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LA CÔTE DES MERVEILLES

01 Août LA CÔTE DES MERVEILLES

Côte Vermeille : Le nom à lui seul parle de métaux précieux, de soleil et de vins solaires, et il annonce parfaitement la couleur de ces 38 km d’enchantement entre vignes escarpées, villages de charme et l’éternité tranquille des flots.

Lorsque le comité du tourisme départemental des Pyrénées-Orientales s’est penché, en 1912, sur l’appellation de la côte rocheuse, entre le Racou et Port-Bou, ses membres ont spontanément axé leur réflexion autour de la couleur rouge, hésitant entre « côte d’amour » et « côte de rubis ». Comment traduire, en effet, ce soleil ardent sur des terres ocres ? Comment ne pas trahir l’or des falaises en intégrant la lumière pure ? Entre réminiscences renaissantes de « vin vermeil » et rime riche avec « soleil », les dés sont jetés. Ce sera « côte vermeille », l’argent pur de la mer et l’or ardent du soleil ! Nul doute aussi que la proche homophonie avec « merveille », qui est également son anagramme parfait, a influencé le choix du nom. Ce dernier évoque immédiatement une corne d’abondance et rappelle, peut-être de manière involontaire, les couleurs sang et or emblématiques de la Catalogne ! Tout commence sur la plage douce du Racou, à l’endroit même où Étienne Terrus, ami et pair des Fauves, posait son chevalet. C’est ici que le premier rocher des Albères se cambre majestueusement, formant des masses brunes au-dessus de la mer et donne naissance à un monde minéral de grandes criques échancrées. Les plages étroites, où le sable grossier cède progressivement la place à la douceur lisse des galets roulés, ajoutent à la magie du lieu. Là aussi, que la baie de Collioure, la rade profonde de Port-Vendres, l’anse parfaite de Banyuls ou les allures de petit fjord de Cerbère, ont invité de toute antiquité les marins à accoster. Chaque cap aventureux s’élance vers le large, intrépide, comme un messager de leur maître plus au sud, le Cap de Creus. Le paysage est grandiose. Très haut derrière, une tour de guet majorquine, perchée sur un piton, joue les vigies. C’est la Tour de Madeloc !

Des armées impeccables de ceps de vignes couronnés de vert dévalent des collines vers la mer, s’arrêtant presque à fleur de falaise. Les ravins creusés pour laisser place à l’eau de pluie ajoutent au charme rustique. Les toits de tuiles orange des casots parsèment une toile pittoresque. Devant ces gradins nés du labeur de l’homme, la mer règne dans son immensité. À partir du Racou (le coin abrité, en catalan), le sentier littoral prend son élan pour mener à Collioure, coup de foudre des Fauves et familière des cimaises des plus grands musées du monde. Avant de vous laisser glisser vers ce bleu désirable, prenez donc le chemin des vignes perchées et du petit hameau du Rimbau, minéral et pittoresque, veillé par la sublime hêtraie de La Massane. Vous reviendrez ensuite, après un clin d’œil au petit ermitage de Consolation et à ses ex-voto de marins, au clocher aux allures de phare, qui avance dans la baie et semble entraîner dans son sillage la nef de l’église baroque. Au pied du château imposant, érigé par les Rois de Majorque et orné de belles fenêtres géminées, se dessinent deux petits ports. Le port de pêche, entouré de ruelles pentues plantées de petites maisons aux façades ocres et mauves, délimite le vieux quartier d’El Moré. Le reste du village, le long de la rivière souvent à sec, le Douy, adosse ses rues bordées de petites boutiques et de galeries de peinture à l’énorme glacis construit par Vauban. De l’autre côté, le Port d’Avall aligne sa plage de galets contre un joli parc côtier. Il annonce l’ancien couvent des Dominicains, devenu cellier de haut vol pour les vins du cru, les collections modernes exceptionnelles du musée et les ailes de l’ancien moulin. Immuables, les barques catalanes à voile latine, aux couleurs chaudes, se laissent bercer par quelques sardanes murmurées par les flots le long de la jetée, comme dans la chanson de Trenet. Ici, longtemps, on a ramené dans les filets des anchois et des sardines attirés par les lamparos au cœur de la nuit, et les femmes affairées réparaient au soleil les immenses filets de pêche. Des grands cadres évidés invitent les passants à s’offrir un tableau unique de Collioure, la ville qui aime les couleurs à la folie. Deux criques plus loin, juste le temps de deux criques, Port-Vendres pointe ses premières maisons. Attention, deux millénaires d’histoire vous contemplent ici, dans une rade si belle que les Romains l’ont dédiée à Vénus, en l’appelant « Portus Veneris » !

