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LA PAROLE DES PIERRES

05 Oct LA PAROLE DES PIERRES

Devant la majesté minérale et végétale du Montseny on oublierait presque qu’il est habité ! Pourtant les villages sont là, et ils expriment à travers leurs châteaux forts, leurs églises et leurs ermitages, le besoin insatiable des hommes en quête de protection terrestre ou divine.

Sur la forteresse végétale et minérale du Montseny, sans doute attiré par l’ombre des forêts et la profusion des eaux, l’homme s’est établi très tôt, comme le démontrent les nombreux outils préhistoriques découverts un peu partout et les quelques mégalithes qui s’élèvent près de la Serra de l’Arca. Le village de Montseny expose fièrement une partie de mur de cabane de berger couverte de signes arrondis qui semblent évoquer des étoiles et ne sont pas sans rappeler certaines inscriptions précolombiennes. Cet étrange élément semble indiquer la présence très ancienne du pastoralisme.

Des forteresses dans la forteresse

A El Brull vous attend le gisement ibère le plus important du massif qui remonte au VIIe siècle avant Jésus-Christ. Il s’agit de formidables remparts de 150 m de long et 3 mètres de large, doublés d’un fossé dont la fonction était de fermer la presqu’île de Montgròs. L’agencement et la taille des pierres montrent une incroyable maîtrise de la construction défensive comme vous le découvrirez au cours de la visite guidée, passionnante. « On est trop loin des routes de passage pour avoir des traces romaines, la grande époque architecturale du Montseny, c’est le Moyen-âge, le temps féodal, quand les gens ont quitté les plaines pour s’établir dans les montagnes plus sûres, loin des incursions sarrasines » explique David, serveur passionné par sa montagne. Effectivement, la route des châteaux s’impose. « En fait, le Montseny bloque le passage nord-sud et le passage est-ouest, son importance stratégique en faisait une énorme tour de guet » explique Martí, historien. Aller d’un château à l’autre permet de traverser tous les petits villages de charme qui peuplent le massif dans toute leur diversité architecturale et surtout d’ambiance. Seul point vraiment commun, une hospitalité immédiate et des rues animées. Sans quitter le Brull, cap sur le château du Xe siècle dont subsistent un mur et une tour d’angle, face à l’église. C’était un fief de la famille vicomtale d’Osona, qui donnera naissance à la puissante dynastie des Ducs de Cardona, les rois sans couronne maîtres du sel. à Sant Esteve de Palautordera, le château de Fluvià, daté de 1154 mais largement remanié, abrite intégralement l’église romane de Saint Cyprien.

D’église en ermitage

Situé sur une butte qui domine toute la vallée de la Tordera, il est entièrement crépi en rose. Au cœur de la ville, s’élève l’église de la Vierge del Remei, inaugurée en 1803, de style baroque et néoclassique. Le portail est surmonté d’un œil de bœuf et d’une iconographie en céramique représentant la vierge. Le clocher-mur allège l’ensemble. L’architecture d’influence mauresque se caractérise par des arches soutenant une terrasse et la présence d’une tour cylindrique. Dans les environs, son rival de toujours, le château de Montclús dresse de rares murs de pierres rondes partiellement rebâtis qui ont traversé les siècles malgré la destruction survenue en 1448, date d’un tremblement de terre. Dans le pays, il est connu sous le nom de « Castell dels moros », château des maures. Sans doute a-t-il été construit sur une ancienne casbah. Et on garde le meilleur pour la fin, la star locale, l’incroyable château de Montsoriu, intact sur son piton rocheux, joyau des vicomtes de Cabrera. Cette splendeur de l’architecture militaire gothique, à triple enceinte, a été construit entre le XIIe et le XIVe siècle. La visite demande une grosse demi-heure de marche préalable, mais la récompense est très largement à la hauteur de l’effort puisque la vue va jusqu’à la mer ! Dans un monde où l’habitat est particulièrement dispersé, ermitages et églises sont des buts de promenade accessibles et agréables, et ils sont le plus souvent de style roman. Tout près du château de Montclús, la petite église de Sainte Madeleine se laisse repérer grâce à sa jolie couronne de sombres cyprès. Les moines de Saint Marçal l’ont bâtie au XIe siècle pour y installer leur monastère, mais y ont finalement renoncé, ce qui n’empêche pas les habitants de la surnommer « Sant Marçal de Baix », Saint Marçal du Bas.

Non loin du joli lac de barrage, la chapelle romane de Santa Fe del Montseny est actuellement adossée au mur de l’hôtel éponyme qui a remplacé l’ancienne abbaye. Dès 1270, elle abritait une communauté d’anachorètes, puis plus tard un ermite permanent. Ne laissez pas de côté l’église la plus ancienne du massif du Montseny. Il s’agit de Sant Martí de Montseny d’Amunt, un petit joyau roman blotti dans un cadre magique. Partout, la montagne apporte une certaine solennité au moindre temple. à Breda, le monastère bénédictin trône en plein milieu du village. Il a conservé son clocher roman d’origine lombarde et le portail qui faisait partie du cloître a aujourd’hui disparu. Parfois, l’anecdote rattrape ces sites hautement symboliques : le petit ermitage montagnard de Santa Susana jouxte presque celui de Sant Elies de Vilamajor (XVIe). Leur construction est consécutive à une promesse des villageois formulée lors de deux années de sècheresse successive pour demander de la pluie et font toujours l’objet de ferventes processions ! Tous les Roussillonnais apprécieront Sant Esteve de la Costa del Montseny et son conjurador, assez semblable à celui de Serralongue, une tour ouverte aux quatre points cardinaux où le prêtre priait pour éloigner les intempéries ! à Sant Julià, l’église, romane à l’origine, a été largement remaniée, successivement en 1767 et 1872. Tout en haut d’un éperon rocheux haut de 1300 m situé au-dessus du Sanctuaire de Sant Segimon et de sa grotte transformée en chapelle, s’élève un ermitage du vertige, Sant Miquel, accessible au prix d’une ascension un peu sportive. « C’est unique, ces deux sanctuaires superposés, et ce n’est possible que parce qu’il y a cette incroyable falaise » souligne Anna, randonneuse. Et ce n’est pas fini, il vous reste à gagner, juste au-dessous du Matagalls, Saint Marçal, dont le monastère a été transformé en hôtel mais qui possède encore son église épurée. Le minuscule cimetière est bouleversant. Le Montseny a conservé toutes les peurs des hommes qui l’ont peuplé. En leur nom, il a levé des pierres, inventé des légendes et regardé le ciel, mille questions aux lèvres douces de ses arbres que le vent relaie religieusement.

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