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El Vendrell, l’autre port de Vénus

28 Sep El Vendrell, l’autre port de Vénus

Longtemps enraciné dans la culture de la vigne et du liège, passionnément tourné vers le large et la lointaine Caraïbe, El Vendrell a été peuplé par les Romains, s’est offert un destin de station thermale au XXe siècle et a acquis ses lettres de haute noblesse par la culture, notamment à travers la figure de Casals.  

El Vendrell ressemble à une ode à la Costa Daurada.  Dans sa partie littorale, le village s’alanguit à l’envi, étirant des plages longues, blondes, entourées de grands bâtiments blancs, tantôt immeubles résidentiels, tantôt belles villas les pieds dans l’eau. Situées à 3 km environ du centre de la ville, les plages des quartiers maritimes de Sant Salvador, Coma-Ruga et El Francàs constituent l’un des principaux attraits de la commune et sont fédérées par la finesse de leur sable et cette impression horizontale qui appelle l’infini. Sous ce soleil doré, on pense à la belle chanson « En Méditerranée » de Georges Moustaki, « ici, vraiment, il y a un bel été qui ne craint pas l’automne ». Même la baignade reste possible quand les journées sont belles. Les plaisirs de l’eau sont bien là même s’il est vrai que le crépuscule ensanglante les flots dès la fin d’après-midi, offrant de longues soirées qui invitent à flâner. Raison de plus pour longer la mer, en parcourant la promenade maritime, et d’y admirer les demeures noucentistes, notamment l’ancien hôpital Sant Joan de Deu devenu un hôtel 5 étoiles sans rien perdre de la beauté de son architecture. Ces maisons signent une ère de prospérité due au négoce de l’eau-de-vie locale, du vin et du liège, un triptyque viticole gagnant. La grande plage de Sant Salvador, celle où trône la maison-musée de Pau Casals, un ensemble magnifique sur lequel nous reviendrons, s’agrémente d’une très belle zone humide d’une trentaine d’hectares, Les Madriguères, située autour de l’ancien cours du ruisseau la Bisbal et de terres inondables. Vous y trouverez des paysages de sable et de dunes, des lagunes littorales où poussent ajoncs, roseaux et garrigue, tout un écosystème de mini-Camargue inattendu. Une belle promenade en vue, dorée par le soleil de l’automne naissant. Au sud, encore, s’étend la plage de Coma-Ruga, traversée par un petit ruisseau où coule une eau thermale d’une température de 21 degrés, seul vestige d’anciens thermes aujourd’hui disparus. Des palmiers imposants et le geste gracile d’une petite passerelle embellissent l’endroit toujours très fréquenté. Vous allez l’adorer ! Les plus téméraires pourront profiter de la réserve marine de la Masia Blanca et croiser des fonds barrés de colonies de coraux, tapissés de grandes prairies de posidonies que sillonnent dorades et mérous, entrecoupant la danse des poulpes et des seiches. Une vraie merveille, colorée, vivante, à pratiquer en snorkeling.

