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L’Apéritif catalan, entre tradition et saveurs…

06 Fév L’Apéritif catalan, entre tradition et saveurs…

Se mettre en appétit, en Catalogne, est une véritable tradition ! Dans un pays où l’on peut pratiquement toute l’année profiter des terrasses, que ce soit chez soi ou dans les cafés, le rite de l’apéritif est sacré. Il scelle les amitiés, soude les familles, facilite les affaires et délie les langues. Encore faut-il en connaître les codes secrets, du nord au sud. Il est clair qu’en Catalogne Nord, l’influence occitane et provençale se fait sentir avec le règne, encore flamboyant, des boissons anisées, notamment le pastis, dont les saveurs accompagnent merveilleusement le salé, en particulier les olives et les anchois. Autrefois, on le fabriquait dans les cuisines en faisant macérer de l’aneth dans de l’alcool. C’était le 3/6, la boisson préférée des hommes au travail. On le servait en version perroquet (avec de la menthe), tomate (avec de la grenadine) ou encore mauresque (avec du sirop d’orgeat). Pour autant le vin se bat vaillamment, dopé par l’adhésion des femmes. Indétrônables, les vins doux naturels, Banyuls, Maury, Muscat, sous toutes leurs formes et toutes leurs couleurs, sont présents sur toutes les tables qu’ils illuminent de leurs robes ensoleillées. Le Muscat, par exemple, s’est imposé sur les tables de fêtes sous le nom de « Muscat de Noël ». Si les Cinzano et Martini ont toujours leurs amateurs, le véritable incontournable du Roussillon reste le Byrrh, boisson médicinale créée à Thuir par les frères Violet. Parente des vermouths du monde entier, elle est sublimée par ses épices, ses plantes, son goût d’orange et sa saveur de quinquina. Le Byrrh s’apprécie parfaitement avec de l’eau de Seltz, associé à du Picon ou simplement agrémenté d’une rondelle d’orange, tout en se prêtant idéalement à la création de nombreux cocktails. Depuis quelques années, des outsiders s’invitent à l’apéritif, le rosé, d’abord, commercialisé avec des étiquettes design à dominante rose dont la légèreté et la couleur-bonheur séduisent le public féminin, et aussi des blancs structurés et minéraux qui mettent en appétit sans trop monter à la tête, et finissent par rivaliser avec l’assurance séculaire des rouges charpentés. Impossible, toutefois, de résister aux bulles douces et festives qui montent dans les verres en rondes irisées. Le champagne reste une option gagnante, mais il est talonné par son cousin du sud, plus abordable : le cava. En général, le pain frotté à la tomate s’accompagne d’anchois, de tapenade, de jambon ou d’olives, présentés en grandes planches gourmandes. Au nord, que ce soit chez soi ou en terrasse, l’apéritif est une véritable institution. Souvent, il s’éternise, soutenu par des conversations qu’il débride. On finit alors par passer à table, les sens aiguisés, le cœur réchauffé par ce premier partage et les papilles prêtes à savourer les expériences les plus inattendues.

