début du siècle ils étaient 500, mais aussi de très nombreux animaux de ferme (chevaux, mulets, moutons, cochons). Dans un premier temps, le village est allé puiser davantage d’eau au Rec d’en Serène, puis, lors de l’accès de tous à l’eau domestique, à la source de la Dout, qui remplit un gros réservoir de 150 m3. Sans compter que quatre autres villages baignent leurs pieds dans le lac de Caramany. Des villages occitans typés, vignerons, entourés de sentiers pleins de charme et de garrigues odorantes. à Cassagnes, le pays de l’écrivain Ludovic Massé, le sentier du barrage, spectaculaire, domine les flots. Couché sur sa jolie colline, Rasiguères, célèbre pour ses concerts et sa colonie britannique qui a même compté le Premier Ministre Edward Heath, est un véritable condensé de sud. Non loin de là s’élève un aqueduc romain pratiquement intact. Il s’agit du fleuron patrimonial d’Ansignan, une vraie merveille. Encore quelques encablures avant d’arriver au confluent de l’Agly et de la Désix, à côté de Trilla. Alors s’offre à vous, en étoile autour du lac et de ses villages, un immense terrain de jeux, entre effort, contemplation et halte tranquille. Les pêcheurs côtoient les chevalets de peintres du dimanche, les aires de pique-nique sont courues en toute saison et partout flotte comme un vent de liberté. Le lac de Caramany est un paysage qui libère et apaise. à consommer sans modération !

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