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La Cathédrale d’Elne, une cathédrale en son jardin de pierres

31 Jan La Cathédrale d’Elne, une cathédrale en son jardin de pierres

L’ensemble cathédral d’Elne est une des merveilles de l’art sacré catalan, à la fois par sa situation géographique, perchée sur un oppidum qui domine la plaine du Roussillon et par sa facture sur plusieurs siècles qui en fait une encyclopédie de pierre.

On doit aux Wisigoths la création de l’évêché d’Elne en 571. Dédiée à Sainte Julie et à Sainte Eulalie de Mérida, elle était le siège de l’évêque d’Elne dont le diocèse recouvrait les comarques catalanes du Roussillon, du Vallespir et du Conflent, du VIe siècle jusqu’en 1602. Son cloître attenant est demeuré intact et rassemble, en un seul monument, toute l’évolution de la sculpture médiévale en Roussillon. à partir du milieu du VIIIe siècle, Charlemagne reconquit et pacifia progressivement la région. Le comté du Roussillon fut créé. Les alliances féodales et la perte progressive de pouvoir des Carolingiens, firent agréger le comté du Roussillon à celui de Barcelone. Après l’occupation musulmane du début du VIIIe siècle, les liens entre les comtes catalans et leurs lointains suzerains francs se distendent, si bien que le Roussillon devient vassal direct de Barcelone. L’autel majeur a été consacré en 1069, date qui figure sur la table d’autel. à la fin du XIIIe siècle, Philippe le Hardi, Roi de France, entrepris sa « Croisade contre les Catalans ». En lutte contre le Roi d’Aragon et le comte de Barcelone, il prit la ville d’Elne et l’incendia en partie. La cathédrale en garde des traces, notamment sur le marbre de son portail.

Après les réparations du désastre, les évêques d’Elne formèrent le projet d’agrandir leur cathédrale, dominée par son grand clocher tour. La basilique pouvait paraître bien vieille et archaïque en cette période de gothique triomphant. Une collecte fut organisée. Mais les revenus furent trop faibles pour réaliser cette nouvelle cathédrale. Seul le chœur fut construit, celui-là même que l’on voit toujours de nos jours : un vaste chevet gothique à sept chapelles rayonnantes. Les fonds permirent également de remanier le bas-côté sud par l’adjonction de chapelles. L’essor de la ville de Perpignan pendant l’éphémère mais pourtant somptueux Royaume de Majorque, marqua le déclin d’Elne. La ville de Perpignan avaient entrepris deux siècles plutôt la construction d’une église dédiée à Saint Jean-Baptiste. Rappelons que Perpignan est alors la capitale continentale du Royaume de Majorque, et à ce titre, le cadre de chantiers absolument somptueux qui ont laissé à la ville une véritable magnificence gothique avec l’hôtel de Ville, l’église de la Réal, le Palais de la Diputació, l’ancien hôpital ou encore de nombreux couvents. Les évêques, qui étaient chapelains majeurs de la collégiale de Perpignan obtinrent en 1601 de transférer officiellement leur résidence à Perpignan, même si le siège de l’évêché resta à Elne jusqu’en 1801. La collégiale Saint-Jean de Perpignan devint alors officiellement la nouvelle cathédrale. Les chanoines firent ériger au XIXe siècle un baldaquin « à la française » inspiré de modèles parisiens qui jure quelque peu avec l’ensemble, pourtant de dimensions assez colossales. Le chevet possède trois absides ornées de pilastres surmontés de fausses arcades. L’abside centrale est entourée d’un déambulatoire qui s’ouvre sur de petites chapelles. Le tout est renforcé de deux arcs-boutants. à l’extérieur, la façade occidentale a tout d’une bastide alors que son pendant est percé d’un portail roman en marbre blanc de Céret d’une grande élégance puisée à sa belle sobriété. La nef très vaste, en plein cintre, est précédée d’un narthex dont les deux travées soutiennent l’orgue tandis que les six chapelles sont voûtées en croisée d’ogives et donnent à lire les évolutions de l’architecture gothique catalane. Le chœur n’est précédé d’aucun transept. La présence de chapiteaux sculptés permet une transition amorcée vers l’émerveillement du cloître. 

Un cloître magistral

Le mobilier est remarquable avec un bénitier de marbre blanc et le retable de Saint Michel. La sculpture est présente à l’intérieur de l’église, ce qui est relativement rare en Roussillon. Les chapiteaux de la partie orientale apportent un précieux témoignage de la sculpture romane en Roussillon du milieu du XIe siècle, de facto antérieure à celle des grands ateliers du siècle suivant. Le cloître est une pure merveille de l’art roman mais aussi du gothique, catalan. Il n’a pas été construit par des moines, mais bien par des chanoines puisqu’il s’agit au départ d’un cloître de cathédrale. Ces derniers y disposaient donc d’écritoires et de cellules. L’érection a demandé quelques étapes. La galerie sud durant le XIIe siècle, la galerie est au début du XIIIe, la galerie nord fin du XIIIe et enfin la galerie ouest au début du XIVe. Les factures et les thèmes, l’appréhension de l’espace même du chapiteau, changent suivant les époques et offrent une cartographie fidèle des ateliers locaux. Chacune des galeries possède cinq piliers quadrangulaires et huit colonnes géminées unies par une voûte. Tout est entièrement réalisé en marbre de Céret. L’espace central est occupé par un jardin sur lequel, étrangement, ne s’ouvre aucune porte. La sculpture de la galerie-sud est totalement romane, héritière des ateliers de Serrabonne et de Cuxa avec un lexique de thèmes végétaux et animaux, mais le pilier central est historié. Les parois intérieures arborent des tombes de prélats. Une grande porte de marbre rose donne accès à la cathédrale. La galerie-ouest est une copie des sculptures de la galerie-sud dont certains chapiteaux sont traités en style gothique. Dans la galerie nord on note la coexistence de chapiteaux de style gothique et roman, toujours avec des motifs végétaux et animaux, mais cette fois-ci une seule scène historiée. Enfin, la galerie-est, pleinement gothique, est décorée d’un cycle narrant l’enfance du Christ et en pendant, la passion du Christ sur les murs extérieurs. Malgré la beauté de l’ensemble, les deux dernières galeries sont assez pauvres dans leur décoration et plus frustres dans leur facture que les deux plus anciennes. On trouve aussi dans le cloître deux sépultures dues au ciseau de Ramon de Bianya, à savoir Ramon de Vilallonga (1216) et Ferran del Soler (1203). Tous les bâtiments qui jouxtent le cloître sont occupés par des salles d’histoire et d’archéologie qui abritent différents objets de fouilles. La pièce la plus remarquable est une armoire liturgique de la fin du XIVe siècle, décorée d’une vierge allaitante.

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