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Vernet-les-Bains, la libre fiancée du Canigó

28 Mar Vernet-les-Bains, la libre fiancée du Canigó

La bourgeoisie de la Belle époque ne s’y est pas trompée. Elle a su faire de Vernet les Bains la destination-prestige des curistes de toute l’Europe. De ce « Paradis des Pyrénées » comme la surnommait la presse anglaise, la station thermale a conservé les effluves. Entre nature exceptionnelle, micro climat privilégié et bâtisses de caractère, Vernet a conservé une incroyable atmosphère de liberté. Divinement protégée par le Canigó, elle signe aujourd’hui un parfait éloge de la lenteur et du bien-vivre. Loin du faste d’antan. Redoutable de simplicité.

Vernet-les-Bains. Le prononcer, c’est déjà la promesse d’un théâtre pas comme les autres. Si Vernet-les-Bains sonne bien à l’oreille, c’est pourtant l’œil que le village éclabousse d’un trait. Pas étonnant que le célèbre peintre François Desnoyer ait choisi en 1960, de capturer les couleurs de ce « Paradis des Pyrénées » sous forme « d’affiche ancienne ». Un témoignage pictural aux airs cubistes dans lequel un enchevêtrement de toits aux tons rouges vient s’incruster sur les flancs de sa Majesté le Canigó. L’œuvre dit la toute-puissance de la lumière par laquelle Desnoyer s’est littéralement laissé aveugler. Car comme il le disait : « toute peinture est à la fois figurative et abstraite, puisqu’elle est la manifestation d’un tempérament. » C’est peu dire que Vernet-les-Bains a du tempérament. à peine 1500 habitants aujourd’hui et un caractère plus que trempé. Une manière superbe de déranger le visiteur grâce à une nature exceptionnelle. Il faut dire que ce campement du cosmos situé à 600 mètres d’altitude est divinement protégé… L’emblématique et vénérable Canigó appartient en effet à la commune de Vernet-les-Bains ! 

«  Nous vivons dans un village d’enfants gâtés ! »

à quelques mètres seulement, la montagne sacrée, élevée au rang de Grand Site de France, aurait pu se trouver sur le territoire de Taurinya. Anecdote, signe céleste ou chance ? Peu importe, les Vernétois mesurent tous les jours leur bonheur : « Nous vivons dans un village d’enfants gâtés, de pères peinards ! Le visuel est simplement fabuleux. Il est peu d’endroits dans le département aussi sauvages, non pollués et aussi verts. Vernet sera un endroit rare dans l’avenir… ». Deux torrents impétueux qui irriguent le village, dont le Cady qui prend sa source à 2500 mètres d’altitude, dix sentiers de rêve balisés pour un total de 84 km de marche à écouter les échos du silence. Les balcons par les cols, le belvédère de la Pena, les tours de Bardabanys, les cascades de Saint-Vincent et des Anglais, le Pic de l’Alzina par le jardin d’hiver… N’en jetez plus, y en a encore. Partout des fragments d’expériences uniques. Toujours à ciel ouvert comme dans un excès de réalité parfaite. Ajoutez à la carte postale, cette singularité qui fait la fierté des habitants : le village de Vernet jouit d’un micro-climat qui le prive et le protège à la fois des assauts des vents dominants ! Peut-être l’une des raisons pour laquelle Vernet peut se targuer d’avoir été classé « Village arboretum », le premier de France en 1996. Pin de Monterey, copalme d’Amérique, tamaris d’Afrique, marronnier d’Inde…, font aujourd’hui partie des 2000 arbres remarquables et des 320 espèces identifiées et soigneusement répertoriées. La commune entretient une relation privilégiée avec son patrimoine arboré. 

