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Puigcerdà, le blanc lui va si bien

02 Déc Puigcerdà, le blanc lui va si bien

Dès que la montagne dévale des hauts de Saillagouse vers la belle plaine cerdane cerclée de part et d’autre de montagnes, on la devine à l’horizon, attentive, postée depuis des siècles pour protéger cette haute terre : c’est la silhouette du bastion de Puigcerdà qu’aucun obstacle géographique n’empêche de régner sur le paysage. Majestueux !

L’histoire a un temps balancé entre Hix (Bourg-Madame) et Puigcerdà pour doter ces hautes terres d’une capitale militaire et spirituelle à leur mesure, mais dès 1177, les jeux sont faits. La situation stratégique de ce qui est encore référencé comme le château de Mont Cerdà, à la jonction de quatre rivières dont le Sègre, à l’ouverture des plaines d’altitude de la haute-Cerdagne, à la croisée des chemins vers le Ripollès, conduisent Alphonse le Sage à donner à la ville apparue autour de ce château le statut de place-forte frontalière et surtout, l’autorisation de tenir marché. Par la suite, Puigcerdà ne cessera d’accueillir de nombreux sièges administratifs qu’ils soient laïques ou religieux, et dans un premier temps de très nombreuses concessions royales. Ses confréries, l’installation de grands couvents par les ordres dominicain, franciscain ou des clarisses et aussi sa très nombreuse et très dynamique communauté juive dopent ses activités. Très vite, la ville se développe comme centre commercial et militaire, au point de devenir la sixième localité de Catalogne et la capitale incontestée de la comarca de Cerdagne, aujourd’hui coupée en deux par la frontière. Puigcerdà a survécu à de grands incendies, au tremblement de terre de 1428, à de terribles affrontements pendant la guerre d’Espagne mais a su faire de chaque cicatrice un atout de séduction et de chaque vestige un livre vertigineux ouvert sur sa mémoire. Un destin bien trempé.

Une mémoire distillée

Vous allez adorer le lac. Même en ces températures hivernales, les bancs ensoleillés sont propices à la lecture et à la méditation. Le tour du lac, dont la surface, même si elle est gelée, capte les irisations rosées du soleil et devient un lieu de rencontre prisé des couples d’amoureux, des familles et des visiteurs. Ce haut lieu des promenades locales, puits de légendes, berceur d’enfances joyeuses à vélo ou ballon au pied, remonte en fait au XIIIe siècle. Il retenait alors les eaux du Carol pour lutter contre les incendies et irriguer les cultures. Lorsque Puigcerdà est devenue, vers le milieu du XIXe siècle, une ville de villégiature pour les bourgeois barcelonais en quête d’air pur et de paysages immenses, l’évidence s’impose à German Schierbeck, consul du Danemark à Barcelone et propriétaire d’une résidence secondaire. Il décide de doter la ville d’un parc digne de son avenir et de ses belles demeures noyées de jardins généreux. C’est aujourd’hui l’un des plus grands atouts touristiques de Puigcerdà. Autre vestige transformé, le clocher de son église Santa Maria, insolite et solitaire, porte beau ses 900 ans d’âge, au cœur d’une place animée qui ouvre sur la vieille ville. Attention les yeux, une enfilade de terrasses de cafés, illuminées par les couleurs chaudes des façades, surplombées de réverbères Art Nouveau vous ouvrent les bras au cœur de rues étroites bordées de belles maisons cerdanes de pierre taillée. C’est ici que bat le pouls de la ville.

Véritable capitale commerciale

La grande place allongée aux allures de rambla est le haut lieu du marché dominical hebdomadaire. Là encore, les siècles ont marqué le pas : c’est un des marchés les plus authentiquement ruraux de Catalogne et une foule dense s’y presse sus les arcades, venue de toute la Cerdagne, de part et d’autre de la frontière, mais aussi du Ripollés. On oscille entre marché aux puces, marché de terroir et bazar dans un joyeux brouhaha multilingue. Puigcerdà est une vraie capitale commerciale. Beaucoup des chalands du marché viennent en fait passer la journée, séduits par le charme de la ville et ses nombreux petits restaurants. Les rues ont vu passer Albéniz, Verdaguer, Granados ou encore Rusiñol et les vieux hôtels en gardent l’élégance un rien surannée.

 Une ville d’itinérances

Il vous suffit de vous laisser porter ! L’architecture de Puigcerdà est un véritable camaïeu de gris, organisé autour d’une série de places et de placettes, coincées entre l’église et les eaux écumantes du Sègre en contrebas. Faites une halte sur la place de la mairie, un beau bâtiment orange qui s’ouvre sur une terrasse-mirador qui offre une vue assez incroyable sur tout le pays cerdan. L’esplanade, initialement gothique, surmonte une salle voûtée datant de 1760, probablement destinée à traverser les remparts en toute discrétion. à côté de l’ascenseur panoramique, notez le beau lavoir de pierre grise, témoin du rude quotidien cerdan avant que la fée électricité ne le révolutionne. Les rues étroites, joliment pavées, sont bordées de belles maisons cossues, qui racontent encore leur mémoire paysanne, celle d’un temps où le rez-de-chaussée abritait souvent l’étable. S’il reste peu de traces des remparts, on en sent pourtant le poids et le sens, on en devine les portes disparues et les passages sombres du quartier juif. Puigcerdà n’en est pas à une surprise près. N’a-t-elle pas failli devenir la capitale du département français du Sègre, crée en 1810 par Napoléon ? La rupture de style intervenue au cours du XIXe siècle s’illustre avec le Casino Ceretà, haut lieu de sociabilité et de culture, un des bâtiments les plus distinctifs de Puigcerdà, formé de deux grands blocs séparés par une gloriette, respectivement un théâtre, et un casino avec les bars, la salle de billard, la bibliothèque.

Changement de cap

Le plafond à moulures et le lustre monumental du salon octogonal sont magnifiques et la façade ornementale présente des masques et des visages de la Commedia dell Arte. Ce changement de physionomie de la ville se confirme avec le Musée Cerdà, un ancien couvent de Carmélites reconditionné sous forme de grand mas classique devenu un miroir de la ville et de son territoire sous tous ses aspects : archéologiques, historiques et ethnologiques. Il se montre dans les vestiges de l’ancien couvent Saint Dominique rival historique de l’abbaye de Cuxa dont une galerie orne encore ce qui est devenu la bibliothèque municipale. Dans une chapelle latérale de l’église à nef unique se trouve la fresque gothique de l’arbre de la vie. Puigcerdà aime à surprendre… Et puis, pour peu que la neige tombe sur les sommets ou sur la ville, Noël a trouvé sa demeure : du 27 novembre au 5 janvier, une foule d’événements se succèdent : concours de poésie, grand marché, arbre aux souhaits, concerts et ballets dans la ville, Festival d’Orgue des Pyrénées, représentation des pastorets, Caga Tió… De quoi attendre tranquillement l’escudella des fêtes et les cannelloni de la Sant Esteve avant d’arriver tout schuss vers la cavalcade des Rois et les spectacles féériques sur glace. Puigcerdà est un authentique diamant et n’a pas son égal pour capter la lumière dans toute sa féérie.

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