VOTRE MAGAZINE N° 129 EST EN KIOSQUE
VOTRE MAGAZINE N° 129 EST EN KIOSQUE

Station nordique du Capcir

31 Jan Station nordique du Capcir

Il y a 50 ans, le Capcir, ses paysages aux dénivelés renversants, ses lacs profonds, ses forêts denses de mélèzes et de pins à crochet, déjà poussé vers la modernité par la pratique du ski et des sports de neige depuis les années 1920, avait rendez-vous avec son avenir

En 1972 est créé le Foyer de Ski de Fond du Capcir à l’initiative de quelques pionniers, amoureux de leur montagne, portés par la figure emblématique de Martine Vilana, qui vient d’être sacrée championne de France. Asthmatique au point de devoir vivre en haute montagne ses années d’enfance et d’adolescence, formée à la Coume, à Mosset, elle y reçoit en cadeau sa première paire de skis, puisque l’école se déplace pendant les trois mois d’hiver en Capcir. Elle se lance à corps perdu dans le ski de fond parce que le ski alpin lui est déconseillé alors qu’elle sent ses possibilités. Martine Vilana travaille jusqu’à l’excellence et au sacre au Grand Bornand, en 1973. Elle créée alors avec Raymond Trilles, John Mignard, Georges Wursteisen et Paul Laborde, le Centre-école de Ski de Fond du Capcir, la matrice de la station de ski nordique actuelle. Mais bien sûr, impossible de pratiquer à grande échelle ce sport à la fois vieux comme le monde et tout nouveau, sans disposer préalablement de chemins damés et dessinés. La Régie des Angles leur offre alors un scooter qui fait office de défricheur, puis en 1980, grâce à l’état, la commune de Matemale peut enfin acheter une vraie dameuse. Le projet est alors sur les rails et en 1982, les communes de Fontrabiouse, Matemale, Formiguères et la Llagonne se regroupent pour promouvoir le ski de fond, déjà perçu par quelques visionnaires comme une alternative gagnante. Dès 1983, les lois Deferre relatives à la décentralisation viennent doper le Syndicat Touristique du Capcir, qui devient vite la Communauté de Communes des Pyrénées Catalanes et inclut désormais la station des Angles. Très vite, la nouvelle collectivité territoriale procède aux investissements de base en achetant des dameuses et en restaurant de vieux refuges. La loi montagne, promulguée peu après, en 1985, ouvre enfin aux communes la possibilité de percevoir une redevance pour l’accès aux pistes tracées et damées. L’opportunité est belle, mais le chemin semé d’embûches car les citoyens capcinois perçoivent ce paiement comme une nouvelle levée d’impôt et les usagers potentiels se rebiffent à l’idée de ce qu’ils considèrent être un péage.

Il faut un peu de temps, bien sûr, pour changer les mentalités, mais aujourd’hui toutes ces résistances originelles sont levées. Le Conseil Général, présidé par Christian Bourquin, grand amoureux des montagnes catalanes, amène en 2005 une pierre décisive à l’édifice en mettant à la disposition de la Communauté de Communes des Pyrénées Catalanes le bâtiment noyau du futur ensemble du Col de la Llosa,  à charge pour elle de le gérer toute l’année ou de le transférer par délégation à un exploitant privé. Objectif :  ouvrir un lieu privilégié où pratiquer le ski de fond, bien sûr, mais aussi les raquettes, le biathlon ou la simple randonnée dans des conditions d’accueil aussi bonnes que possible et dans un environnement tout simplement grandiose. Ce site unique se situe sur la toute petite commune d’Ayguatèbia et s’est développé grâce à l’engagement de ses moniteurs passionnés, mais aussi des élus de montagne qui le portent à bout de bras depuis des décennies. Depuis 2005, bien des flocons sont doucement tombés sur les pentes du Capcir, et ce centre de formation et de loisirs est devenu, conjointement avec le domaine de la Quillane et celui de Matemale, la Station Nordique du Capcir, un des espaces les plus prisés des Pyrénées, véritable temple des sports de neige alternatifs au ski alpin. Cet équipement de premier plan permet la pratique du ski de fond, des promenades, guidées ou non, en raquettes, de la marche nordique (en pleine explosion), de la luge, des excursions en traineau tiré par des chiens, ou en luge tiré par des poneys, du ski joëring équestre ou canin pour une parfaite communion avec les animaux. Entre temps, deux étoiles sont nées qui ont porté très haut les couleurs des Pyrénées Catalanes dans un sport transversal pour venir s‘inscrire au firmament local et international, les frères Fourcade, champions de biathlon dont l’effet d’attraction est inestimable auprès des jeunes. Dans la foulée, le ski de fond a définitivement quitté son strapontin pour faire jeu égal avec son cousin alpin, notamment dans la couverture médiatique dont il jouit désormais. Ce succès des sports nordiques est dû plusieurs facteurs. D’abord, le fait que ce sont des sports évolutifs, praticables à tous les niveaux, du simple plaisir d’être en harmonie avec son corps à l’exigence de l’élite. 