Quand le Pacha venait prendre les eaux à Vernet…

Régulièrement lauréat du « Prix de l’Arbre » organisé par le Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales, Vernet est le seul village où pour chaque nouvelle naissance, les parents plantent un arbre ! Vernet fait aussi partie des cinq « Stations Vertes » du département, premier label d’éco-tourisme de France. Si le pittoresque village de Vernet-les-Bains est connu pour ses paysages époustouflants, il l’est avant tout pour ses sources thermales. Les premières références aux propriétés curatives des sources de Vernet remontent à l’Antiquité. C’est pourtant essentiellement au XIXe siècle que le thermalisme connaît son âge d’or. En 1833, un habitant de Vernet trouve trois sources d’eau sulfureuse. L’exploitation commence avec la construction des Thermes Mercader. L’établissement changera plusieurs fois de propriétaires. Le déclencheur de notoriété est attribué au professeur Lallemand ébloui par « la beauté du site, la pureté de l’air qu’on y respire, l’efficacité de l’eau et ses résultats thérapeutiques les plus encourageants ». En 1846, il envoie à Vernet l’un de ses patients qui n’est autre que le fils du Pacha d’Egypte, le Prince Ibrahim Pacha. Un prince qui va défrayer la chronique sociale et mondaine et doter Vernet d’une notoriété inédite en pleine Belle époque. Une période d’insouciance et d’une certaine idée du confort portée par les progrès sociaux, économiques et technologiques dont l’arrivée du Chemin de Fer. Vernet connaît un engouement croissant pour ses thermes qui permettent à la bourgeoisie d’échapper à l’agitation urbaine et à trouver des remèdes naturels aux maux de l’époque. Vernet-les-Bains et ses eaux bénéfiques deviennent une destination prisée. Pour répondre à l’afflux croissant de visiteurs en quête de soins thermaux, Vernet n’a d’autre choix que de se faire belle. Un mécène belge fait construire un superbe parc ainsi que le Grand Hôtel du Portugal. On fait appel aux meilleurs architectes dont le Danois Petersen pour ériger le Casino, foyer des distractions, conçu comme un écrin quadrangulaire avec en son cœur une majestueuse salle de spectacle pouvant accueillir plus de 600 personnes. 

Une destination de prestige « so british »

De somptueuses bâtisses viennent sertir le quartier thermal conçu sur le modèle d’urbanisme initié à Paris par le Baron Haussmann. Ainsi, dès 1880, la construction de villas individuelles est entreprise : la villa Mauresque, des Roses, des Roches, des Lilas, ainsi que les célèbres et superbes chalets, dont celui des Glaïeuls, suisse ou alsacien… Ces résidences secondaires, destinées à la pratique aristocratique de la villégiature pour les curistes, s’inscrit dans une volonté d’améliorer la qualité de l’accueil à Vernet et d’attirer une population à la recherche de confort et de modernité. à cette époque, la clientèle anglaise n’a d’yeux que pour Vernet. On y croise le Maréchal Lord Roberts discutant avec le père du « Livre de la Jungle », le célèbre écrivain anglais Rudyard Kipling qui séjourne à plusieurs reprises à Vernet entre 1910 et 1926. Et se revendique même « au nombre des loyaux sujets du Canigó ».  En ce temps-là, la température de l’air de Vernet « Le paradis des Pyrénées », était même publiée dans plusieurs journaux anglais ! Dans les prestigieux Hôtel Alexandra, c’est André Malraux qui fait étape en 1937.  Au Casino, Charles Trénet fait ses débuts sur les planches. Au Casot de la Famille Nicoleau, on voit passer Jean Marais, Joseph Kessel ou encore Raoul Duffy. 

Une destination de prestige « so british »

Dans ce Vernet d’hier, traversé d’un vent de liberté, d’insouciance et d’esprit léger, la Princesse Battenberg, Maurice Chevalier, Mistinguett’ ou encore le président Deschanel ont laissé leur trace. Les artistes tels que le sculpteur Aristide Maillol, le poète Paul Valéry, le violoncelliste Pablo Casals ou encore le chansonnier et écrivain Aristide Bruant convergent vers Vernet. Pour l’anecdote : en 1970, le gouvernement espagnol utilise la vue de Vernet-les-Bains pour illustrer son billet de 500 pesetes, en hommage à Jacint Verdaguer, un des plus grands poètes catalan. Le Casino accueille fêtes et bals, dans la plus pure tradition des villes d’eau, et même la terrible guerre de 14 semble se contenter de planer sur la légèreté ambiante. La nature se chargera du choc. Ce sera « l’aiguat », cette terrible inondation de 1940 qui va détruire plus de la moitié de la station et plonger durablement Vernet dans un sommeil trompeur à partir des années 70. Aujourd’hui, il n’empêche, les Thermes changent de mains et font peau neuve grâce à l’entreprise familiale Valvital. Coup de jeune et coup de neuf pour cet établissement-phare qui accueille en moyenne 4000 curistes par an avec un taux de satisfaction de 96 % ! Mais ce qui caractérise sans doute le plus Vernet, outre son cadre magnifique, c’est son caractère étonnamment urbain dans un environnement résolument rural : boutiques, restaurants de toutes sortes, gastronomie locale et internationale, équipements sportifs, marchés typiques… Impossible de s’ennuyer, Vernet c’est le chic et choc, une surdouée qui a su se regarder dans le miroir magique, parier sur la nostalgie et miser sur son avenir. à Vernet, il flotte toujours et encore ce je-ne-sais quoi de bien-vivre, de liberté et de poésie. L’un des albums de l’enfant du village, le chanteur Cali porte le titre « Vernet-les-Bains ». Comme un retour aux sources. Et c’est dans son havre de paix d’enfance que Cali est venu récemment tourner un clip avec son ami Benabar.  Au Casino… Pour que le spectacle continue ! 

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