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Rencontre avec Michel Poudade

31 Jan Rencontre avec Michel Poudade

Michel Poudade est maire des Angles depuis 2014 et vice-président de la Communauté de Communes des Pyrénées Catalanes. Fils du Capcir, il a le développement de son petit pays perché chevillé au corps. Rencontre avec un battant.

Cap Catalogne : Bonjour Michel Poudade, vous êtes le maire des Angles qui fêtent aujourd’hui leur soixantième anniversaire, non pas de village, il a plus de 1000 ans, je crois, mais bien de village-station, un concept gagnant qui a fait son succès. Toutefois, aujourd’hui c’est surtout le Capcinois que nous interpellons…
Michel Poudade : Oui, c’est vrai, je suis d’ici. Sur ces terres dures sont nées les générations qui m’ont précédé et surtout, mon grand-père qui a été le grand visionnaire de notre haut plateau et qui, lui aussi a été maire des Angles. Il me disait souvent « on a une mine d’or et on ne le sait pas, on a le mont Llaret pour le pastoralisme et aussi pour la neige ». Je crois qu’il avait tout compris du diptyque qui a fait le charme et la réussite des Angles mais aussi de tous nos autres villages, à savoir un enracinement résolu dans la tradition, dans l’identité, allié à un envol vers la modernité et l’avenir. 

CC : Le Capcir pour vous, en quelques mots…
MP : Des villages bourrés de charme et d’histoire, de vieilles pierres qui racontent le labeur des gens de ces montagnes, des mémoires croisées, un Finisterre catalan et l’aube du monde occitan… Des forêts nourricières. Des hivers glacés et chaleureux. Des vallées si belles qu’elles font croire à l’éternité comme la sublime vallée du Galbe et son village de poupées, Espousouille. Des lacs aussi. Ceux qui ont été créés de toutes pièces pour abriter des centrales électriques sont difficiles à distinguer de nos étangs naturels tant ils sont intégrés au paysage. Et puis, bien sûr, faut-il le dire, la neige ! La reine de ces montagnes, c’est quand même elle. Sans elle nous ne serions jamais entrés dans le XXIe siècle par la grande porte !

CC : Justement, vous n’avez pas peur de cette érosion prévisible de l’or blanc annoncée à longueur de communiqué par les météorologues ?
MP :  Je vais vous surprendre… Non. Les enneigeurs que nous utilisons sont devenus très sophistiqués et garantissent une protection optimale de l’environnement. Nous prélevons de l’eau au moment où la nature en a le moins besoin pour la restituer au printemps, quand elle en consomme beaucoup, exactement comme le ferait la neige naturelle entre glaciation et débâcle. C’est vraiment une utilisation raisonnée et elle permet de se projeter sans crainte.

CC : Le Capcir a une image d’excellence en ski nordique, et on le comprend, vu la beauté de ses paysages et leur caractère sauvage… Vous pensez qu’il y a là un second gisement à explorer ?
MP : Ne nous trompons pas, c’est le ski alpin qui reste la principale attraction de la montagne. Certes, les activités annexes comptent, mais elles participent d’une notion d’à-côté, de cerise sur le gâteau, comme c’est le cas par exemple pour les structures de balnéothérapie comme Angléo ou d’autres équipements ludiques que mes collègues et moi avons contribué à créer. Pour l’instant les deux marchés sont vraiment incomparables même si je me félicite de leur complémentarité qui nous donne une vraie singularité qualitative ! Croyez-moi, le ski de descente a encore de beaux jours devant lui dans nos Pyrénées, toutes nos statistiques l’indiquent !

CC : Vous n’avez d’ailleurs eu de cesse de développer les activités autour du ski…
MP :  J’essaye de lutter de mon mieux contre une saisonnalité étroite dictée par les chutes de neige pour ouvrir l’été et les ailes de saison aux visiteurs. En période estivale nous sommes dopés, les uns et les autres, par nos lacs, qui permettent aux gens d’allier les plaisirs aquatiques, qu’ils trouveraient sur la côte, à la fraîcheur des nuits, au grand air et à nos paysages. Le Capcir est ainsi devenu une destination désirable huit mois par an. Mais pour maintenir cette attractivité nous nous devons de multiplier les marchés typiques, les festivals, les concerts, les compétitions sportives, les spectacles traditionnels, vers tout le bouillonnement culturel qui accompagne des séjours agréables et donne envie de revenir. évidemment, le tourisme vert est un moteur décisif toute l’année : le Capcir apporte de belles ascensions comme la mythique conquête du Carlit et des centaines de sentiers de randonnée à parcourir en variant les plaisirs selon les saisons.

CC : En termes économiques, les Angles restent une locomotive…
MP : C’est une vision un peu caricaturale. Disons que les Angles donnent de l’emploi et partant, participent à fixer des familles sur nos plateaux, à attirer de jeunes saisonniers et à relancer une économie circulaire qui a toujours été la logique de nos hautes vallées isolées. Ici la solidarité a été pendant des siècles la condition de la survie. C’est aussi au fond, la vocation de toute station touristique qui se respecte, favoriser une capillarité naturelle avec les communes avoisinantes. On peut habiter des cadres idylliques et solitaires, avec pour voisins les isards et les marmottes et faire ses courses aux Angles. J’insiste sur un point, pour les autres petits villages du Capcir comme pour les Angles, c’est une chance réciproque que ces rôles différents au sein du territoire partagé. Le Capcir est un monde à part, un monde en soi, qui se suffit souvent à lui-même. Nous apportons des infrastructures de petite ville au cœur d’un sublime environnement marqué par le silence, la rareté des véhicules, la nature préservée et souvent même vierge. Nous avons des vues, ici, qui ne sont pas refermées comme c’est parfois le cas au cœur des plissements alpins, quand les montagnes se tutoient d’un flanc de vallée à l’autre : le regard embrasse l’horizon et donne une impression d’infini que seul le Cambre d’Aze semble pouvoir limiter. En plus, malgré les rigueurs du carcanet et sa réputation de Petite Sibérie, le Carlit profite d’une belle influence méditerranéenne qui lui dispense un bel ensoleillement.

CC : Vous êtes amoureux de ce pays ?
MP :  (Rires) Oui, je crois qu’on peut dire ça. Où que je regarde, mes racines sont ici. Paysages et maisons racontent une histoire familiale, dans ses aspects les plus riants ou les plus tragiques. Je participe de ces paysages, oui, c’est vrai. 

CC : Comment voyez-vous l’avenir du Capcir ?
MP : Je le vois comme un arc-en-ciel avec pour fond le blanc de la neige. Le rouge des âtres, le vert des forêts, le bleu des lacs, et par-dessus tout ça, comme le dit Bécaud dans sa chanson, la dorure du soleil. (Rires) Plus sérieusement, je crois fermement que nous allons consolider nos acquis, développer le tourisme inter-saisonnier, fixer dans nos montagnes une nouvelle population, continuer ce beau lien intergénérationnel qui nous voit recevoir aujourd’hui les petits-enfants des skieurs d’hier. Pour y réussir nous devons coller aux attentes et même les précéder en étant toujours en avance d’une attraction, d’un service, j’ai presque envie de vous dire, d’une émotion. Être capables de tous les virages numériques mais sans jamais perdre de vue l’accueil, la convivialité, l’hospitalité montagnarde.  Notre héritage solide, forgé à la sueur de gens âpres au travail dans un milieu autrefois hostile, est une fantastique inspiration. 

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