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Rencontre avec Josep Lluis Farrero

06 Déc Rencontre avec Josep Lluis Farrero

Josep Lluis Farrero est président du Consell Comarcal de l’Alta Ribagorça. C’est donc sur ses épaules que pèse le développement économique de cette région pyrénéenne au relief escarpé, l’une des plus petites de Catalogne, voisine du Vall d’Aran.

Cap Catalogne : Bonjour, vous êtes président du Consell Comarcal, il vous revient donc de veiller aux destinées touristiques de l’Alta Ribagorça. Comment définiriez-vous les atouts de votre région et la politique touristique que vous menez ?

Josep Lluis Farrero : D’abord, je voudrais souligner que nous parlons ici de la vie tout entière de notre territoire car le tourisme pèse pour 70 % au moins dans l’économie locale. Il conditionne les emplois, particulièrement dans le secteur hôtelier et celui des services, dope les investissements, sert de locomotive à nos autres activités, notamment de production de viande, en créant autour de notre destination, une belle image et une bonne notoriété… Bref, le tourisme c’est notre axe principal, notre colonne vertébrale, à des années-lumière de ce qu’ont connu nos ancêtres paysans.

CC : En ce domaine, il faut dire que vous avez des atouts maîtres…

JLF : Nous avons trois icônes absolues. Nous qui sommes si petits, si excentrés, loin des grands axes routiers et sans axes ferroviaires, nous possédons trois choses absolument uniques, que j’oserai qualifier d’icônes touristiques universelles et qui allient nature et culture. D’abord, sans doute, l’ensemble incroyable des onze églises romanes de la Vall de Boí, tellement isolé au fond d’une vallée escarpée et pourtant, le plus bel ensemble roman du monde ! Ensuite, le Parc d’Aigüestortes, l’un des plus beaux de toute la chaîne pyrénéenne avec ses pics, ses lacs, ses vallées, un véritable paradis pour les randonneurs et les amoureux de la faune et de la flore. Et pour finir, si les falles de la Saint Jean sont relativement répandues dans les Pyrénées centrales, l’épicentre se trouve ici, avec sept villages concernés. Alors, je dirais que nous avons beaucoup de chance, car quand nous ajoutons notre station de ski et notre station thermale, nous sommes bien armés pour proposer aux visiteurs un éventail assez incroyable de découvertes et de sensations.

CC : On imagine qu’il a fallu beaucoup de travail pour organiser les choses, structurer l’offre et créer des infrastructures d’accueil performantes ?

JLF : Nous avons balisé des kilomètres de sentiers, notamment le long des deux rivières qui vertèbrent la région, mais aussi à flanc de montagne pour favoriser les randonnées en toutes saisons, à pied, en ski nordique ou en raquettes. Il faut dire que nos paysages de montagne sont vraiment majestueux. Dans le parc d’Aigüestortes, les pics font un concours d’altitude autour de 3 000 m ! Les randonneurs en prennent plein les yeux : des lacs, des cascades, des falaises, des forêts ! La nature joue à plein ici. Nos éleveurs de bétail bovin et ovin parient aussi sur cette image de nature préservée, en proposant des produits biologiques, et notre station thermale, Caldes de Boí leur emboîte le pas, en pariant sur l’incroyable pureté de ses sources. C’est un de nos messages : pureté et authenticité.

CC : Quand on arrive dans la vallée, on est surpris par la qualité de l’accueil, chaleureux et simple.

JLF : Nous sommes des gens de montagne. Nous avons besoin du collectif parce que nos ancêtres survivaient grâce à la communauté, aux travaux faits en commun, aux veillées autour des cheminées. Notre réponse moderne a été d’accroître la capacité hôtelière qui atteint aujourd’hui 5 000 lits répartis entre le tourisme de plein air, l’hôtellerie proprement dite et les gîtes ruraux, de plus en plus prisés. En parallèle, nous avons impulsé des campagnes gastronomiques comme par exemple celle des champignons dont la dernière a eu lieu durant le mois d’octobre, de façon à susciter une montée en qualité de l’offre de restauration. Je suis assez satisfait du résultat.

