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Frontières et lignes de fuite en Catalogne nord

02 Fév Frontières et lignes de fuite en Catalogne nord

Ancienne frontière sur les garrigues sèches des Corbières, nouvelle frontière des Albères aux Pyrénées, la Catalogne nord fut au fil des siècles un territoire très disputé. Et très défendu !

Comme en Catalogne sud, les monuments militaires de la Catalogne nord révèlent les strates de l’histoire. Ils portent en outre, le dessin de deux frontières distantes d’une centaine de kilomètres, la ligne des Corbières et celle des Albères, et tout là-haut, la démarcation imperceptible entre Haute et Basse Cerdagne. Les Grecs avaient certes encerclé de remparts imposants la belle Illibéris (Elne), et les Romains planté leurs tentes sur l’oppidum de Ruscino (Perpignan), mais l’histoire du patrimoine militaire nord-catalan prend vraiment son envol au Moyen Âge.

Un réseau d’information efficace

Guifred le Velu, père de la nation et tous ses parents vivent dans de petits châteaux à peine moins frustes que les cabanes de leurs serfs. Tous les villages ont besoin d’être défendus en ces temps troubles de guerres seigneuriales incessantes, aussi, le paysage est-il hérissé de ruines, comme celles de Ria, berceau de la Catalogne, ou de châteaux préservés comme celui de Castelnou. Sur les hauteurs, Albères, Pyrénées et Corbières sont défendues par des tours de garde et de guet : les torres de Guaita. La Tour de Madeloc et celle de la Massane, annoncent une éventuelle menace jusqu’aux tours de Cabrenys, au-dessus de Serralongue, qui en réfèrent à la Tour du Mir, au-dessus de Prats de Mollo. Cette dernière avertit la tour de Parella, à deux pas du château. La tour de Batère, relaie le message qui remonte en parallèle la vallée du Conflent via Força Real et avertit les tours des Corbières au-dessus de Maury et de Tautavel. Tout un maillage, un véritable réseau d’alerte et d’information avant la lettre !

Une féodalité épanouie

Sur la frontière qui sépare la Catalogne des terres occitanes, dont plusieurs seigneurs sont également vassaux des comtes-rois, s’élèvent des châteaux de garnison auxquels on donnera plus tard le nom de châteaux cathares. Ils furent les ultimes points de résistance des tenants de l’hérésie, brisés par la croisade albigeoise et l’invasion des barons français au début du XIIIe siècle. Quéribus et Peyreperthuse répondent alors à Salvaterra, au-dessus d’Opoul. Sur les sommets des Pyrénées, avec les châteaux de Puyvalador et de Formiguères, le vaillant Capcir tient les positions les plus septentrionales de la Catalogne. Beaucoup de villages sont fortifiés et blottis autour d’églises qui ressemblent à des systèmes défensifs. Rien ne différencie ce nord rural et industrieux de l’Empordà voisin : même empreinte féodale, mêmes abbayes…

Le miracle gothique

Tout va changer avec la création de l’éphémère mais indélébile Royaume de Majorque, qui va faire du Roussillon sa plate-forme continentale et de Perpignan sa deuxième capitale, dotant au passage le territoire de deux authentiques merveilles gothiques, mi forteresses / mi résidences, annonciatrices du monde renaissant, à savoir le château de Collioure, vertigineusement juché au-dessus de sa muraille à l’aplomb de la mer, et l’incroyable Palais des Rois de Majorque, un joyau architectural d’allure générale médiévale, mais organisé autour d’une cour pavée spacieuse, bordée de deux galeries gracieusement asymétriques, ornées d’un appareillage alliant cayrou et marbre blanc, réplique presque fidèle du beau château de Bellver à Palma de Mallorca. Du Perpignan d’alors, protégé par l’étroite étreinte de ses remparts, subsiste le Castillet, à la fois porte de la ville et prison, devenu le symbole de la capitale de la Catalogne du nord, avec sa belle architecture militaire. La petite forteresse connut de nombreux sièges, tant furent fréquentes les incursions françaises sur ce territoire du nord si convoité.

Une double frontière

Elles finirent d’ailleurs par conduire les monarques ibériques à faire construire l’incroyable forteresse de Salses, énorme, tapie dans les sables à quelques encablures de la mer, totalement imprenable et due au ciseau de l’Espagnol Ramiro Lopez. Mais ici, c’est en 1659 que tout bascule. Louis XIV ne tarde pas à comprendre, avec les dix ans de guérilla qu’imposent à ses armées les habitants du haut Conflent et du Vallespir excédés par l’imposition de la gabelle et peu favorables à la France, qu’il lui faudra mater ce territoire, et casser autant que faire se peut ses liens avec le Principat. Pour y parvenir, il délègue son architecte en chef, Sébastien Vauban. Très vite, Villefranche-de-Conflent se dote d’une super forteresse du vertige, Fort Libéria. La ligne des Albères aux Pyrénées est défendue par Fort Bellegarde qui verrouille le col du Perthus, Fort les Bains (Amélie-les-Bains) qui veille sur la montée vers la haute vallée du Tech, et Fort Lagarde (Prats-de-Mollo) qui boucle la montée vers le Col d’Ares, tandis que l’entrée du plateau cerdan est verrouillée par la citadelle de Mont Louis et que Vauban apporte quelques améliorations au Palais des Rois de Majorque et à la forteresse de Salses. L’armée se contente par la suite de gérer l’existant, occupant les bâtiments en l’état.

Intacte

La deuxième guerre mondiale a peu d’incidences sur le patrimoine militaire nord-catalan et se limite à des fortifications de type bunker sur la côte, encore visibles à Torreilles ou à Sainte-Marie. Au nord aussi, les pierres disent l’Histoire.

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