Fer el vermut

Au sud, changement de ton. L’apéro a un nom et c’est celui d’une boisson. Ne dit-on pas « fer el vermut » en hommage générique à ce breuvage, fait de vins mélangés de racines, de plantes de fleurs et d’épices, qui décline toute une palette de teintes dorées et d’amertumes subtile ? Une véritable boisson jardin aux effluves de prairies fleuries, de gentiane et de badiane, sans égale pour éveiller les papilles. La Catalogne, empruntant cette tradition à la France et à l’Italie, l’a magnifiquement adoptée. Il se décline en plusieurs versions : doux, dry, extra-dry, à base de vin blanc, de vin rouge. Le « vermut » catalan a même sa capitale : Reus, la belle ville moderniste, qui lui consacre une maison-musée et abrite encore plusieurs marques qui le produisent. Le phénomène vermouth est en pleine accélération : authenticité, kilomètre zéro, pluralité, il a tout pour séduire ! Autrefois, on le dégustait, un peu comme au nord, accompagné de quelques olives et palourdes avant de passer aux choses sérieuses, le premier et le second plat. Oui mais voilà, la Catalogne éternelle a rencontré les tapas venues du Pays Basque. Dans leur simplicité, elles ont balayé ce sage prélude pour en faire un véritable premier repas qui s’apparente aux mezzé libanais ou à la kémia des pieds-noirs. Certes le traditionnel pain à la tomate résiste avec son jambon cru et son manchego, mais le voilà désormais accompagné d’une farandole de mets : croquettes de poulet, olives farcies, calamars à la romaine, asperges en mayonnaise, pommes de terre sauce piquante, poivrons verts dits de padrón, anchois marinés ou salés, escalivada, moules, charcuterie, tartines de sobressada, poivrons rouges farcis à la brandade, beignets de morue, œufs mimosas, pains briochés au pâté ou encore la fameuse omelette aux pommes de terre. Chaque jour, de nouvelles tapas voient le jour : l’imagination est au pouvoir, et elle n’a pas de limites ! Selon le rituel, immuable, chaque « tapa » vous est servie sur une coupelle avec une pique en bois. à vous de conserver les cure-dents, ils permettront au serveur de calculer votre addition ! Bien sûr vous pouvez préférer au vermut un cava des familles ou encore un bon vieux verre de vin quelle qu’en soit la couleur, peu importe. Sachez qu’on dira quand même que vous faites le vermut ! Si vous aimez les anglicismes et les « before », c’est que les temps changent ! Même vermut et apéro sont sous influence internationale. Deux types de boisson mettent les catalans d’accord, où qu’ils soient. D’abord la bière, qui explose au sud comme au nord avec des dizaines de productions artisanales excellentes et typées, mais aussi avec de grandes marques industrielles mondialement connues. Ensuite, les cocktails, de plus en plus prisés des jeunes générations : du spritz au gin tonic, du Cosmopolitan au gin fizz, du Bloody Mary à la Margarita. On les trouve même en version sans alcool comme le mojito virgin ou les cocktails de fruits. Peu importe la boisson ou son degré d’alcool pourvu qu’on ait l’ivresse d’un moment de pure convivialité et des papilles comblées ! On se retrouve autour de l’apéro et du vermut comme on se met au soleil ou au coin du feu : pour un prélude lumineux aux plaisirs de la table et la magie du bavardage.

Finir en beauté

À table comme dans la vie, il y a un avant et un après… C’est lors des « afters » que les liqueurs et spiritueux catalans ont leur heure de gloire. Au tout premier rang, la ratafia, obtenue par la macération de fruits, d’herbes, de noyaux, d’épices et de noix vertes, est sans conteste la liqueur nationale. Trois de ses marques ont d’ailleurs plus de 100 ans : Raiers, Bosch et Russet. Incontournable également, le fameux « Anís del mono », disponible en version sucrée ou brute, entre anisette et arak. Les Terres de l’Ebre produisent une merveilleuse liqueur de riz immaculée et douce, tandis que la liqueur de crème catalane ou le « Cafè Licor » évoquent irrésistiblement les saveurs du Baileys. à Llançà, l’aridité du Cap de Creus n’empêche pas la camomille de prêter sa saveur amère à la confection d’un délice licoreux au goût subtilement amer. Autour de Reus, c’est le triomphe alcoolisé des noisettes. Au Val d’Aran, l’amour des fruits rouges explose dans une liqueur de cassis qui n’a rien à envier aux saveurs bourguignonnes.

Chaque région ou presque, emprisonne ses arômes « Aromes de Montserrat », « Aromes de Rupit », « Calisay d’Arenys de Mar », « Gran Licor Bonet » de Sant Feliu de Guixóls… Grand pays de production vinicole, la Catalogne n’est pas la dernière à l’heure de distiller, et elle ne se limite pas au marc de raisin. La Catalogne se distingue par la production de gins d’exception, tels que le Mare ou le Volcànic, ainsi que de whiskies raffinés, comme le Saboga. Elle innove également avec du saké élaboré à partir du riz cultivé dans le delta de l’Ebre. Plus surprenant encore, la région de la Garrotxa abrite la production du rhum flamboyant Siete Villas 1511. Apéritifs et digestifs catalans sertissent une des plus grandes cuisines du monde. En beauté !

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