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La route des Centrales : une histoire d’eaux

31 Mai La route des Centrales : une histoire d’eaux

La vraie trace de l’homme se manifeste en barrages énormes, en tunnels et canaux qui percent la montagne pour former des voies d’eau accélérées et créer des cascades vertigineuses. Dans les années 50, le Pallars-Sobirà a vu son destin basculer.

Comme on peut l’imaginer, la comarca n’a pas attendu la fée électricité pour utiliser l’énergie motrice de l’eau et actionner ses meules et ses scieries, mais ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle qu’elle a été utilisée pour produire de l’énergie pure et non simplement un mouvement utile. À cette époque les mégisseries jouxtaient les forges catalanes, et la culture du chanvre stimulait la production de cordes, de ficelles et de câbles par des moyens mécanisés. On recense dès le XVIe siècle, à Rialp, des moulins à farine, des machines à fouler les draps et autres tissus, des machines à débiter le bois, qui pour être totalement artisanales n’en sont pas moins efficaces à l’heure de soulager l’homme. Première étape de votre périple, la scierie et le moulin à farine d’Àreu, qui rassemble dans une maison de pierre de deux étages, un moulin, une scierie et surtout la roue qui les fait fonctionner encore aujourd’hui à la seule force de l’eau. Cette proto-industrie, précurseur du rôle futur de l’eau comme vecteur de développement s’est révélée être un tremplin idéal pour l’installation de trois grands complexes hydroélectriques dans les années cinquante : Cardós, l’Escrita et Borèn Unarre. Ces structures imposantes ont permis au Pallars Sobirà de contribuer au développement général de la Catalogne en fournissant de l’électricité aux villes, notamment Barcelone, sans rien perdre de ses ressources propres qu’elle a pu utiliser à loisir pour moderniser la vie de ses habitants. La « route des centrales », à décliner à la fois en voiture et à pied à fleur de montagne, vous propose de découvrir l’histoire fascinante de l’électrification dans le Pallars. Vous partirez à la rencontre des anciens mécanismes hydrauliques, vous explorerez des minicentrales pittoresques et admirerez des centrales hydroélectriques modernes, le tout dans des paysages d’une beauté saisissante. C’est une formidable plongée dans le monde de la technologie et des personnes qui ont façonné le paysage électrique de cette région. À Ribera de Cardós, vallée isolée et somme toute assez courte, l’arrivée de la compagnie Copisa a radicalement transformé la sociologie locale. En remontant à 1965, observez comment l’économie locale s’est transformée suite aux grands travaux débutés en 1960. Avec l’avènement des centrales, de nouveaux commerces ont vu le jour, enrichissant le quotidien des habitants avec l’ouverture de nombreux magasins d’alimentation, bars, salons de coiffure, boutiques de vêtements, mais également l’augmentation du personnel médical et l’afflux d’élèves dans les écoles.Ce phénomène s’observe dans toutes ces unités industrielles. À Llavorsi, l’eau destinée à alimenter la centrale arrive via un tunnel de 16 km depuis le lac de Tavascan, après avoir effectué trois chutes vertigineuses, la dernière de 305 mètres, actionnant au passage de nombreuses turbines. La centrale produit suffisamment d’électricité pour 45 000 habitants, soit pour une ville moyenne, tandis que celle de Torrassa Espot combine la fourniture quotidienne d’électricité avec les sports d’eaux vives. Le complexe de l’Escrita, également créé en 1950, comprend plusieurs unités dont celle de Lladre, accessible depuis Espot et particulièrement impressionnante avec sa chute d’eau de 579 mètres qui la relie à la centrale de Sant Maurici, puis, après un long canal, à la centrale d’Espot et sa cascade de 410 mètres. Ces dénivelés fabuleux, alliés au débit nourri des rivières et des canaux, permettent d’actionner d’énormes turbines, et sont en soi un spectacle. Enfin, le barrage de Borèn alimente la centrale d’Esterri Àneu, sur la Noguera Pallaresa. Ce dernier était destiné à un développement bien plus vaste et a, à ce titre, fait l’objet de plusieurs projets ambitieux jusque dans le milieu des années 80, qui ont tous été abandonnés. Il faut savoir que la HECSA (Compagnie Hydroélectrique de Catalogne) avait réussi à obtenir le débit de 14 m3 par seconde du cours de la Noguera Pallaresa à la hauteur d’Esterri, ce qui lancé la construction d’un immense barrage, mobilisant pendant plusieurs années 500 ouvriers pour la plupart originaires de Galice.

