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Carnaval d’Amélie les Bains, simplement unique

04 Fév Carnaval d’Amélie les Bains, simplement unique

Le Carnaval d’Amélie est l’un des plus anciens de Catalogne-nord, et certainement le plus ritualisé. Venez vivre une semaine de tradition et de partage, de liesse populaire et de deuil festif au cœur du Vallespir et ouvrez une page unique dans votre album aux souvenirs.

C’est en 1888 que le Courrier de Céret mentionne pour la première fois une « cavalcade » carnavalesque à Amélie, mais bien sûr, la réalité  précède son écho, et les fêtes qui marquent l’entrée dans le Carême sont, en Vallespir, beaucoup plus anciennes que cette mention  dans la presse ! Il suffit de regarder un calendrier pour comprendre que le carnaval est une fête chrétienne majeure destinée à amener les gens en douceur vers les privations des quarante jours de Carême en leur offrant, juste avant, une semaine libératoire de libations et de mœurs libres qui commence par le jeudi gras et se termine par le mercredi des cendres. Chaque village a ensuite adapté ces préceptes dictés par l’église catholique selon ses spécificités culturelles. Ailleurs en Haut-Vallespir, les fêtes de résurgence du printemps sont matérialisées par la descente métaphorique de l’ours parmi les hommes, mais à Amélie, elles ont pris au fil des décennies un tour extrêmement particulier, certainement dicté par la présence, déjà, d’une population venue de l’extérieur, en attente de festivités et de marques identitaires d’ordre folklorique. Le Carnaval d’Amélie, c’est donc à la fois, dès le départ un amusement entre Améliens et un spectacle offert aux curistes, alors nombreux tout l’hiver puisque le climatisme battait son plein. Pourtant, des éléments identitaires très forts se mêlent dès le début à ce corso classique basé sur une cavalcade de chars fleuris et de groupes à pied costumés qui lancent fleurs et confetti sous les yeux ébahis des pensionnaires des hôtels penchés à leurs fenêtres comme nous le révèlent les vieilles photos et cartes postales. Mais bientôt, les choses vont évoluer vers davantage de sophistication et de technicité et les chars vont devenir thématiques, parfois satiriques, et requérir un savoir-faire que le papier crépon va porter à son excellence. Dès la mi-janvier, l’ancienne salle des fêtes du village de Palalda accueille des groupes de jeunes et de moins jeunes qui se livrent à la confection de la quinzaine, parfois la vingtaine de chars qui vont animer les deux grandes cavalcades. Tous les délires sont permis et même conseillés ! La facture de ces chars est souvent extraordinaire et n’a d’égal dans la dimension, que l’engagement des bénévoles qui consacrent des heures et des heures à fabriquer des fleurs et des structures métalliques dans un joyeux partage des tâches et des rires.  

Au rythme des cavalcades

La population, notablement augmentée de centaines de curieux, répond présent à ce rendez-vous hivernal festif. à chaque char correspondent des costumes particuliers et un code de couleurs. Le tout fera l’objet d’un concours dont le résultat sera annoncé Salle Trescases au cours d’un bal l’après-midi de la dernière cavalcade. Pendant une semaine tout est prétexte à se réjouir en musique ! Aux deux cavalcades rythmées par des batailles de confetti qui se déroulaient autrefois le dimanche et le mardi gras viennent s’ajouter de très forts éléments identitaires. Si forts qu’ils ont traversé les décennies sans prendre une ride ! Une des caractéristiques des fêtes carnavalesques reste leur côté satirique, souvent basé sur l’inversion du féminin et du masculin. à Amélie, un des clous de la fête est le « Casament tremblant », disons le mariage loufoque, un cortège nuptial grotesque dont la mariée est un homme travesti, justement choisi pour son caractère viril prononcé et sa corpulence. Il est bien sûr affublé des attributs féminins les plus caricaturaux comme des talons ou des bas-résilles, et d’un maquillage outrancier fait pour déclencher les rires. Tout le reste de la noce est à l’avenant ! Il y a pourtant plus autochtone encore. Chaque mercredi des cendres, avait autrefois lieu une procession parodique qui marquait l’entrée dans le Carême. Ce véritable pendant des fêtes de la Passion qui n’amène pas le Christ au Golgotha, mais bien Sa Majesté Carnaval au bûcher, ce sont les Grégoires, certainement nés d’une procession préexistante à Palalda miraculeusement épargné par la Peste. De nos jours, Sa Majesté ressemble à un grand Grégoire et répond au nom de Rousquille Premier, autres temps, autres mœurs. Des pénitents vêtus de blanc et coiffés soit d’une cagoule qui rappelle la procession de la Sanch, soit d’un bonnet de nuit défilent dans les rues, en jetant de la farine en lieu et place des cendres. Les plus facétieux ne manquent pas de sonner aux portes et d’arroser copieusement de farine l’imprudent qui s’aventure à ouvrir. Pour se reconnaître et ne pas se perdre, ils ont dessiné sur leur cagoule des signes cabalistiques. Tous se rangent derrière un garde suisse d’opérette tout de blanc vêtu et accompagnent une dépouille recouverte d’un drap blanc posée sur une échelle, figure métaphorique de la mort. La cobla, indispensable, joue un air très vieux et très lent, mélancolique à souhait « Adeu pobre Carnaval », répandu dans toutes les terres catalanes et occitanes. 