Un village authentique

Et sinon, le farniente sur les transats n’a pas son égal, surtout un verre de vermouth à la main, à moins que vous ne préfériez pousser vos pas vers le petit port de plaisance et y écouter la chanson des haubans et des bastingages dansant sous le vent léger. Ce côté mer avec ses longues et larges avenues, le sable qui s’invite sur le macadam et ses jardins exubérants, est adossé à la vieille ville, un joli dédale de rues étroites aux façades ocres ornées de balcons en fer forgé et de grands portails qui respirent le sud de la Catalogne et semblent rêver d’Amériques. Son développement est dû à sa situation géographique, sur le tracé du Cami Ral (chemin royal) qui reliait Barcelone à Tarragone, naturellement calqué sur la Via Augusta. L’église Sant Salvador, purement baroque, avec son fronton majestueux, abrite un des plus beaux orgues de la péninsule ibérique. C’est ici que le père de Casals était organiste et maître de musique, deux titres pleins de promesses qui masquaient déjà une situation sociale difficile. Là aussi que le jeune Pau a connu ses premières émotions musicales. Les rues sont trouées de jolies placettes, ornées tantôt d’un joli banc central de marbre blanc, tantôt d’un palmier altier. Au détour d’une rue, le blanc immaculé d’une façade ornée de mosaïques bleues éclabousse le regard. La ville est animée et commerçante et ne ressemble pas à ses excroissances côtières dont l’urbanisation est somme toute récente. Elle a su garder une belle authenticité qui exhale encore ses origines paysannes et terriennes. Vous allez y croiser la maison natale de Pau Casals, que vous pourrez visiter, à la fois noble et modeste. La comparaison avec la villa de la plage de Sant Salvador est édifiante ! Un peu plus loin vous attend la demeure d’un autre génie catalan, le grand dramaturge et poète Àngel Guimerà, auteur de « Terra Baixa », l’une des pièces de théâtre les plus représentées et traduites de la langue catalane. Ce petit port dévolu à Vénus distille une séduction puissante sur tous ceux qui sont en quête de beauté et agit comme un puissant catalyseur artistique. Dans les années 50, le sculpteur Apel·les Fenosa, ami d’Eluard, de Picasso ou encore de Cocteau y a acquis un ancien presbytère du XVIe siècle. Il l’a entouré d’un jardin méditerranéen de toute beauté pour y installer son atelier et  y planter une véritable forêt de sculptures originales en terre cuite et en plâtre, ainsi qu’une sélection de bronzes monumentaux. Une grande figure de collectionneur, Antoni Deu Font, notaire de son état, installé dans un bel hôtel particulier, Cal Rabassó, a également émergé de ce contexte bouillonnant. Sa collection de 2800 pièces est digne des plus grands musées catalans et embrasse des domaines les plus divers sous le sceau de l’excellence, peinture, statues, tapis, orfèvrerie, verrerie… Au fil des rues, vous ressentirez comme une caresse de dolce vita, une force tranquille et sereine.

Un air de Porto Rico

Les habitants adorent le parc Fondo del Mata, une plongée dans la nature agrémentée de chemins ombragés et de deux jolis étangs où il est doux de se promener ou de se reposer. Une bonne préparation si vous voulez marcher dans la campagne environnante et pourquoi pas, le faire en marche nordique, au cœur des zones montagneuses qui entourent le village, plantées d’oliveraies et de vignes, striées de murettes de pierres sèches dont le point culminant, au Puig Lleó, n’excède pas 312 m. Une partie de la végétation porte encore les stigmates d’un grand incendie, mais la vie a repris ses droits en rejets vert tendre et petits bois ressuscités. Un œil exercé distingue les anciennes vignes, abandonnées pour cause de phylloxéra il y a bien longtemps et dont beaucoup ont laissé la place à un nouveau vignoble vivace et généreux. Pour une promenade plus culturelle, vous pouvez-vous diriger vers la jolie demeure que Casals a fait construire là où s’élevaient hangars et entrepôts, disposés comme autant de docks, le long du quai. Au gré des agrandissements et des transformations s’est dessinée une sorte de cité idéale, faite pour accueillir des amis, accéder directement à la plage, jouer au tennis et surtout, partager de merveilleux moments musicaux sans rien sacrifier d’une vie plus tribale que familiale. Les meubles semblent se souvenir de la dernière nuit catalane de Pau, en 1938. à la fois émouvante et grandiose, la villa est à elle seule une synthèse de la personnalité complexe du Maître et de son expression musicale inégalée. Le jardin de type néoclassique, méditerranéen, se laisse parcourir avec bonheur dans les brises iodées et soutenues de l’automne et semble faire un clin d’œil appuyé à ses origines portoricaines. Restaurant et boutique font de cette pause une escale enchantée dont vous garderez le souvenir lumineux d’un compagnonnage passager avec le plus grand violoncelliste du monde. El Vendrell, vous le voyez, est doux à l’âme et au corps, plein de musique et d’images, amoureux de la montagne et amant du grand large, digne héritier de sa dualité paysanne et maritime. Vous aimerez déguster un cava ou un blanc local, les yeux sur l’horizon, un air têtu de violoncelle en tête, en rêvant d’îles lointaines nimbées de l’or du crépuscule. Comme le dit si bien Àngel Guimerà : « Adéu vila regalada, / adéu vila del Vendrell, / que fas una olor mesclada, / de garrofa i de vi novell ». Adieu jolie ville, adieu ville d’El Vendrell, dans tes senteurs mêlées de caroube et de vin nouveau ».

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