Ensuite et surtout, les sports nordiques collent avec l’air du temps, ils sont parfaitement respectueux de l’environnement, ne nécessitent pas un aménagement de la montagne, ne font pas peur à la faune, se déroulent dans le silence majestueux des cimes, étouffé par le manteau blanc, juste troublé par les tintements du givre qui orne les branches. Le ski de fond, la marche en raquettes ou la marche nordique sont une véritable plongée dans la forêt, ses chemins les plus secrets, ses ruisseaux dont la glace d’hiver suspend le geste. En fait, les trois disciplines sont une sorte d’extension de la marche, une suite naturelle du mouvement originel.  Ensuite, les déclinaisons proposées sont autant d’occasions de mêler sport et jeu, comme toutes celles qui concernent les chiens ou les poneys et permettent de tisser avec eux un lien encore plus étroit. Les cyclistes ne perdent rien de la magie de la petite reine avec le fat bike, le vélo aux roues très larges qui supporte de rouler sur la neige et se joue des obstacles tandis que les amants des raquettes sont libres de tracer à travers les arbres sans se soucier du damage ou du balisage, dans une totale liberté, avec l’impression unique de fouler des espaces où aucune trace humaine ne les précède. Ceux qui aiment la jouer facile se voient proposer un gadget ludique, la trottinette des neiges : méfiance conseillée, ce n’est pas aussi simple qu’il y parait ! Enfin, histoire de ne rien perdre des fabuleux avantages naturels du Capcir, les lacs proposent une plongée féérique sous la glace, juste éclairée par les irisations dues à la lumière qui joue sur la surface, un moment suspendu entre deux éléments qui ne laissera personne intact. Vous l’aurez compris, les sports nordiques sont un atout touristique majeur du Capcir, et même plus, sa carte d’identité et son ADN. Les refuges des Bouillouses et de l’Estanyol participent à cet enchantement général qui fait de nous des Davy Crockett d’occasion. Ils renouent avec la communion que vivaient les paysans et forestiers des hautes vallées avec leurs forêts et leurs lacs, comme si les hommes d’aujourd’hui, enfin, avaient trouvé un chemin pour les rejoindre, fiers de leur petite Sibérie et de ses taïgas profondes. Un sérieux dièse, toutefois, les Pyrénées capcinoises sont ultra connectées avec 200 hotspots wifi qui brisent à tout instant la solitude des cimes si tel en est leur désir. Nature sauvage, équipements de pointe, retour aux fondamentaux montagnards, les pionniers des années 70 ont vu leurs espérances dépassées pour le plus grand plaisir de tous ceux qui aiment passionnément la montagne en toutes saisons puisqu’aujourd’hui, on peut même skier sur l’herbe. Et les évolutions continuent après quarante années d’une magnifique aventure. La Station Nordique du Capcir n’attend plus que vous !

Pas de commentaire

Poster un commentaire