Bal des grégoires

Il n’y a pas de quoi se réjouir en effet puisque dans quelques heures commencera le Carême. Sur la place de la République, autour d’un grand bûcher ou trône sa Majesté Carnaval, les pénitents forment des cercles, se prosternent, gémissent et pleurent tandis que les flammes attaquent l’effigie. Ils s’élancent bientôt dans une folle ronde qui évoque les transes, se prosternent puis s‘élancent encore jusqu’à ce qu’il ne reste rien de Sa Majesté, sinon quelques braises. Il est temps, alors de se livrer à une autre tradition locale, le bal des Grégoire. Un des attraits de ce bal, c’est de ne pas savoir avec qui l’on danse, autre grand classique des temps de carnaval et version locale du bal masqué ! Voilà qui n’empêche pas le plaisir de la danse, avec ce supplément d’âme qu’ont les bals de village, quand chacun ou presque met ses pas, non seulement dans ceux de son cavalier ou sa cavalière, mais dans ceux de générations de danseurs ! Question bals, il y a encore une curiosité amélienne, celui du Tio-tio… 

Jadis, Carnaval le lundi

Dans une salle des fêtes comble, des carnavaliers en longue chemise de nuit arborent une sorte de queue en papier tandis que d’autres brandissent une chandelle allumée. Le jeu commence au son d’une vieille chanson entonnée par tous les spectateurs « ja te l’encendré el tio tio, ja te l’encendré, el tio de paper » (je l’allumerai, ta bûche de papier). Ce rituel catalan a gardé toute sa fraîcheur et ses fervents partisans et ne manque jamais de faire rire. Bien sûr, les enfants déjà très actifs sur les chars ne sont pas en reste pour les bals. Autrefois, le leur avait lieu le lundi : pendant des semaines, les mamans rivalisaient de talent et d’imagination pour créer de somptueux costumes qui souvent empruntaient à l’histoire. Changement de cap avec les nouvelles générations : les enfants bougent davantage, les panoplies se vendent dans le commerce et l’essentiel reste de s’amuser en dégustant le goûter offert par le Comité des Fêtes, mais l’esprit de carnaval est là et il fait briller les yeux des plus jeunes. Vie moderne oblige, comme pour d’autres fêtes d’origine liturgique, tout a changé et le sacro-saint week-end a imposé sa loi et émoussé le sens des rituels. L’école et les entreprises, autrefois promptes à fermer leurs portes pour laisser la préséance à la tradition ont changé de cap. Le premier week-end est consacré au bal d’enfants et à la première cavalcade, le second aux Grégoires, à la deuxième cavalcade et au Tio Tio. Mais la cohérence profonde de la fête avec les autres fêtes de la vallée, sa fonction de lien entre les Améliens et les visiteurs qu’ils soient voisins ou curistes, et surtout son authenticité n’ont pas bougé d’un iota. Résultat : un moment festif, coloré, vivant et intergénérationnel qui explose de joie et d’énergie en plein cœur de l’hiver! Cette année les fêtes s’annoncent du 28 février au 7 mars, à vos agendas, entrez dans la ronde, Amélie / Els Banys vous attend !

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