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Trois parcs sinon rien !

30 Mar Trois parcs sinon rien !

Le microcosme que constitue la montagne des Albères est si exceptionnel, si unique surtout, qu’il a généré la création de trois parcs naturels, deux au nord, la réserve naturelle de la forêt de la Massane et la réserve marine de Cerbère-Banyuls et un au Sud, celui de l’Albera. Il semble bien que cette fois-ci les hommes aient mesuré la richesse de ce patrimoine et mis en œuvre les moyens de le protéger…

La réserve nationale de la forêt de la Massane, presque entièrement située sur la commune d’Argelès-sur-Mer, recouvre 336 hectares, essentiellement boisés. Il s’agit d’une forêt primaire de la montagne pyrénéenne, une sorte de fossile vivant de ce que furent les montagnes, il y a longtemps.

Un monde clos

À ce titre, bien sûr, sa faune est exceptionnelle, puisqu’elle regroupe 6 000 espèces, ce qui la place en la matière dans le peloton de tête européen. Depuis 1959, 50 000 arbres (des chênes, des frênes, des érables, des houx, des rouvres et des ifs) sont placés chaque année sous observation par la station météorologique installée sur place, ce qui permet de mesurer l’impact de la sécheresse et des canicules sur un écosystème fragile et ancien. Les eaux de la Massane apportent à l’ensemble une belle végétation de rivière. Au sud, le Parc naturel de l’Albère, protégé par la Generalitat de Catalogne, se structure en deux secteurs, à l’ouest celui de Requesens Baussitges, relativement élevé, boisé à 100 % ou prennent sources les rivières qui grossissent la Muga comme l’Anyet et l’Orlina. Cette partie abrite les hêtres les plus orientaux de la péninsule ibérique et beaucoup de mares, comme l’Estany Gros de la Jonquera, souvent asséchées une fois l’été venu. Elle est séparée de sa jumelle orientale, située autour du magnifique monastère de Sant Quirze de Colera, par le Col de Banyuls. Plus sèche et plus méditerranéenne, cette zone côtière est hélas régulièrement la proie des incendies.

Une faune exceptionnelle

Là aussi, plus de 200 espèces d’oiseaux, mais aussi des amphibiens et des reptiles, constituent une faune autochtone remarquable, sans parler des 3 300 sortes d’insectes qui vivent sur place. Beaucoup se repaissent du bois mort de cette forêt, inexploitée depuis la fin du XIXe siècle. Au-dessus du velours des bois, brodé d’un dégradé de verts, évoluent le Circaète Jean Le Blanc, l’aigle royal, le faucon-pèlerin, l’Engoulevent ou le grand-duc d’Europe, tandis que les sous-bois bruissent de la reptation de la salamandre tachetée, du lézard vert ou de la couleuvre d’Esculape, et que le moindre point d’eau accueille le coassement impétueux des crapauds.

Les pieds dans l’eau

Le blaireau, la fouine, la genette et toute une série de chauves-souris ont élu domicile sur les versants des Albères et dans l’eau claire des torrents s’ébrouent encore barbeaux et truites. Longtemps, la reine incontestée des lieux était pourtant semi-sauvage : il s’agit de la vache de l’Albère, noire ou brune, résistante au froid et à la sécheresse, traditionnellement laissée libre de choisir sa pâture. On la croise de moins en moins, elle aussi est victime du dictat imbécile des randonneurs du dimanche et des législateurs français et espagnols qui veulent lui donner, idée incongrue entre toutes, une nationalité ! Lorsque la montagne vient baigner ses orteils de schiste dans le bleu de la mer commence un autre type de parc naturel, sous-marin cette fois. Entre l’île Grosse qui ferme la baie de Banyuls et la silhouette effilée du Cap Peyrefite, s’étend sur 6,5 km de côte et 2 km de large une magnifique réserve marine. En régulant les activités humaines, elle conserve les habitats originels et contribue à maintenir la petite pêche artisanale en voie de disparition sur nos côtes.

D’un parc à l’autre

Un peuple dense de poissons évolue dans les eaux cristallines : girelles, sarans, rougets, rascasses, saupes, congres, mulets, sars, bonites, daurades… Parfois, le saut gracieux d’un dauphin vient griffer la mer étale. Dans les rochers se cachent oursins, huîtres et moules. La transparence des seiches et des poulpes joue avec l’irisation des eaux. Sur les fonds, rien ne trouble la tranquillité des crevettes, des homards et des langoustes. En juillet août, le sentier sous-marin permet à un large public de voir de près ces merveilles que l’on pressent inchangées depuis le premier filet grec jeté sur ces côtes.

Belle et généreuse

Les Albères sont l’île principale d’un archipel de beauté égrené par Dame Nature, entre Alt Empordà et Roussillon. De l’autre côté de la baie de Banyuls, l’Anse de Paulilles, protégée et classée propose un espace botanique, la grâce de ses arbres à fleur de vigne et de plage, et des fonds marins inviolés. Ce morceau de Pyrénées fiché dans la mer est avant toutes choses, un incroyable conservatoire minéral, végétal, animal, traduit par des paysages immenses et pourtant inexplicablement humains. L’Albère est mieux que belle, généreuse.

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