01 Sep Des sources miraculeuses
Si l’histoire et les Romains en avaient décidé autrement, Amélie serait devenue une grande ville, et le visage du Vallespir en eût été changé. Journal dune renaissance.
Elle n’a pas le patrimoine des autres villages mais possède le trésor médiéval de Palalda. Elle est moins rurale mais cosmopolite, ouverte. Après trente ans de nostalgie, Amélie est de retour.
Des sources miraculeuses
Séduits par les sources naturellement chaudes qui sortaient de la montagne, les Romains soucieux de construire de riches villas patriciennes disposant de tout le confort moderne de l’époque : salles de bains et chauffage central, s’établirent juste à la sortie des gorges du Mondony où ils créèrent des thermes encore visibles aujourd’hui : la piscine, de 2 m de profondeur sur 22 m de long et 12 m de large, n’a rien à envier à ses avatars contemporains. Toutefois, ce noyau de population excentré, qui devait prendre plus tard le nom d’Escalcadou ne se développa pas.
L’escaldadou
Les Wisigoths, peu friands d’ablutions et de bains laissèrent les lieux péricliter jusqu’à ce que Charlemagne ne les offre aux religieux de l’abbaye d’Arles. Ils prirent alors le nom de « Banys d’Arles » et la totalité du territoire fut évangélisée. Jusqu’au XIXe siècle, l’usage des thermes se limita à une utilisation domestique : la population soignait ses blessures à la source du Montjolet, réputée pour accélérer les processus de cicatrisation, faisait sa vaisselle et ses lessives à l’eau chaude sulfureuse et s’y baignait. Avec le XVIIe arrive toutefois d’Italie et d’Allemagne la tradition des villes d’eau qui allient villégiature des élites, amusements, et objectifs thérapeutiques. Un visionnaire va transformer els Banys d’Arles, le baron Hermabessière. En 1813, il réalise des travaux pharaoniques d’agrandissement des thermes : très vite, en plein romantisme, le caractère sauvage et indomptable du Vallespir, allié à la modernité des équipements, séduit élégantes et dandies et la station devient à la mode au point de fasciner l’épouse de Louis-Philippe. Amélie est née.
Le visionnaire, Hermabessière
En 1853, le ministère de la Défense acquiert un parc énorme qui borde le Mondony et construit un hôpital militaire. Le destin de la station est tracé : les blessés de guerre y croisent une riche clientèle de curistes venus autant pour le climat que pour les eaux, des villas naissent sur les collines et au creux des vallons, dont la diversité architecturale trahit la diversité des origines des curistes. Les hôtels, les meublés, le casino, drainent des clients fidèles qui viennent aussi en famille. Il faut dire qu’Amélie a tout compris au tourisme avant la lettre par un savant dosage de fêtes, de tradition, et d’activités sportives parmi lesquelles la « piscine » des gorges du Mondony, creusée à fleur de gouffre joue un rôle essentiel.
L’Après-guerre
L’Aiguät sera particulièrement cruel pour la station qui compte ses morts mais plus ses bâtiments détruits ou emportés par la colère du seigneur des montagnes : le Tech. Une page vient de se tourner. Après la guerre de 1945, l’état allemand paye des cures aux déportés ayant échappé aux camps : la ville parle alors tous les accents de France, et le yiddish se mêle au catalan rude du cru pour la plus grande joie des commerçants heureux de recevoir cette clientèle cultivée et particulièrement en quête de produits de qualité. Les plaques de médecins le disputent alors aux frontons d’hôtels. Pendant les Trente Glorieuses, Amélie reste une station prisée et huppée.
Le déclin
Tout change à partir du milieu des années 70. Les cures apparaissent ringardes, coiffées au poteau par les séjours ludiques à la mer et à la montagne et prises à revers par une médicalisation accrue des maladies chroniques. La station s’endort dans la contemplation de ses riches heures passées et l’afflux de population extérieure rend plus rare l’usage de la langue catalane. Les séjours payés par la sécurité sociale, s’ils ont permis une démocratisation des soins, ont également chassé les clients en quête de haut de gamme et d’exclusivité.
Le renouveau
Pourtant les signes du renouveau sont là : le tourisme vert possède ici un paradis de rivières, de cascades, de forêts. Le patrimoine du Vallespir est inépuisable, l’offre culturelle étalée sur les quatre saisons. Les médecines douces retrouvent leurs lettres de noblesse et les traitements de bien-être en sont devenus l’étendard. Le trésor de l’eau chaude et bienfaisante appartient aux générations qui vont venir. Au lavoir, un temps abandonné mais toujours généreux, on lave les tapis et on blanchit les chemises grâce au miracle du soufre. Et quand le soleil s’en va, du côté de Montbolo, on se prend à croire que l’aube nouvelle de la vallée est pour demain.
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