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Rencontre avec Joaquim Miralles

26 Juil Rencontre avec Joaquim Miralles

Le jeune maire d’Arnes, Joaquim Miralles, a vu son merveilleux village se développer entre oliviers, amandiers et Parc Naturel dels Ports de Tortosa-Beseit. Rencontre avec un rural passionné. 

Cap Catalogne : Bonjour, votre village est vraiment magnifique…

Joaquim Miralles : C’est une ancienne commanderie templière, d’où les portails voûtés, les grandes fenêtres, les gargouilles et ces demeures seigneuriales qui en imposent. J’avoue que je ne me lasse pas de cette beauté minérale, de ces petites places, de ces passages étroits, presque secrets. Ni de nos cinq quartiers. Vous voyez, chaque quartier a un saint patron, et c’est ainsi qu’Arnes est encore divisée par des portes de pierre. J’ai un peu la sensation de vivre comme les générations qui nous ont précédés mais sans rien perdre de la modernité de notre époque.

CC : Votre mairie est particulièrement belle…

JM : C’est un chef d’œuvre de la Renaissance catalane construit en 1584 par Joan Vilabona de Queretes. La ville toute entière est classée par la Generalitat de Catalunya comme ensemble patrimonial remarquable. Il faut dire que nous n’avons que 600 habitants. Evidemment, nous comptons 160 résidences secondaires, nous sommes très appréciés des citadins qui viennent ici chercher le calme et les paysages. Nous vivons principalement de l’élevage de porcins, d’ovins et de volailles, et aussi de la culture de l’olivier et de l’amandier. C’est un rythme tranquille, presque en autarcie. Bien sûr, nous sommes comme tout le monde en proie aux problèmes de la ruralité et de la désertification, mais nous avons pu par exemple maintenir une épicerie et assurer un service médical. C’est le prix à payer quand on choisit de vivre sur sa terre.

CC : Et puis il y a les Ports…

JM : Venez ! (Il nous emmène sur le belvédère, devant la belle église baroque qui arbore, juste à côté de son fronton monumental, un cadran solaire…) Regardez ce panorama ! Il nous a donné une nouvelle jeunesse en attirant des randonneurs et des fous d’escalade d’avril à octobre. Chez nous pas de problème avec les ailes de saison ! C’est une nouvelle économie pour nous et pour notre voisine, Horta de Sant Joan, parce que nous sommes les portes d’entrée du Parc Naturel. Nous avons la chance d’avoir de l’eau, notamment nos deux rivières, l’Algars et l’Arnes. C’est important pour tous ceux qui veulent faire du canyoning, mais c’est aussi un atout esthétique majeur. Nos gorges, nos gouffres, nos plans d’eau donnent à nos montagnes un charme particulier qui attire les jeunes générations. Outre les sportifs nous voyons aussi arriver nombre de photographes et de peintres, et surtout, de plus en plus de familles qui sont davantage attirées par les paysages et les activités ludiques que par l’exploit physique proprement dit.

CC : En matière d’hébergement, vous avez pu suivre ?

JM : Les gîtes ruraux se sont développés, souvent avec un souci extrême de qualité et la mise en avant de l’architecture locale et des produits km zéro. En outre nous avons des campings de qualité qui correspondent aux attentes d’une clientèle sportive ou familiale qui nous rendent visite. Nous sommes en train de devenir une vraie destination touristique. Imaginez que nous comptons une vingtaine de gîtes ruraux ! C’est un type d’hébergement qui permet d’instaurer un lien avec les visiteurs, c’est tout à fait dans l’esprit de notre hospitalité traditionnelle.

CC : Pour qui ? D’où viennent ces randonneurs ?

JM : Avec la pandémie nous avons eu beaucoup de tourisme de proximité, venu de toute la Catalogne, de l’Aragon ou du Pays valencien. Les gens ont redécouvert leur environnement et pris la mesure d’un dépaysement inattendu. Évidemment pour des raisons géographiques, les Français sont très nombreux aussi. Plus étonnant, nous avons beaucoup de Portugais sans que je puisse vraiment l’expliquer. Il est clair que les étrangers ont un pouvoir d’achat plus important, mais tous reviennent et sont prescripteurs. Ils sont nos premiers ambassadeurs. 

CC : Si vous deviez désigner un site phare ?

JM : Ce serait le défilé d’Arnes, ce sont des gorges extraordinaires qui dessinent d’énormes points d’eau où il fait bon nager. Je peux aussi vous citer le Toll (gouffre) del Vidre ou le Toll Blau. Je pourrais aussi vous parler de la voie verte toute proche, qui permet à des dizaines de cyclistes de rallier Arnes via l’ancienne voie ferrée de la vall de la Zàfan. Tous ces éléments concourent à nous faire connaître comme destination de week-end mais aussi, de plus en plus, de séjours assez longs.

CC : En été, ces points d’eau doivent souvent être à sec ?

JM : Non, ici nous avons cette chance d’avoir de l’eau en été. Nous en donnons même à nos voisins aragonais qui souffrent beaucoup plus que nous des sécheresses liées aux canicules.  Nous avons beaucoup de chance.

CC : Pourquoi vos balcons sont-ils totalement en bois, plancher compris ? On se croirait au pays basque, c’est assez étonnant.

JM : Ici autrefois, il y avait une grande scierie qui envoyait du bois par voie fluviale jusqu’aux chantiers navals de Tortosa. Je suppose que cela explique ce patrimoine unique qui est scrupuleusement restauré sous la houlette des services des monuments historiques. C’est pourquoi vous voyez encore des balcons dans leur jus. Pas question d’y toucher sans les services compétents sinon l’amende peut être salée ! Nous avons la chance d’être sponsorisés par deux frères originaires d’Arnes qui vivent en Suisse et qui aident beaucoup la commune.

CC : Comment définiriez vous votre comarca en 3 mots ?

JM : Territoire, car nous sommes un monde à part au fin fond de la Catalogne, un passage vers ailleurs. Paysage parce que je pense que nos paysages sont uniques et enfin, Culture parce qu’ici les mémoires se croisent, des plus lointaines aux plus proches.

CC : Comment fonctionne le Parc des Ports ? Vous en êtes partie prenante ?

JM : D’abord bien sûr les Generalitats Valenciennes et Catalanes et le Gouvernement d’Aragon, qui sont les noyaux d’un comité de direction auquel participent communes, entités territoriales et personnalités qualifiées. Tout le monde est signataire d’une convention globale qui fixe les conditions d’accès et surtout de protection du site, qu’il s’agisse de la faune ou de la flore qui sont l’une et l’autre rares et fragiles. Nous avons tous conscience de partager un trésor qui est à la fois un Espace Naturel Protégé, un Parc Naturel, une Réserve Naturelle, une Zone Spéciale de Conservation pour les oiseaux et qui appartient au réseau Natura 2000… Un trésor, vraiment que nous partageons en Catalogne avec deux autres comarques, le Montsià et le Baix Ebre.

CC : En tant que maire, vous accompagnez la mutation en cours ?

JM : Ce n’est pas une mutation proprement dite. Nous continuons de vivre de la terre comme toujours et il y a pas mal de jeunes comme moi qui ne veulent pas quitter leur village et leur mode de vie. Le tourisme est une manne, mais il reste un revenu d’appoint pour l’instant.

CC : Comment voyez-vous l’avenir de Terra Alta ?

JM : Je le vois dans une authenticité conservée. Si nous restons nous-mêmes, si nous ne trahissons pas notre héritage, alors le meilleur est devant nous.

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