Au fil des siècles, cette magnifique cité a connu de nombreuses époques avant de devenir l’un des grands ports de pêche du sud du golfe du Lion, spécialisé dans le commerce de fruits et légumes, et un grand pourvoyeur du marché international de Saint Charles. Au XVIIIe siècle, elle connaît même un embryon de destin royal, quand Louis XVI décide de renforcer le port, plus pratique et plus grand que son voisin colliourenc. Il fait construire la redoute Mailly, la grande esplanade et un magnifique obélisque en son honneur. Mais ce rêve de grandeur est rapidement emporté par l’histoire, notamment par la Révolution Française, qui ramène le petit port à son modeste destin commercial. Bientôt, la colonisation de l’Afrique du Nord et les liens avec l’Algérie dessinent d’autres perspectives.D’ailleurs, en 1962, c’est à Port-Vendres qu’accostent les rapatriés, un peu troublés d’entendre sur les quais une langue connue de leurs parents et grands-parents, souvent arrivés des Baléares ou du Pays Valencien. Port-Vendres n’a pas la beauté insolente de Collioure, mais elle possède une âme multiple à découvrir. Sur une grande jetée, des maisons perchées encadrent la façade lisse d’une église blanche au clocher élancé. Les quais, peuplés d’embarcations de toutes tailles, bordent une sorte de ville haute, perchée à flanc de coteau, avec ses jolies petites rues. Un air de Méditerranée éternelle flotte sur l’ensemble, ouvert aux vents du large, et allie harmonieusement présence militaire, passé royal, passé romain, et fusion réussie entre pieds-noirs et Catalans. Offrez-vous donc une petite escapade sur le sentier littoral vers le phare du Cap Béar, à 800 mètres à peine, et laissez-vous envelopper par la tramontane ! Une halte bienvenue s’offre à vous en baie de Paulilles, un véritable joyau de la Côte Vermeille. Entre dégustation d’excellents crus, découverte de l’ancienne usine de poudre Nobel, conservatoire des barques catalanes et exploration de sentiers sous-marins, ce lieu magique est sublimé par un jardin botanique aux fragrances exquises. En face, ou presque, de l’autre côté de la route, le hameau de Cosprons et son château fort vous attendent, ainsi que la vinaigrerie locale, un must. Une grande montée, précédée de la très lisse, très ronde baie des Elmes, annonce l’éblouissement. La baie de Banyuls, somptueuse, offre au regard son arrondi parfait et ses maisons de pêcheurs adossées à la colline. La ville s’étend vers l’intérieur des terres le long de grandes avenues plantées de platanes et de petites rues commerçantes. Quelque chose d’authentique et préservé séduit le visiteur. Là-haut, dans les vignes impeccables, se blottit la Métairie, la demeure de l’immense Maillol, le grand artiste local glorifié par son petit musée. Une petite chapelle blanche qui semble sortir de quelque aquarelle peinte dans les Cyclades ressort dans le vert : c’est Notre-Dame de la Salette. Le front de mer est occupé par les tables et fauteuils des terrasses, toujours bondées, qui longent la plage de galets. Profitez de cette ambiance méditerranéenne chaleureuse et accueillante. Plus loin, beaucoup plus loin, Cerbère se blottit tout au fond d’une petite baie étroite. À l’entrée, un étrange paquebot blanc à l’étrave étroite et haute s’avance sur la route : c’est l’hôtel Belvédère du Rayon Vert, un ancien palace destiné aux voyageurs ferroviaires qui changeaient de train à Cerbère. D’ailleurs, la gare règne encore sur le site, énorme. Au passage, ne manquez pas de remarquer quelques belles maisons art-déco, avant de vous élancer sur la route vertigineuse qui mène au col qui fait office de frontière. Sur votre gauche, un peu de marche et vous voilà en route vers le Cap Cerbère, une avancée rocheuse de 30 hectares couronnée d’un phare, le tout dernier de l’hexagone avant l’Empordà. Les Albères, majestueuses, semblent descendre un mystérieux escalier pour entrer dans la mer. Plus au sud, la masse impréssionnante du Cap de Creus, creusée de criques et de falaises, capte le regard. Farouche, cette zone de falaises et de petites criques est à la fois le début de la Costa Brava et le final grandiose d’une fugue immémoriale qui se joue des perspectives. Votre regard, saturé de lumière et ivre de couleurs, peut maintenant se reposer sur le bleu hypnotique des flots. Explorez la Côte Vermeille et laissez-vous charmer par ses paysages époustouflants, son patrimoine riche et son atmosphère authentique.

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