CC : La clientèle vient d’où et quand ?

JLF : Nos clients viennent en grande majorité du Principat et de Barcelone, mais nous avons en été des Français venus d’Occitanie, des Basques, des Galiciens et des citadins madrilènes, des Hollandais… En fait, pour l’instant, nous avons une grosse saison d’été avec des séjours de plusieurs semaines, une grosse saison d’hiver avec des séjours plus courts et nous installons peu à peu un tourisme intermédiaire de demi-saison, qui lui, impose de mettre l’accent sur les éléments patrimoniaux et culturels. Le public familial est très fortement représenté, nous sommes une destination idéale pour que toutes les générations y trouvent leur compte ! Ensuite, il faut détacher la période des « Falles ». Nous avons fait en sorte que les festivités s’échelonnent d’un village à l’autre, de façon à ce que la fête dure un mois, qu’elle ait toujours lieu le week-end et qu’elle puisse être vécue par un maximum de spectateurs. Le succès est total, tous les ans, les hôtels de la comarca affichent complet, ce qui dope, en termes de communication, la saison estivale. Le fait que l’Unesco soit en passe de les reconnaître comme patrimoine immatériel universel, devrait encore accroître leur attractivité.

CC : En intersaison, il doit y avoir les grands week-ends ?

JLF : Oui, tous les ans, nous sommes absolument complets pour la Semaine Sainte, pour la Puríssima, et nous notons clairement l’influence des vacances scolaires y compris françaises. C’est d’ailleurs sur ces périodes de printemps et d’automne que portent nos efforts, car nous avons là une marge de progression tout à fait intéressante qui doit se combler par du travail de proximité et aussi, une ouverture en direction de l’étranger. Là, la magie de nos églises romanes joue à plein. D’une part beaucoup de visiteurs du Museu Nacional d’Art de Catalunya ont à cœur de voir les œuvres in situ, d’autre part la Vall de Boí figure dans tous les guides touristiques et toutes les brochures consacrées à l’art roman dans le monde ! Nous travaillons d’arrache-pied à une offre globale nature/culture, et je suis persuadé que l’Alta Ribagorça a de quoi tirer son épingle du jeu et faire de ses handicaps apparents, comme l’isolement géographique, un gage d’authenticité.

CC : D’autant que le thermalisme a su prendre le virage de la modernité…

JLF : Oui, à Caldes le XXIe siècle a pris ses quartiers et propose des structures de wellness dernier cri, idéales pour soulager les courbatures de l’effort et réchauffer le corps après les excursions dans la neige. Ici tout est tellement concentré, le mouchoir de poche est si petit que l’on passe en un quart d’heure de la neige à l’eau chaude, des clochers lombards aux petits commerces de Pont de Suert, du haut des pistes au bord des rivières à eaux vives. C’est un des grands charmes de notre vallée. Quelques kilomètres et tout change : les paysages, l’altitude, les gens. Il y a toujours un nouveau point de vue à découvrir et c’est ce que nous essayons de partager avec ceux qui nous choisissent pour passer leur temps de loisir.

CC : Et à part le tourisme et l’élevage ?

JLF : Il y a toutes les cultures fourragères qui vont avec l’élevage et il m’incombe par ailleurs de mettre en place une mutualisation des services aux citoyens, ce que je tente de faire au mieux. Sur nos territoires, fixer la population, offrir un horizon aux jeunes est absolument crucial. Et pour ça, le maintien d’une offre de services d’excellent niveau est tout simplement vital, donc, je m’y emploie, d’autant que cela sert in fine également le tourisme.

CC : Des ambitions particulières pour l’avenir ?

Je suis persuadé que nous avons encore beaucoup de potentiel. Il nous faut le faire savoir ici et à l’étranger et aussi nous concentrer sur la promotion de nos produits frappés au sceau du naturel et du biologique.

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