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Comme un nid dans les Aspres

30 Mar Comme un nid dans les Aspres

Dans un terroir à l’ADN paysan, on ne compte plus les mas et leurs dépendances. L’appareil local de galets de rivière, de pierres et de briques, trouve à s’étendre partout, du moindre casot à la maison de maître, et nimbe l’architecture d’un halo orangé. De qui donner des envies de Robinson…

Il y a somme toute assez peu d’hôtels dans le secteur des Aspres. Le tourisme ne s’y est développé qu’assez récemment et sa proximité avec toutes les autres composantes du département permettait des excursions répétées de courtes périodes. Pourtant, les temps changent et les touristes privilégient désormais l’immersion et les expériences partagées, notamment sur des séjours plus longs. C’est donc tout naturellement que les locaux, il faut le dire, au départ guidés par des néo-ruraux, notamment étrangers, ont commencé à ouvrir leurs maisons, à en créer d’autres ad hoc, à prévoir des extensions à louer, revenant aux racines même du métier d’hôtelier. Quasiment tous les ouvrages humains issus de la société paysanne du XIXe siècle nichent dans l’écrin des arbres et des vignes, parfois entourés élégamment de vergers généreux et de jardins. De quoi donner des envies de vacances tranquilles et actives à la fois. Devant vous, autour de vous, des dizaines de pistes cyclables, de départementales perdues, de chemins forestiers vous attendent pour vous offrir l’inattendu d’une source, d’un Christ Roman perché dans la montagne ou la surprise d’un cours d’eau. Où que vous soyez vous êtes toujours à quelques encablures de la ville de Thuir, de son shopping et d’événements culturels aussi nombreux qu’éclectiques. Dans un tel contexte, si vous aimez doser votre degré d’indépendance et ne renoncer ni au confort d’un service hôtelier ni au libre arbitre d’un meublé, les Aspres ont ce qu’il vous faut avec presque une centaine de chambres d’hôtes et de gîtes classés ou non classés, pour la plupart ornés de belles piscines. Il y a même des gîtes en ville, pour ceux qui ne veulent décidément renoncer à rien ! Beaucoup disposent d’une piscine, indispensable dès la fin du printemps, et un bon tiers accueille nos amis à quatre pattes ! Le tout dans une incroyable variété de décors et de styles, avec des labels et des classements clairs qui vous mettent à l’abri de toute mauvaise surprise.

Tous les enchantements

Les gîtes et chambres d’hôtes dessinent une sorte de jalonnement de charme qui mène de village en village, et inventent un tourisme vert de haute tenue, digne du patrimoine exceptionnel de ce balcon sur la plaine et la mer. Ils dessinent des itinérances qui n’ont cessé de parcourir cette terre au fil des siècles : travailleurs des mines de fer, ermites apportant la bonne parole dans les mas, fugitifs de la guerre d’Espagne, résistants à l’occupant allemand… Traverser les Aspres c’est aussi et d’abord mettre vos pas dans les leurs.  C’est imaginer le dur travail des charbonniers, celui des passeurs de toutes les guerres, aussi, entre France et Espagne. Une leçon constante d’histoire, de géographie, de géologie, à apprendre l’air de rien qui vous entraîne aux racines les plus lointaines du territoire. Le réseau des canaux d’irrigation dans la partie plane des Aspres, et surtout le canal de Thuir, véritable rivière locale, vous feront découvrir à la fois la gloire des Rois de Majorque qui eurent l’idée de détourner une partie du cours de la Têt pour irriguer la plaine et fournir en eau le Palais des Rois de Majorque avec le magnifique ouvrage de Las Canals, et celle des Templiers principaux acteurs de l’assèchement de la plaine autrefois marécageuse par d’importants ouvrages de drainage. Ils ont laissé au Mas Deu les ruines de leur commanderie et survivent dans le toponyme de Sainte Colombe. Les fortifications, les châteaux et notamment le village pratiquement intact de Castelnou  racontent une histoire mouvementée de vicomtés et de vassalités qui se prolonge dans les villages perchés des contreforts comme le charmant village de Camélas. Il est des lieux des Aspres où le temps semble s’être littéralement arrêté. Il faut alors écouter les histoires que racontent les fontaines comme celle de l’Esquirol à Oms celle de la chapelle de Saint Amand, à Montauriol ou celle de Sant Magí sur la route de Taulis avec sa table de pierre. Toutes celles qui ont décidé de l’implantation des mas. Sans eau, en effet, pas de survie ni de culture possible, donc un mas égale une source, c‘est l‘équation de toute vie en montagne. Et puis des rivières : le Boulès, L’Ample, où le regretté Jean Capdeville aimait à capter le reflet des eaux, la Ribera, à Montauriol et ces lits de rivière pierreux et arides qui se transforment en oueds redoutables au moindre orage, malgré des passages à gué à fleur d‘eau : le Reart, la Canterrane… Les villages de pierres et de briques, façades quasiment fermées au nord pour éviter les colères de la tramontane, sont agrippés aux pentes et vivent à l’heure d’autrefois comme Saint Michel de Llotes avec son écomusée de l’agriculture catalane. Ils ont des noms qui fleurent bon la Catalogne et résistent aux prononciations nordistes : Fourques, Llauro, Caixas, Calmeilles, Terrats…

Havres de paix

Beaucoup d’étrangers, belges et britanniques pour la plupart, beaucoup d’artistes aussi, n’ont pas résisté à la beauté des lumières et à ce temps qui semble se mesurer différemment, comme dompté par la dureté de la terre et la puissance des éléments. Ici, tout semble immuable. En se concentrant, on entend encore dans le lointain le tintement des grelots des brebis et des chèvres sur les drailles, et les rares prairies s’ornent souvent d’un village de ruches. Les arbres ont tôt fait de joindre leur canopée pour masquer les routes et donner naissance à une mer verte et ocre qui aligne sans fin ses vagues hautes jusqu’à la plaine. Parfois, les sangliers, habitants immémoriaux des lieux, ont tracé de véritables lits de ruisseaux et creusé de leur groin des excavations sous les arbres, à la recherche de glands. Lorsque le soir venu, les jambes fourbues et les yeux encore pleins des multiple soleils de cette terre rude, vous rentrerez dormir dans l’une ou l’autre de ces demeures faites pour votre repos de voyageur heureux, les Aspres vous habiteront autant que vous les habiterez. Ça se passe comme ça ici. C’est pour la vie.

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