Les secrets de la montagne

Le débit, assez incroyable en termes de volume, mais aussi en termes de vitesse des eaux arrive par un canal avant d’effectuer un saut de 143 mètres. La HECSA a également construit les barrages d’Escorriols et Unarre. Vous allez adorer ces chutes d’eau improbables aux dénivelés vertigineux ! Dans le Pallars Sobirà, au début des années 50, les ouvriers du bâtiment étaient plus nombreux que la population autochtone. Cet itinéraire au cœur de l’aventure des eaux est non seulement spectaculaire, mais surtout inattendu. Il faut imaginer que la montagne est creusée d’immenses réservoirs et de canaux, pour saisir l’ampleur de ces travaux. Le barrage d’Unarre, par exemple, prend son eau à l’étang de la Gola, situé à plusieurs kilomètres de distance ! Toutes ces centrales sont visibles le long des cours d’eau qu’elles entravent pour y donner naissance à des lacs profonds, et la plupart des installations peuvent être admirées et photographiées depuis les sentiers escarpés qui strient les montagnes. Vous êtes peut-être de ceux qui veulent tout comprendre ? Dans ce cas, rien de tel que la visite de la centrale de Tavascan, située en haut de la vallée du Cardós. Les installations se trouvent dans une sorte de grotte gigantesque située à 500 m de profondeur, oui vous lisez bien, 500 m, dans la montagne du Pic de Guerón. Il s’agit d’une centrale réversible, c’est-à-dire qu’elle utilise l’eau des lacs pour produire de l’électricité pendant la journée et fonctionne comme une pompe la nuit remontant cette eau en altitude pour ensuite la laisser redescendre et la réutiliser. Une réponse magistrale en cette période de sècheresse, qui crée un cercle parfaitement vertueux et un véritable modèle de gestion des ressources en eau. L’ensemble regroupe l’unité de Tavascan, haute comme un immeuble de 11 étages et celle de Montmara équivalent à 21 étages.

Ces deux ouvrages massifs témoignent de l’épopée vécue tant par les bâtisseurs que par la population locale, témoin d’un profond bouleversement de son environnement ! Les eaux sont captées dans les lacs de Graus, Romedo, Certescan, Tavascan, La Farga et Montalto, puis acheminées par un impressionnant réseau de 75 km de tunnels et de canaux de dimensions remarquables. Par exemple, le canal de Romedo mesure plus de 8 km, celui de Montalto un peu moins, et celui de La Vall Ferrera 5 km. Cette visite vous surprendra sous bien des aspects : l’immensité des turbines, le labyrinthe souterrain, les techniques de construction complexes nécessitant l’utilisation d’un téléphérique pour transporter les matériaux en altitude, ou encore la modernité des installations, entièrement informatisées. Ce site fait partie du Réseau du Tourisme Industriel de Catalogne, le Xatic. Après cette visite, vous ne regarderez plus votre interrupteur de la même manière ! Cependant, ce qui impressionne le plus n’est pas tant la prouesse technique, mais la manière dont ces barrages, centrales et usines se sont intégrés dans le paysage, le sublimant parfois en créant de magnifiques plans d’eau qui offrent une pause bienvenue à la course effrénée des rivières. La Route des Centrales est un itinéraire passionnant qui combine excursions en montagne, promenades au bord des lacs et des rivières, et visites d’installations. C’est une manière charmante de découvrir le Pallars Sobirà.

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