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Rencontre avec Amador Marquès

01 Déc Rencontre avec Amador Marquès

Amador Marquès est le conseiller au tourisme du Conselh Generau d’Aran et veille aux destinées touristiques de son petit paradis pyrénéen. Rencontre avec un homme amoureux de sa terre.

Cap Catalogne : Bonjour, première question de circonstance en cette fin d’automne, quels enseignements tirez-vous de la saison touristique 2023 ?
Amador Marquès : Globalement, la saison a été très bonne, meilleure que l’année dernière, même. Je crois que notre pari de désaisonnalisation est en passe d’être gagné, les ailes de saison font le plein. L’automne bat tous les records. Bien sûr nous sommes favorisés par un été indien prolongé, mais malgré tout, le comportement des visiteurs a changé, ils associent le Val d’Aran à d’autres valeurs que l’enneigement et le ski, c’était un premier pas essentiel.

CC : Il faut dire que Baqueira Beret est une station chic, prisée des têtes couronnées et des people…
AM : C’est vrai, mais c’est une vision un peu réductrice, c’est beaucoup plus que ça. Le domaine skiable est magnifique et offre des vues uniques sur le cirque de nos très hautes montagnes. La neige de la station est magnifiquement travaillée pour offrir des qualités de glisse optimales sur toutes les pistes. Nous jouissons d’équipements de très haut niveau. Nous pouvons tenir la dragée haute aux vallées alpines les plus en vue. Donc, pour vous répondre, c’est plutôt dans l’autre sens, c’est cette qualité optimale qui vaut à la station d’être prisée des grands de ce monde (rires).

CC : Les villages sous la neige sont magnifiques, ce qui participe largement à la séduction de vos vallées. à part le ski et les sports de neige, que peut-on faire au Val d’Aran ?
AM : En fait, nous avons pensé à proposer une véritable immersion dans la nature, soit à pied avec nos magnifiques sentiers de randonnée de toutes difficultés parfaitement balisés et signalés, soit d’autre part avec le VTT et le cyclisme. Tous les dénivelés existent ici, même le plat, en fond de vallée ! Le Tour de France nous a rendu visite plusieurs fois, c’est dire si en termes de technicité, nos routes sont attrayantes ! Mais ces activités sportives de tous niveaux nous permettent surtout d’attirer un public familial tout au long de l’année. Notre plan triennal de développement touristique durable se base sur l’offre d’une expérience globale avec un éventail d’activités compatibles avec les préoccupations environnementales. Nous avons choisi une approche en forme de slow attitude qui est un parfait antidote au stress autant qu’une plus-value culturelle. Cette recherche d’harmonie entre le milieu naturel et les activités des hommes, qu’elles soient nouvelles ou ancestrales, est le fer de lance de notre réflexion. En été, le réchauffement climatique qui écrase les plaines et les piémonts nous est très favorable, les gens aiment la fraîcheur de nos nuits et la tranquillité de nos sommets. Et avant que vous ne nous posiez la question, notre enneigement reste satisfaisant. Nous avons beaucoup d’atouts et nous voulons le faire savoir.

CC : Vos villages sont remarquablement homogènes en termes d’architecture. On a parfois du mal à distinguer les bâtiments anciens des maisons neuves.
AM : Nous avons des normes d’urbanisme  strictes qui sont axées sur la conservation de la physionomie traditionnelle des villages aranais. Nos églises romanes sont singulières, non seulement par leur style noble et fruste à la fois, mais aussi parce qu’elles sont en fonction. Aucune n’est désacralisée, et toutes sont ouvertes, ce n’est pas le cas partout. Vous avez sans doute pu noter la présence de nos portes d’entrée en bois sculpté et sans doute aussi la beauté de nos toits d’ardoise avec leurs faîtages de grandes lauzes. Garder ce modèle, ce n’est pas une simple approche esthétique, loin de là, c’est garder l’âme de ce pays, c’est aussi le rattacher aux vallées occitanes du nord dont il partage la culture et la langue. Nous sommes Gascons.

CC : Justement, cette langue occitane est partout, dans les noms des hôtels et des boutiques, sur les affiches, sur les menus, mais on ne l’entend pas beaucoup.
AM : Croyez-moi, elle existe encore, c’est ma langue maternelle. Mais bien sûr, la sauver réclame beaucoup d’énergie. Elle est enseignée à l’école aux côtés du castillan et du catalan, ce qui fait que la plupart de nos jeunes sont au minimum trilingues, du moins au niveau de la compréhension. Vous savez comme moi que sans médias, et dans un océan espagnol ou catalan, il est très difficile de maintenir le principal, c’est-à-dire l’usage social du gascon. Il se limite à la sphère familiale la plupart du temps et aux zones les plus rurales. Mais on s’accroche ! D’autant que je suis convaincu que les gens voyagent pour trouver des singularités, des identités, ce qui rend ce territoire comparable à nul autre. Au Val d’Aran, ces racines occitanes font partie du paysage, comme elles sont partie intégrante de la gastronomie ou du mode de vie. 

CC : Les touristes viennent principalement d’où ?
AM : D’Espagne, bien sûr, de toutes les régions, en tourisme intérieur, mais aussi beaucoup de France puisque nos communications avec le nord sont plus faciles, avec un relief beaucoup moins accidenté que l’arrivée par le Pallars ou celle par la Ribagorça même si aujourd’hui, nous avons un tunnel. Le long de la Garonne, le passage est facile, il suffit d’en suivre le cours et le col du Portillon nous met à une demi-heure de Luchon. Nos échanges sont constants depuis toujours. Mais nous avons l’ambition de séduire plus loin, notre pays le mérite.  Pour tout vous dire nous avons mis au point un plan de markéting touristique, de vastes campagnes de promotion pour faire connaitre notre destination dans le nord de l’Europe. Déjà, nous enregistrons de plus en plus de Britanniques, d’Allemands de Néerlandais et même d’Israéliens. Il faudra du temps, bien sûr, mais cette approche s’annonce payante, car le Val d’Aran sait fidéliser ses visiteurs.

CC : Vous faites partie, administrativement, du territoire catalan, quelles sont vos relations par exemple avec la Diputació de Lleida ? Et avec la Generalitat ?
AM : Avec la Diputació de Lleida, elles sont excellentes, très fluides, nous avons l’habitude de travailler ensemble et de ramer dans le même sens, le Val d’Aran est un peu leur cerise sur le gâteau et nous sommes très complémentaires. Pour sa part, la Generalitat gère avec nous une minorité culturelle et linguistique si petite qu’elle risque en permanence d’être noyée. Nous faisons beaucoup de pédagogie parce que nous sommes convaincus que notre différence est un enrichissement mutuel inestimable.

CC : Nous avons appris que vous aviez présenté votre candidature comme Réserve Mondiale de la Biosphère ?
AM : Nous attendons la décision de l’Unesco, je pense que nos paysages, notre altitude, notre mode de vie, nos précautions dans l’utilisation de l’eau, notre protection constante de l’environnement le méritent. C’est un label porteur qui nous désignera bientôt comme une destination 100 % naturelle, une petite île plus verte encore dans le grand vert des Pyrénées. Notre petit pays n’a pas dit son dernier mot. N’oubliez pas que votre d’Artagnan était gascon, comme nous !

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